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Making of : Donkey Kong Country au pays du soleil texan

Ce vendredi 3 décembre sort Donkey Kong Country Returns, jeu phare de la Wii pour les fêtes. Véritable travail d’orfèvre collégial, il est l’aboutissement de douze ans de collaboration bouillonnante entre cerveaux japonais et? artisans texans.

Nous sommes au 1835, Kramer Lane, Austin, Texas, Etats-Unis. C’est ici, à 400 mètres de l’arrêt Metric-Denton, qui coupe Metric Boulevard et Denton Drive, à quelques miles du ranch familial des Bush, que pendant près de deux ans, loin des regards, Donkey Kong apprenait à nouer sa nouvelle cravate rouge. En 1981, Miyamoto avait créé son célèbre primate en s’inspirant de Brutus, l’ennemi de Popeye, et de King Kong, le gorille géant, afin de séduire le public américain. Son vœu est plus qu’exaucé : aujourd’hui, c’est Retro Studios, une firme américaine implantée dans la capitale du Texas, qui a développé pour le compte de Nintendo ses nouvelles aventures, l’excellent Donkey Kong Country Returns.

Britain got talent

Si le Japon est célèbre pour son patriotisme économique, la firme de Kyoto a depuis longtemps fait le pari de s’entourer de studios étrangers pour étoffer son catalogue, souvent pour des considérations techniques. Ainsi, Kensuke Tanabe, producteur japonais du jeu, ne cache pas son admiration pour Retro Studios : « Je pense qu’ils sont tout particulièrement forts pour créer des expressions graphiques et pour utiliser au maximum les capacités de la console. » Les Japonais, eux, sont d’admirables game designers, mais de plus modestes développeurs. Cette manière de penser n’est pas nouvelle pour Nintendo et semble même ancrée dans son histoire.

Donkey Kong Country
Donkey Kong Country – Donkey Kong Country

Dès 1993, Miyamoto lui-même prenait sous son aile les jeunes prodiges britanniques d’Argonaut, pour signer Star Fox, premier jeu de console de l’histoire en 3D polygonale. Surtout, en 1994, le créateur du célèbre gorille confiait sa mascotte à une autre société britannique de codeurs surdoués, Rare, pour aboutir à Donkey Kong Country, chef d’œuvre de plates-formes dont les graphismes en images de synthèse digitalisées étaient parvenus à faire oublier la sortie de la PlayStation. Jusqu’en 2002, Rare restera le bijou occidental de Nintendo, avant son rachat par Microsoft. Mais la firme japonaise avait anticipé cette vente et confié des années plus tôt sa licence la plus populaire aux Etats-Unis, Metroid, à une jeune équipe de spécialistes des jeux de tir en 3D, Retro Studios. La technique, toujours…

Texas Ranger contre Dark Vador

Sorti en 2003, Metroid Prime restera dans les mémoires comme l’un des meilleurs jeux de la génération des 128 bits. Mais il n’aurait pas été le même sans l’investissement de ces deux hommes, Kensuke Tanabe et surtout Shigeru Miyamoto, le monsieur perfectionnisme de Nintendo. La collaboration entre développeurs américains et responsables japonais a parfois viré au choc des cultures : dans une formule qui restera célèbre, l’un des membres du studio texan comparera les visites de Miyamoto à Austin à celles de Dark Vador dans l’Etoile noire. Perfectionniste, tatillon, colérique, le créateur de Mario et de Zelda a imposé ses idées sur le projet aux Américains, comme la vue subjective, pour finalement obtenir le résultat que l’on sait.

Huit ans et trois Metroid Prime plus tard, Retro Studios a rendu son tablier s’agissant la saga de science-fiction, pour mieux passer en avril 2008 à une autre licence historique de Nintendo. Le studio sort d’une douloureuse restructuration, et Miyamoto cherche justement une équipe talentueuse pour ce nouveau Donkey. Bon joueur, Kensuke Tanabe les recommande. « Ce n’était pas à proprement parler un choix stratégique », confirme Michael Kelbaugh, producteur du côté américain de ce Country Returns, « plutôt une opportunité et, je dois l’avouer, un honneur… »

Des cartes de visite jurassiques

Mais n’allez pas croire que Retro Studios découvre Donkey Kong Country en 2008. Ses équipes sont en fait composées d’anciens de… la filiale américaine de Nintendo chargée de juger les jeux en interne ! « En réalité, mon équipe a bel et bien testé le DKC original, explique Michael Kelbaugh, comme auréolé d’une légitimité soudaine. J’ai eu la chance immense d’être impliqué à certains niveaux sur de nombreux titres Nintendo. »

DKCR, nouveau jeu de Retro Studios
DKCR, nouveau jeu de Retro Studios – DKCR, nouveau jeu de Retro Studios

Officiellement, le studio est fondé en 1998. Mais nombre de développeurs viennent également d’Iguana, qui s’était fait connaître avec Turok, en 1997, sur Nintendo 64. Un jeu de tir en vue subjective sanglant, mêlant armes futuristes et dinosaures agressifs dans une jungle luxuriante. Si le cadre exotique est désormais une constante de leurs jeux, de Turok à Donkey Kong en passant par Metroid Prime, trouver le ton juste, renoncer à leur culture de science-fiction a peut-être été le moins évident. « Je me rappelle avoir étudié certaines des premières esquisses et pensé : on pourrait trouver ces mêmes palmiers dans K-2L [la planète où Samus Aran a grandi, dans la mythologie de Metroid, NDLR]. Sortir de l’ambiance “Prime” nous a pris beaucoup de temps… Surtout lorsqu’on cherche à épouser un style correspondant à un gorille avec une cravate. »

Tu quoque mi fili, Diddy Kong

Si Nintendo l’honore aujourd’hui en le chargeant non plus de tester mais de produire le successeur spirituel de Donkey Kong Country, c’est aussi parce que son parcours lui permet d’envisager le jeu vidéo du point de vue du joueur. « Par exemple, en tant que testeur, il faut non seulement une bonne compréhension du jeu tel qu’il doit être joué, mais surtout une connaissance des techniques spécifiques à appliquer pour suggérer la façon dont le jeu ne doit pas être joué. »

Le développement de Metroid Prime a été comparé à la construction harassante de l’Etoile noire, et celui de Donkey Kong Country Returns se rapproche au bout du compte d’un projet participatif bien inhabituel pour Nintendo. « Nous avons pris un risque en demandant des avis contradictoires dans tout le staff de Retro, y compris auprès des employés de bureau, précise Kensuke Tanabe. Nous avons ensuite tout montré à Miyamoto-san », légende vivante du jeu vidéo, dont l’influence ne se dément pas.

L’une des principales nouveautés de cet épisode a ainsi été portée par le pragmatisme des développeurs américains, qui comptent de nombreux pères de famille dans leurs rangs. « Nous voulions développer un système permettant à un joueur expérimenté de jouer avec un débutant, comme, dans notre cas, un enfant. Le défi à relever était : comment faire en sorte que les parties restent amusantes et passionnantes pour deux joueurs de niveaux différents ? » Le succès est là, notre cobaye de 01net. ayant parfaitement réussi à jouer avec le sien. C’est aussi là que réside toute la beauté de ce projet. Donkey Kong Country, en 1994, était une démonstration technique musculeuse dans un contexte de course aux graphismes. Donkey Kong Country Returns est aujourd’hui un magnifique passage de relais. Entre collègues, entre cultures et même – moment de grâce – entre père et fils.

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William Audureau