Les coïncidences sont frappantes : comme en novembre au Comdex, le salon de l’informatique de Las Vegas, c’est le patron de Microsoft qui a prononcé le discours inaugural du Consumer Electronic Show (CES), le 7 janvier, toujours à Las Vegas. Reprenant le thème de la décennie numérique, Bill Gates présentait à ce salon international de l’électronique grand public deux nouveautés : Mira (déclinaison grand public d’une tablette internet sans fil) et Freestyle (qui transforme un téléviseur en écran distant pour le PC domestique). Vu sous cet angle, l’engouement ?” déjà amorcé au Comdex ?” des ténors de l’informatique pour l’électronique de loisirs, ressemble à l’attaque en règle d’un marché qui conserve une croissance à deux chiffres, là où le PC ne peut espérer, au mieux, que quelques pour-cent.
Des appétits aiguisés
Les chiffres publiés par l’Association américaine de l’électronique grand public (CEA) ont en effet de quoi aiguiser les appétits des industriels de l’informatique. On relève ainsi des taux de croissance de plus de 30 % pour certains équipements, comme les lecteurs MP3 ou les caméras vidéo numériques, et 8 milliards de dollars (8,95 milliards d’euros) de recettes sont attendues des télévisions numériques. “Nous passons de l’ère de la productivité à celle de la créativité”, a martelé Carly Fiorina, la patronne de Hewlett-Packard (HP), après avoir présenté la nouvelle stratégie du constructeur. Le vénérable fabricant informatique se lance à corps perdu dans la photo numérique pour le grand public. Son nouveau produit phare est d’ailleurs une imprimante pour photos, capable de sortir directement les clichés stockés sur la carte mémoire du nouvel appareil photo, également sorti par HP, et cela sans le secours d’un PC.“La vraie question est de savoir qui est dans le cheval de Troie”, objecte en souriant Jeff Joseph, vice-président de l’exposition. Pour lui, cela fait plusieurs années que cette convergence explosive couve sous la cendre. Forts d’un passage désormais achevé au tout-numérique, les industriels de l’électronique grand public s’y prépareraient depuis longtemps. “Ce sont les technologies PC qui se diffusent dans l’électronique de loisir et non l’inverse”, note encore Jeff Joseph. Disque dur de 10 gigaoctets (Go) et émetteur de réseau sans fil Bluetooth embarqué dans un autoradio chez Pioneer, disques durs encore dans les lecteurs-enregistreurs de DVD de Samsung, Panasonic ou Sharp, pellicules remplacées par une carte mémoire de 1 Go pour le dernier appareil numérique haut de gamme de Canon, l’EOL 1-D, ou encore Caméscope pouvant être directement relié à internet chez Ricoh et chez Sony… Les allées du salon fourmillent d’exemples d’intégration parfaitement maîtrisée des technologies informatiques par les géants de l’électronique de loisir.“Plutôt que de compétition, il faut parler de partenariat”, poursuit Jeff Joseph. L’échec et l’abandon par Intel de son initiative grand public, ou la disparition soudaine d’Audrey, la tablette internet lancée par 3Com, démontrent, selon lui, que les ténors de l’informatique ne sauraient se passer du savoir faire des grands de l’électronique grand public. Ces derniers, quant à eux, ont un criant besoin d’interfaces utilisateurs plus simples et plus riches en fonctions, ce qui est justement l’un des points forts d’un Microsoft, et même d’un HP. Un mariage de raison qui pourrait profiter aux deux industries, l’une apprenant l’ergonomie logicielle et la mise en réseau, l’autre la vraie facilité d’utilisation et le zéro défaut. Reste cependant quelques écueils. Avec lui, le monde du PC apporte un trouble-fête jusqu’ici soigneusement évité par l’électronique grand public : la standardisation. “Cela peut bien se passer, estime Jeff Joseph. Les standards informatiques en sortiront simplifiés et plus accessibles au grand public.” Mais l’inverse est possible, et la bataille qui doit s’engager, dès février, autour dune nouvelle technique de gravure des DVD (utilisant un laser bleu haute température), en donnera très vite un aperçu.
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