M1, M1 Pro, M1 Max, et désormais M1 Ultra. La famille de la première génération de puces Apple Silicon pour Mac est au complet, et ce n’est pas anecdotique, pour plusieurs raisons.
Parce que cela montre que le contrôle aigu d’Apple sur le hardware est capital et lui offre une grande liberté, matérialisée par une nouvelle gamme de Mac, ce qui n’était pas arrivé depuis une éternité. Sauf erreur de notre part, il faut remonter au MacBook Air en 2008 pour trouver un nouveau facteur de forme et un nouveau positionnement pour les Mac.
Parce que cela signifie que la prochaine étape sera évidemment un M2, avec toutes les surprises et la puissance qu’on peut imaginer.
Mais aussi et surtout parce qu’on a dorénavant sous les yeux les cartes qu’Apple compte jouer aussi bien sur portable que sur les vraies stations de travail. Après l’arrivée des MacBook Pro en fin d’année dernière, on se demandait comment l’entreprise allait pouvoir surpasser le M1 Max, puce surpuissante, au ratio performance par Watt impressionnant, avec ses 57 milliards de transistors gravés en 5 nm, et d’une taille déjà colossale avec une surface de 423 mm².
Le M1 Ultra est la réponse à cette attente et à ces interrogations. Il est réservé pour l’instant au tout nouveau Mac Studio, mais pourrait bien également prendre place dans un Mac mini « Pro », si celui-ci a encore un sens.
Un petit coup de génie industriel
Mais, de manière plus intéressante encore, c’est l’approche d’Apple qui retient l’attention pour aboutir au monstre qu’est le M1 Ultra. Le géant américain joue de la scalabilité très poussée des puces ARM, avec une augmentation du nombre de cœurs, mais avec un petit tour de magie technologique de son cru. Un tour qui était prévu dès la conception du M1 Max, et qui avait été évidemment gardé secret.
Plutôt que de créer une nouvelle puce énorme, Apple a choisi de juxtaposer et fusionner deux SoC pour n’en faire qu’un, et c’est une première dans l’histoire des semi-conducteurs.
Du point de vue industriel, c’est un coup de génie – et une réponse à un vieux fantasme. Le M1 Max avait atteint un bon nombre de limites de design, en matière de taille, notamment. Or, plus un die est gros, plus il est difficile à produire et plus son taux de rendement est faible. Non seulement concevoir une puce plus grosse aurait demandé des investissements lourds, mais sa fabrication aurait été compliquée. Les équipes de Johny Srouji, vice-président des technologies hardware d’Apple, ont donc opté pour une autre voie. En l’espèce, Apple tire profit de ce qu’il maîtrise et a éprouvé.
Cela lui permet de multiplier par deux à peu près tout. À commencer par le nombre de transistors, qui passe à… 114 milliards. Le M1 Ultra chipe au passage sa couronne au processeur graphique Ponte Vecchio, d’Intel, et ses 100 milliards de transistors. Et bien entendu, cela double tout. Le nombre de cœurs CPU, de cœurs GPU, de cœurs pour le réseau neuronal, d’abord. Mais aussi les entrées/sorties contrôlées pour les périphériques, la bande passante mémoire (800 Go/s !), la quantité de mémoire vive LPDDDR 5 gérée, désormais jusqu’à 128 Go, etc. La RAM est toujours unifiée, à savoir partagée entre les cœurs CPU et GPU, et ses modules sont soudés directement sur le SoC.
Faire du neuf avec « deux vieux »
Apple réussit donc un petit tour de magie, juxtaposer deux dies sur un seul package, deux M1 Max, pour n’en faire qu’un M1 Ultra. Les différents représentants du géant de Cupertino ont bien insisté sur ce point : le Mac et ses logiciels ne perçoivent ses deux dies fusionnés que comme une seule et même puce. Un seul et unique CPU, et surtout un seul et unique GPU – ce qui est très prometteur pour les tâches multithreadées, évidemment, mais un peu moins pour les tâches single threadées.
Cette approche est dans l’air du temps néanmoins, puisque les chiplets ont le vent en poupe. Au point d’ailleurs qu’AMD, ARM, Intel, Qualcomm, Samsung ou encore TSMC ont récemment créé un nouveau standard pour définir comment des dies de silicium peuvent être réunis dans un seul et même package.
UltraFusion : le M1 Ultra fulgure, au point ?
Le M1 Ultra aligne donc deux fois 32 cœurs, soit 64 cœurs GPU, et 20 cœurs CPU, répartis en 16 cœurs haute performance Firestorm, et seulement quatre cœurs basse consommation Icestorm – un Mac connecté au secteur n’a pas forcément besoin de faire attention à son appétit énergétique.
Toujours aussi fort pour trouver des appellations qui disent les choses, Apple appelle cette architecture d’encapsulation UltraFusion. Pour qu’elle soit possible, les ingénieurs de Johny Srouji ont eu recours à un interposeur en silicium qui connecte les deux dies de M1 Max par le dessous via plus de 10000 points, et route les signaux entre les deux puces.
C’est cet interposeur qui est chargé de la communication. En réduisant la latence des connexions et en offrant une bande passante de 2,5 To/s, il fait en sorte que deux M1 Max donnent… un M1 Ultra.
Cette bande passante « interne » à la puce permettra des déplacements de données colossaux entre les deux GPU, même si cela ne veut pas dire que les performances sont forcément doublées pour autant.
Cette fusion est en tout cas totalement transparente pour les développeurs de programmes, ce qui veut dire qu’il ne sera pas nécessaire d’optimiser le code pour tirer parti de cette montée en puissance, comme cela a été le cas dans le passé pour les cartes graphiques à deux processeurs, par exemple.
Cette technologie permet aussi à Apple d’être très ambitieux et confiant. Le M1 Ultra serait capable d’offrir un même niveau de performances relatives qu’une GeForce RTX 3090 de Nvidia (accompagnée d’un Core i9-12900KF, d’Intel) en consommant 200 Watts de moins, et tout juste plus de 100 Watts.
S’il faudra évidemment voir ce que cela donne avec des tests, on note ici bien l’avantage de l’architecture ARM et de sa déclinaison en Apple Silicon. C’est là la force de la multiplication des cœurs GPU, et du nombre impressionnant de transistors embarqués.
Bien entendu, les 114 milliards de transistors du M1 Ultra ne sont pas dédiés à la partie graphique. Néanmoins, la puce qui anime la RTX 3090 n’en embarque « que » 28,3 milliards, gravés eux en 8 nm, par Samsung, et non en 5 nm par TSMC. Or, le génie taïwanais de la production de composants semble avoir actuellement un avantage certain face à son concurrent coréen en matière de fabrication.
Avec autant de cœurs, Apple peut éviter de trop les solliciter, ce qui veut dire que la fréquence de fonctionnement n’est pas trop poussée et que la consommation électrique qui en résulte est contenue.
Un avenir qui laisse rêveur
Évidemment, Apple ne veut pas dire si à l’avenir on aura droit à une Super UltraFusion, avec encore plus de dies fusionnés. Toutefois, avec cette première étape, le géant de Cupertino va non seulement prolonger la tendance technologique de l’accroissement du nombre de cœurs côté CPU, mais aussi initier un nouveau mouvement côté GPU.
Le multiGPU « fusionné » est un équilibre prometteur, mais précaire, qui demande un contrôle étroit sur le matériel et le logiciel. Or, Apple a la main sur ces éléments. Si sa promesse est tenue, il pourrait bien faire très mal à la concurrence.
Pas forcément par la puissance brute, mais à sa manière. Apple n’est pas, comme Qualcomm, Intel ou Nvidia, une société qui fabrique des puces qui prendront place dans une grande variété d’appareils. C’est un géant qui conçoit des SoC sur mesure non seulement pour des usages spécifiques, mais aussi pour des machines spécifiques. Un luxe autant qu’une faiblesse potentielle par certains égards.
À l’heure actuelle, le M1 Ultra s’ébat dans le tout nouveau Mac Studio, il y sert une vision, un produit. On ne peut toutefois s’empêcher de déjà tourner le regard vers ce qui arrivera plus tard cette année. Si le Mac Studio est un entre-deux, entre Mac mini et Mac Pro, quel monstre Apple va-t-il concevoir pour son ordinateur le plus puissant ? À l’heure actuelle, le nouveau venu assassine le Mac Pro animé par Intel et AMD… Voilà qui promet encore quelques annonces enthousiasmantes.
La révolution Apple Silicon est en marche. La montée en puissance d’ARM la porte, autant qu’elle est portée par les M1. Déjà, Qualcomm promet d’entrer plus volontiers dans la danse, avec sa propre approche, ses propres enjeux. Intel et AMD ne vont évidemment pas rester les bras croisés. On donnait le monde des PC pour mort ou, pire, ennuyeux. Mais ici, pas de risque de s’ennuyer, et quel spectacle !
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