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Lycos Europe fait taire son arme antispam

Le portail a décidé de suspendre sa campagne d’agression des sites de spammeurs. L’opération lancée mardi 30 novembre était déjà très controversée.

L’initiative de Lycos Europe était plutôt osée, mais elle n’aura pas tenu longtemps.
Mis en ligne mardi 30 novembre, l’écran de veille à télécharger MakeLoveNotSpam qui servait à bombarder de requêtes les sites Internet cités dans les
courriers non sollicités, était indisponible durant la journée de vendredi 3 décembre.Le site de téléchargement se résume actuellement à une page d’accueil proclamant sobrement ‘ Stay tuned ‘ (littéralement, ‘ restez à
l’écoute ‘
). Silence radio de Lycos Europe, pour l’instant, sur les raisons de cet arrêt.L’idée de base était d’encombrer à tel point la bande passante de ces sites que la facture pour les spammeurs en devienne insupportable. Selon Lycos Europe, il s’agissait de mettre à genoux économiquement les spammeurs, qui paient la
bande passante, tout en évitant de provoquer un déni de service.Sauf que dans les faits, la distinction est difficile à faire. Un site Internet qui n’a plus les moyens de payer sa bande passante surchargée va inévitablement mettre fin à son service. C’est apparemment ce qui est déjà arrivé à deux
sites Internet hébergé en Chine, bokwhdok.com et printmediaprofits.biz.Leur temps de réponse respectif a augmenté, respectivement, de 85 et 64 %, selon la société anglaise de services Internet
Netcraft. Un troisième site, rxmedherbals.info, a enregistré quelques sautes d’humeur mais restait actif, avec un temps de
réponse moins bon de 41 %.

Des risques de poursuites judiciaires

L’opération antispam de Lycos Europe est en tout cas loin de faire l’unanimité, justement chez les spécialistes de l’antispam. Pour Bruno Rasle, consultant antispam de l’organisation Halte au Spam, Lycos a joué les pousse au crime tout
en s’exposant à des problèmes juridiques.Notamment à ceux qu’avait connus La Droite libre en 2003. Ce mouvement politique proche de l’UMP avait en effet demandé à ses sympathisants de bombarder les boîtes aux lettres électroniques d’organisations syndicales pour protester
contre les grèves. L’association avait été poursuivie par des syndicats d’enseignants et condamnée en mai 2003 pour atteinte au fonctionnement d’un système informatique. ‘ Dans le cas de La Droite libre, il y avait incitation
des internautes, seulement
, note Bruno Rasle. Avec Lycos, il y a à la fois incitation et la fourniture des moyens. ‘Un peu moins sévère, Yves Roumazeilles, créateur de la liste noire SpamAnti, trouve l’initiative ‘ amusante ‘ en tant qu’internaute, tout en émettant lui aussi des doutes sur son
efficacité. Mais ‘ de la part d’une société qui des responsabilités juridiques et les moyens d’être condamnée à des dommages et intérêts, c’est un peu étonnant ‘.Lycos table peut-être sur le fait que les spammeurs ne vont sûrement pas aller devant le juge, mais le cas n’est pas exclu et s’est déjà produit, contre Compuserve et AOL, notamment (mais sans succès).Des critiques ont également été émises quant au risque de cibler des sites totalement innocents. Lycos Europe utilise en effet une liste noire de sites. Il n’est pas rare que des erreurs y figurent. ‘ Les cibles
de Lycos sont peu nombreuses
[50 à 100 selon les jours, NDLR], tempère Yves Roumazeilles, les taux d’erreur devaient être faibles. D’autant que la liste était vérifiée
manuellement. ‘
Mais d’autres incertitudes planent. Est-ce que l’écran de veille ne peut pas être détourné par des hackers qui auraient envie de cibler un site tout à fait normal (au hasard, le site de Microsoft) ? Est-ce qu’il n’y a pas un risque
d’exposer l’internaute à des représailles des spammeurs ? En tout cas, à défaut de convaincre, Lycos Europe aura au moins fait parler de lui, démontrant une fois de plus que le spam, même mis à lindex, reste une formidable arme
marketing.

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Arnaud Devillard