Passer au contenu

L’urbaniste repense votre stratégie e-business

Concept franco-français lancé dans les années 70, l’urbaniste des systèmes d’information pilote sa construction à haut niveau, entre maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’?”uvre. Créer ce poste résout bien des problèmes, notamment autour des applications e-business,ce qui explique sans doute le succès actuel de ce profil.

L’évolution toujours plus rapide des technologies, dorénavant touchée par la Net-économie, rend de plus en plus difficile la tâche des directeurs informatique (DI) et des directeurs des systèmes d’information (DSI). Ceux-ci sont parfois submergés par l’ampleur de la tâche, comme en témoigne Thierry Marnet, chef du service Technologie chez Metro, qui déplore que son travail consiste bien souvent à“faire en sorte que l’ensemble fonctionne au jour le jour “.Face à cette tendance au service minimum se pose le problème de l’évolution des systèmes d’information, ouverts de plus en plus aux applications.“Car, rappelle Christophe Longépé, directeur délégué de SchlumbergerSema, les entreprises en ont besoin pour appliquer leurs nouvelles stratégies.” Un besoin qui prend les allures d’un véritable défi, toujours plus difficile à relever.Certaines entreprises, de plus en plus nombreuses, ont trouvé un moyen de s’en sortir en créant un poste d’urbaniste des systèmes d’information (USI). France Télécom, par exemple, a recentré sa stratégie autour de ses clients. Avant cette réorganisation, le client était identifié par son numéro de téléphone fixe et l’opérateur ne savait pas forcément si un client était abonné à d’autres services d’accès. Maintenant, l’opérateur connaît exactement l’équipement d’un abonné, ses usages et ses besoins. Pour refondre son système, l’opérateur a fait appel à des urbanistes, des experts qui ont assuré une conduite stratégique des modifications apportées à tout le système d’information.

Stratège plutôt que tacticien

Un urbaniste est un expert, un consultant qui peut être interne ou externe, rattaché à la direction générale.“Son rôle, explique Isabelle Contini, enseignante à l’IAE de Paris, n’est pas de décider ni d’user d’un droit de veto, mais de proposer des choix et des priorités dans l’évolution des SI.” Un urbaniste n’est ni un décideur (il ne fait pas partie du comité de direction), ni un manager.Par opposition à un architecte, dont la mission est très localisée sur une plate-forme matérielle ou applicative, un urbaniste “structure et coordonne les maîtrises d’ouvrages (MOA) et les aide à représenter les systèmes d’information avec un langage c?”ur de métier, condition nécessaire à l’échange, au dialogue avec la maîtrise d’?”uvre (MOE) qui construit l’application informatique “, poursuit-elle

Un maître cartographe

De façon intrinsèque, le travail de l’urbaniste consiste à faire évoluer les systèmes d’information existants. Jamais il n’envisagera de tout reconstruire en partant de zéro car, comme le confirme Christophe Longépé, “il est impensable de tout refaire, compte tenu de l’évolution des systèmes et des cycles trop courts” .
Et d’ajouter, un brin fataliste, qu’il “faut admettre que l’on est dans un système évolutif et que l’on n’atteindra jamais la cible !”. Une évidence dont se félicitent tous les consultants. Si la tâche de l’urbaniste ne s’inscrit pas dans une démarche d’outillage, elle commence pourtant par lui faire dessiner des plans et des schémas servant à cartographier l’ensemble des systèmes d’information.Cette forme d’urbanisme, appelée cadastral, dresse des cartes de l’existant, qui, bien souvent, n’ont jamais été réalisées par le service informatique concerné. “Lorsque nous arrivons chez un client, nous commençons par demander les plans du système d’information. Cette question provoque 9 fois sur 10 un certain malaise autour de la table, parce que ces plans n’ont jamais été réalisés. Ce ne sont pas les conditions idéales pour une prise de contact, d’ailleurs certains clients s’imaginent que si nous posons cette question, c’est pour mettre d’emblée le service informatique en défaut”, remarque un consultant.Les cartes sont construites autour des quatre axes suivants : applicatif, fonctionnel, métier et technique.“La carte applicative est la plus complexe, estime Véronique Levasseur, USI chez GéoPost-SI, car elle doit faire ressortir tous les problèmes. La carte des fonctions nécessite de coucher sur le papier tout ce que l’on attend du système, celle des métiers recense les processus opérationnels, on est vraiment dans l’organisation. La dernière est de l’architecture technique.”

Connaître la culture de l’entreprise

Second volet du profil, l’urbanisme prospectif est sans doute la facette la plus importante du poste. Ici, l’urbaniste s’implique non plus dans l’établissement de cartes, mais dans le pilotage des projets, “de tous les projets touchant au système d’information !”, insiste Marc Desreumaux.Pour cela, l’urbaniste doit avoir une très bonne culture de l’entreprise pour en comprendre les enjeux, les métiers et la stratégie. Homme d’ouverture, l’urbaniste doit également savoir écouter les directions métiers pour en répertorier les besoins. À partir des desiderata de chacun, il précise la trajectoire prise pour construire un système d’information, en ayant toujours à l’esprit la cible finale. Ce travail de fond est concrétisé au jour le jour par une participation aux réunions qui garantissent ou non la conformité des projets, réunions baptisées ” commissions des claques ” dans le jargon de ces experts.C’est justement avec l’aspect prospectif que le poste d’urbaniste créé dans l’entreprise prend tout son sens. L’urbanisme cadastral peut facilement être confié à une SSII qui dispose de méthodes et d’outils pour développer des cartes, voire aux chefs de projets une fois que la méthodologie a été définie, comme cela est le cas au Crédit lyonnais, référence actuelle en matière d’urbanisme cadastral. La gestion de projets est quant à elle infiniment plus délicate et justifie la présence d’un urbaniste en interne.

Un consultant extérieur est moins contesté

Quand faut-il créer un poste en interne et quand faut-il faire appel à un consultant ? Les deux sont complémentaires. Pour Véronique Levasseur, “il faut un urbaniste en interne qui soit le garant des travaux accomplis. Après, il est toujours possible de faire appel à un consultant externe pour se faire aider. Le consultant sera là pour une durée limitée, il mettra en place une organisation qui vivra en autonomie.”Le rôle du consultant externe est donc ponctuel, mais nécessaire. “Quand on se pose des questions sur l’opportunité de développer tel domaine applicatif, soit en redéveloppant, soit en achetant un progiciel : comment font les concurrents, les partenaires, quels sont les coûts de mise en place, etc. ? On a besoin de gens qui ont une vision assez large du marché et les SSII sont mieux placées que nous pour faire ce travail. C’est même un rôle irremplaçable !”, confirme Marc Desreumaux.Enfin, il est de notoriété professionnelle qu’un consultant externe sera plus facilement entendu par les directions qu’une personne de l’interne.

Quelles sont les limites du pouvoir ?

L’urbaniste intervient à haut niveau, mais jusqu’où vont ses prises de décision ? Christophe Longépé en définit un périmètre assez précis.“Ce n’est pas l’urbaniste qui prend des décisions. Dans les entreprises, il y a un comité de direction et tout est décidé entre la direction générale, les directions métiers et la direction des SI. L’urbaniste ne vote pas. En revanche, il doit avoir un droit de veto, qui varie selon les entreprises. Il doit pouvoir geler un projet si les lois sont enfreintes.”Un avis que ne partage pas Isabelle Contini, ce qui révèle bien que les pouvoirs de l’USI sont à négocier lors des entretiens pour occuper le poste.

L’urbaniste aide aux changements

Typiquement, l’entreprise ressent le besoin de faire appel à un urbaniste lorsqu’il s’agit de refondre le système d’information, en vue d’adopter une nouvelle stratégie. Historiquement, ce sont surtout les banques qui ont repensé leur infrastructure.Au vu des succès rencontrés par ces réorganisations, comme chez France Télécom par exemple, le poste d’urbaniste des systèmes d’information intéresse de plus en plus d’entreprises, qui l’adaptent forcément à leurs besoins et à leurs métiers. Il n’existe pas vraiment de profil type, ni de méthode type, juste un besoin d’arbitrage prenant en compte les intérêts de chacun. Comme le résume Christophe Longépé, “nous ne cherchons pas l’ordre, nous cherchons à gérer le désordre”.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Lionel Sarrès