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Mate 30 Pro : on décrypte les modules caméra de la nouvelle bombe photo de Huawei

Deux capteurs « géants », ralenti ultra rapide à plus de 7000 images par seconde, 4K 60p HDR, deux modules ToF, jusqu’à 409.600 ISO en photo et 52.000 ISO en vidéo, etc. Avec le Mate 30 Pro, Huawei poursuit sa course folle à l’innovation.

Il n’aura pas les applications Google et son destin européen est menacé : le Mate 30 Pro de Huawei sera sans doute la première « victime » électroniquede la guerre économique sino-américaine. Au regard de la fiche technique ahurissante de l’appareil, c’est une injustice face au travail des ingénieurs de Huawei. Et plus particulièrement du point de vue du matériel photo où Huawei, une fois encore, innove à marche forcée et ne fait rien comme les autres.

Le Mate 30 Pro s’appuie sur 4 capteurs d’image – trois au dos de l’appareil, un en façade – ainsi que sur deux capteurs de temps de vol (ToF). Un panaché de modules empruntés au P20 Pro (téléobjectif) et au P30 Pro (module principal grand-angle), mais aussi un tout nouveau module ultra grand-angle qui se paye le luxe d’intégrer le plus grand capteur du marché. Le tout piloté par le coupe ISP (image signal processor, processeur de traitement d’image) et NPU de dernière génération. Le tout se posant comme l’une des promesses photographiques – et vidéographique – les plus sérieuses du segment des smartphones. Anatomie du monstre.

4 + 2 = 6 capteurs

Les fabricants de capteurs doivent se frotter les mains : ce ne sont pas moins de six capteurs qui équipent le Mate 30 Pro. Quatre capteurs d’image (CMOS) et deux capteurs dédiés à la mesure des distances, des capteurs dit ToF (Time of Flight, temps de vol). L’un au dos, l’autre en façade, ces capteurs ToF mesurent la distance des objets dans un rayon de 5 m en calculant le temps qu’il faut à des photons qu’ils émettent pour revenir. Ce sont leurs informations de distance aux sujets qui permettent au terminal de simuler l’effet bokeh (finesse de la profondeur de champ) non seulement à partir des caméras arrière, mais aussi à partir de la caméra en façade (selfie).

Voici le détail des quatre modules d’image :

– Module principal grand angle équivalent 27 mm f/1.6 de 40 Mpix (format 1/1.7″) à matrice RJJB stabilisé optiquement
– Module ultra grand-angle équivalent 18 mm f/1.8 de 40 Mpix (format 1/1.54″) à matrice RGGB
– Module téléobjectif équivalent 80 mm f/2.4 de 8 Mpix (format 1/4″) stabilisé optiquement
– Module de façade (selfie) équivalent à un 26 mm f/2.0 de 32 Mpix (pas d’indications de dimensions)

Cette avanlanche de capteurs est pilotée par le processeur de traitement intégré au Kirin 990. Un ISP dont on apprend par la nomenclature – 5.0 – qu’il représenterait la 5e génération développée par Huawei. À notre connaissance, c’est la première fois que Huawei communique sur la version de son processeur d’image. Pilotant et synchronisant les six modules (CMOS et ToF), l’ISP 5.0 du Mate 30 Pro est épaulé par le processeur neuronal (NPU) « Da Vinci » intégré au Kirin, qui se charge notamment de la reconnaissance des sujets.

Module principal et caméra selfie : héritage du P30 Pro

Si vous avez lu le test du Huawei P30 Pro, deux modules vous seront familiers : la caméra en façade équivalent 26 mm f/2.0 et le module caméra principal, un grand-angle équivalent à un 27 mm f/1.6. Ce dernier était le joyau du P30 Pro, le premier capteur à matrice RJJB (Rouge-Jaune-Jaune-Bleu appelé RYYB par les anglophones) de l’histoire des smartphones. Un capteur géant dérivé du P20 Pro, mais où les pixels verts cèdent leur place à des pixels jaunes afin de maximiser la quantité de lumière absorbée.

La grande taille du capteur (format 1/1.7 pouce soit 7,53 x 5,64 = 42,47 mm²), sa haute définition (40 Mpix sous-échantillonnés à 10 Mpix par défaut) et sa capacité à récolter plus de photons qu’une matrice RVVB classique en font le king des basses lumières, le premier capteur de l’histoire des smartphones à (vraiment) voir en pleine nuit. À moins d’une évolution dans la chaîne de production, le P30 Pro devrait offrir au minimum les mêmes performances, voire mieux si le traitement d’image a été amélioré. Le Mate 30 Pro hérite donc du meilleur module caméra principal du marché !

La caméra en façade semble elle aussi être la même que celle du P30 Pro, un module équivalent 26 mm f/2.0 (grand-angle) dont on ignore les dimensions du capteur. La définition d’image de 32 Mpix semble un peu surdimensionnée pour un tel usage, mais quand on constante la déferlante d’égoportraits sur Instagram, on comprend le choix de Huawei.

Ultra grand-angle 1/2 : un capteur encore plus grand !

La grosse innovation photographique du Mate 30 Pro est le nouveau module ultra grand-angle. Rien à voir avec le « petit » module du P30 Pro, un équivalent 16 mm f/2.2 alimentant en lumière un capteur CMOS classique de 16 Mpix au format 1/2,7’’. Ce module assez classique ne dispose que d’une petite surface utile (5.33 mm x 4 mm = 21,32 mm²) et Huawei voulait aller plus loin.

Le « plus loin » prend la forme d’un second capteur à matrice RGGB (pas RJJB), encore plus grand que le capteur principal : un « géant » au format 1/1,54 pouce offrant une surface d’environ 55 mm², soit 150% plus grande que celle du module du P30 Pro ! La définition d’image est toujours de 40 Mpix et nul doute que Huawei va, comme avec le module principal, utilisé ce déluge de pixels pour produire de belles images aux alentours de 10 Mpix.

Le grand angle est un peu moins large – équivalent 18 mm contre un équivalent 16 mm pour le P30 pro – mais non seulement la couverture angulaire est déjà large, mais en plus Huawei a équipé le capteur d’une optique très lumineuse f/1.8. Avec un capteur si grand, collectant autant de lumière (matrice RJJB) et une optique si lumineuse, le Mate 30 Pro a, sur le papier, toutes les armes pour devenir le roi de la qualité d’image en ultra grand-angle.

Ultra grand-angle 2/2 : 52.000 ISO, super ralentis et « Cine lens »

La promesse serait déjà belle si elle s’arrêtait au potentiel photographique, mais Huawei est allé bien plus loin : ce module caméra ultra grand-angle est estampillé « Cine Lens ». Sous cette appellation « marketing » se cachent des usages vidéo inédits. À commencer par des capacités de shoot en basses lumières jamais vues dans les smartphones puisque ce capteur d’exception pourra shooter des séquences jusqu’à 52.000 ISO. Le tout, en 4K60p HDR+. De quoi permettre à Huawei non seulement de rattraper son retard mais même prendre la tête de la compétition en offrant des shoots nocturnes inaccessibles aux autres terminaux.

À cette vision de chat s’ajoute des ralentis jamais vus dans un produit grand public : en 720p, le Mate 30 Pro peut enregistrer des séquences à 7680 images par seconde soit un ralenti x256 ! Si vous préférez la Full HD, il faut réduire cela à 960 images par seconde (ralenti x32). Même les compacts Sony équipés de leur super processeur Bionz X et de leur capteur Exmor RS (stacked CMOS) n’arrivent pas à la cheville du Mate 30 Pro dans ce domaine. Il reste cependant à voir quelle est la qualité des images lorsque la lumière baisse un peu – dans le domaine de la vidéo au ralenti, la lumière est une limite encore plus grande qu’en situation normale. S’ajoute à ces fonctions un mode timelapse 4K allant jusqu’à 12 heures consécutives avec simulation de rendu cinématographique.

Détail qui a son importance et qui soulève beaucoup de questions : en mode vidéo, le capteur capterait les séquences en 3/2 et non en 16/9. Mais quelles seront les définitions de sorties ? Est-ce pour stabiliser les séquences a posteriori ? Vivement le test.

Téléobjectif : un emprunt au P20 Pro

Adrian BRANCO / 01net.com – Les trois modules caméra du Huawei P20 pro avec, à gauche, le téléobjectif.

Le téléobjectif est le seul élément photographique où la fiche technique du Mate 30 Pro déçoit : il s’agit sur le papier du même module caméra télé que celui du P20 Pro, à savoir un équivalent 80 mm ouvrant à f/2.4. La déception ne tient pas dans la focale : même pour les portraits, les 135 mm du P30 Pro sont parfois un peu longs et le 80 mm est une excellente focale plus facile à manier. La vraie déception tient dans la taille du capteur qui au format 1/4’’, ce qui donne 3,2 x 2,4 mm soit seulement 7,68 mm². Soit x6 moins de surface utile que le capteur ultra grand-angle avec une couverture angulaire plus réduite (et donc moins de lumière).

Nous avons testé le P20 Pro et si les résultats du module téléobjectif sont bons en plein jour, la qualité se dégrade très rapidement dès que la luminosité est en baisse. S’il ne fait aucun doute que Huawei a continué d’améliorer les algorithmes et son électronique (l’ISP notamment), la marge d’amélioration d’un si petit capteur est mince. De notre côté, nous souhaitons que Huawei travaille le rendu des couleurs et plus particulièrement leur cohérence d’un module à l’autre.

Le module téléobjectif à optique périscopique du Huawei P30 Pro.

Pourquoi Huawei n’a-t-il pas intégré le téléobjectif périscopique du P30 Pro ? Difficile d’être affirmatif. Parmi les pistes, on peut citer des raisons marketing (laisser de la place au P30 Pro… ou au futur P40 Pro l’an prochain), énergétiques (mettre un capteur plus grand a un impact sur la batterie), la complexité d’ingénierie (la place est limitée dans un smartphone), etc. Nous faisons ici la fine bouche et le 80 mm f/2.4 donne de bons résultats, mais il faudra se cantonner aux situations de plein jour. Vivement que Huawei développe une nouvelle construction optique d’exception pour ajouter un autre capteur géant !

En 18 mois, Huawei a non seulement fait murir son capteur géant, mais l’aura en plus décliné pour proposer, au sein de ce Mate 30 Pro, deux modules caméra sans équivalent sur le marché. Et, sur le papier au moins, sans concurrence crédible. Il reste à mettre la main sur l’appareil pour vérifier ses promesses, les comparer aux Galaxy de Samsung et aux iPhone d’Apple. Et espérer qu’il puisse sortir sur le marché européen…

Note du 23/09/2019 : une version précédente de cette article affirmait par erreur que le module ultra grand-angle était équipée d’un capteur RJJB. S’il s’agit bien d’un capteur 40 Mpix au format 3/2, sa matrice de Bayer est bien une matrice classique RGGB. Toutes nos excuses pour cette erreur.

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