Chacun de nous, tout au long de sa vie, accumule les souvenirs. Ces photos, ces films d’amateurs 8 mm, Super 8 ou VHS, où bébé fait ses premiers pas, ces enregistrements audio et ces vieux vinyles jamais réédités sur CD sont
autant d’évocations du passé, infiniment précieuses à nos yeux, et pourtant menacées de disparition.En effet, jusqu’à une époque récente, la vidéo d’amateur était stockée sous forme analogique, généralement sur bande, un support fragile et qui se dégrade au fil du temps. Fortes d’un tel constat, de nombreuses sociétés se sont
spécialisées dans la copie de vieilles bandes vidéo sur des supports plus récents, CD ou DVD.Vu les tarifs qu’elles pratiquent, on peut parler d’une activité fort lucrative. Lucrative… et récurrente. Car cette transcription systématique des données d’un support ancien sur un autre, récent, est un besoin périodique.Quand les bandes magnétiques, les disquettes, puis les disques optiques sont devenus courants, ils ont logiquement supplanté leurs prédécesseurs et hébergé leurs données. Je ne compte pas les personnes de mon entourage qui, aujourd’hui,
gravent sur DVD leur stock de vidéos VHS.Il est temps, d’ailleurs, car je doute que les magnétoscopes à bandes soient toujours en vente dans quelques années. Or, qui oserait affirmer que les CD, CR-R ou autres DVD seront éternels ? Tel constructeur, qui annonce une durée
de vie de cent ans pour ses disques, me semble un peu présomptueux.Il n’a pas, que je sache, effectué des tests de vieillissement prématuré comme c’est l’usage dans les industries automobile ou ferroviaire. Les mélomanes qui ont acheté des CD musicaux à leur début, il y a une vingtaine d’années, savent
bien que nombre de ces galettes sont aujourd’hui illisibles.Vous qui gravez toutes vos archives sur DVD, que ferez-vous quand un nouveau standard, par exemple à base de mémoires statiques, va supplanter les disques optiques ?Les constructeurs ne manqueront pas d’arguments, je les entends déjà : ‘ Nos mémoires statiques, donc sans pièces mobiles, sont microscopiques, solides et ne consomment quasiment pas d’énergie. Avouez qu’un
film de trois heures en qualité cinéma dans une puce de la taille d’un morceau de sucre, c’est tentant… ‘Ben oui, c’est tentant. Et nous transcrirons une nouvelle foi notre vidéothèque (pardon : notre ‘ DVDothèque ‘ !) sur ces puces miraculeuses, jusqu’au jour où une technique encore plus formidable,
etc.Jusque-là, me direz-vous, il n’y a rien d’anormal, c’est la loi du marché : la technique moderne renvoie les vieux ‘ zinzins ‘ aux oubliettes. Mais, dans cette perpétuelle course au support de données
idéal, il y un aspect infiniment plus grave qui vous a peut-être échappé : le volume d’informations que nous créons ou que nous brassons quotidiennement connaît une progression exponentielle.Aucun constructeur ne proposerait aujourd’hui un PC avec moins de 20 Go de disque dur. Or, cette création de données est plus rapide que leur transcription systématique sur de nouvelles générations de supports de stockage.En d’autres termes, la baignoire se remplit plus vite qu’elle se vide. Ce phénomène touche particulièrement les entreprises et les organismes publics, comme la Bibliothèque nationale de France, qui doit assumer simultanément la
numérisation de ses ouvrages et l’approvisionnement quotidien de ses collections … en livres traditionnels en bon vieux papier.La conséquence est que d’immenses quantités de données, jusque-là hébergées sur d’antiques supports, disparaissent chaque jour. C’est un peu de notre patrimoine personnel, professionnel, diplomatique, juridique, artistique,
scientifique… qui s’en va.Pour une société de l’information, ‘ ça la fout mal, ‘ non ?* Rédacteur en chef adjoint de l’Ordinateur IndividuelProchaine chronique vendredi 7 mai
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.