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Matignon applique la méthode Jospin à l’e-administration

Le réseau a forgé un nouveau modèle d’action gouvernementale. Matignon en tient les fils. Sites interministériels, national et international : la France s’engage dans l’administration en ligne.

C’est décidé : les services du Premier ministre lanceront cet automne une campagne publicitaire d’un million et demi d’euros (10 millions de francs) pour doper l’audience citoyenne du portail de l’administration, Service-public.fr. Le mercredi 27 juin, les agences de publicité candidates ont été convoquées dans les bureaux du Service d’information du gouvernement (SIG), 19, rue de Constantine à Paris, afin que leur soit précisé le cahier des charges. Bernard Candiard, le patron du SIG, préside la réunion, aux côtés de Sophie Moati, la directrice de la Documentation française, éditeur du gouvernement et opérateur de tête de Service-public.fr. Ce site portail met à contribution les contenus de toute la toile gouvernementale, soit une cinquantaine de sites institutionnels qui forment le Club de l’internet public, lui aussi représenté pour l’occasion.

Un modèle de jeune pousse administrative

Pour Matignon, Service-public.fr doit représenter l’engagement du gouvernement français dans l’administration électronique. “Une référence internationale en matière de portails administratifs orientés vers la satisfaction de l’usager“, répète-t-on à l’envi dans l’entourage de Lionel Jospin. Mais Service-public.fr est aussi un modèle de start-up administrative que le gouvernement est bien décidé à promouvoir pour moderniser le fonctionnement des services de l’État. Le guichet unique des services publics en ligne a permis d’éprouver une méthode d’action transversale dans l’administration. “Notre choix a été de procéder selon des règles du jeu informelles : un comité de projet qui implique les différentes administrations sans bouleverser d’emblée leur structure “, précise Sophie Moati.Service-public.fr a été ainsi la matrice du Club de l’internet public, qui a systématisé la coopération des maîtres d’?”uvre de l’administration électronique. “ Le Club de l’internet public est formalisé depuis un an et compte en tout soixante-dix personnes, webmestres et directeurs de la communication des sites gouvernementaux. Une vingtaine de membres actifs se réunissent chaque mois pour assurer la coordination de notre production en ligne et de nos projets web“, explique Benoît Thieulin, rédacteur en chef du site du Premier ministre.

Concertation politique

Au cabinet de Lionel Jospin, la médiatisation de Service-public.fr est un signe qui ne trompe pas. Et pour Jean-Noël Tronc, conseiller du Premier ministre pour la société de l’information, c’est la preuve que le dispositif politique mis en place dès 1997 à Matignon a porté ses fruits. Passé par le Commissariat au plan, cet ancien consultant en télécommunications chez Arthur Andersen est l’homme qui organise la première mise en réseau de l’action gouvernementale. Un reengineering du pouvoir exécutif pour adapter la décision politique aux nouveaux enjeux des débats. “Nous avons fait d’emblée le choix de ne pas créer un ministère internet “ad hoc”, mais plutôt de mettre en place une stratégie globale qui mobilise chaque ministère“, explique-t-il.Dans chaque cabinet, un conseiller idoine a donc été désigné pour former une cordée interministérielle de trente-cinq relais politiques. Ce réseau ” Cor Pagsi ” (dans le jargon maison : correspondant pour le programme d’action gouvernemental pour la société de l’information) s’appuie sur une interface électronique, l’extranet Vitamin. Un réseau connecté par ailleurs au Club de l’internet public et aux organisations syndicales pour le dialogue social en ligne. Élargi à l’administration centrale, le dispositif Pagsi compte 150 à 200 fonctionnaires mobilisés pour la politique de régulation d’internet. S’y ajoute pour l’international, un ambassadeur itinérant, rattaché au Secrétariat général de Matignon. “Le réseau des affaires étrangères a été mis à contribution pour éclairer le gouvernement sur les enjeux des négociations internationales à l’ère numérique“, explique Bertrand de La Chapelle, directeur de la mission pour les nouvelles technologies au Quai d’Orsay.

Le prototype de la gouvernance de l’ère numérique

Enfin, sous la responsabilité de la Direction du développement des médias (DDM), le site Internet.gouv.fr est devenu le canal officiel de Matignon pour les consultations publiques. Depuis 1998, les principaux volets législatifs sur la société de l’information, de la signature électronique au numérique terrestre, y ont tenu leurs forums, sources d’orientation pour le gouvernement. En constituant un système de concertation à la fois interministériel (le Pagsi), national (Internet.gouv.fr) et même international (l’ambassadeur itinérant), la société de l’information a créé à l’Hôtel Matignon un cabinet virtuel qui se veut le prototype de la gouvernance de l’ère numérique.Pour l’heure, cette révolution managériale dans les directions de cabinet se cantonne au strict domaine de compétence internet. Le réseau des réseaux a permis de forger un outil d’action politique sur mesure qui a eu son épreuve du feu avec Service-public.fr. Mais cette nouvelle politique serait encore trop neuve pour être promue au titre de Méthode Jospin, affirme-t-on à Matignon. “ La procédure de concertation publique n’est systématisée que sur les sujets liés à internet. Les forums concernant les autres domaines d’action gouvernementale ont jusqu’ici mal fonctionné“, reconnaît Laurence de Susanne, responsable des forums gouvernementaux. Reste qu’à Bercy, Lionel Jospin a laissé le soin à Laurent Fabius d’avancer un nouveau pion au nom de son équipe : le 5 juillet, le numéro deux du gouvernement annonçait son programme ” e-ministère “.La stratégie de Jean-Noël Tronc a fait école dans les états-majors du Minefi (Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie). Internet n’est plus seul concerné. Désormais l’environnement, les biotechnologies et l’innovation sont également sujets à concertation électronique.
La semaine prochaine : Bercy à l’heure de le-business

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Sébastien Fumaroli