Les géants du numérique ne vont plus pouvoir faire tout et n’importe quoi dans l’Union européenne. Le Parlement vient en effet d’adopter deux textes qui définissent de nouvelles règles : la législation sur les services numériques, ou Digital Services Act (DSA) en anglais, et la législation sur les marchés numériques, ou Digital Markets Act (DMA). Les deux textes doivent ensuite être adoptés par le Conseil de l’Union européenne, puis être publiés au Journal officiel de l’Union européenne. Les règles entreront en vigueur vingt jours après leur publication, cet automne.
La législation sur les services numériques (DSA) fixe des obligations claires pour les fournisseurs de services numériques, notamment les médias sociaux, les moteurs de recherche et les places de marché. Ces obligations sont les suivantes :
- Combattre les contenus illicites en ligne et réagir rapidement, tout en respectant la liberté d’expression et la protection des données.
- Offrir une traçabilité et un contrôle renforcés des commerçants sur les places de marché en ligne avec, par exemple, des contrôles aléatoires si un contenu illicite apparaît.
- Faire preuve de transparence et de responsabilité. Fournir des informations claires sur la modération des contenus, ainsi que sur l’utilisation d’algorithmes de recommandation. Permettre aux utilisateurs de contester les décisions concernant la modération des contenus.
- Interdire les pratiques trompeuses et certains types de publicités ciblées. Les pratiques qui influencent le choix des utilisateurs ou les incitent à fournir leurs données personnelles sont interdites. C’est aussi le cas des publicités ciblées destinées aux enfants ou utilisant des données sensibles (ethnie, préférence sexuelle, religion, opinion politique, etc).
Les plates-formes majeures, par exemple Facebook, ainsi que les moteurs de recherches écopent de contraintes encore plus strictes. Elles vont donc non seulement devoir lutter plus efficacement contre les contenus illicites, mais aussi permettre aux autorités et aux chercheurs d’accéder plus facilement à leurs données et à leurs algorithmes. Les géants de la tech vont également devoir accepter des audits indépendants. Ils devront aussi laisser le choix aux utilisateurs de recevoir des recommandations qui sont définies à partir de leurs profils.
La législation sur les services numériques sera mise en application, soit 15 mois après son entrée en vigueur, soit à partir du 1er janvier 2024. Pour les très grandes plates-formes, le délai d’application sera réduit à quatre mois.
Une lutte plus efficace contre les pratiques commerciales déloyales
De son côté, la législation sur les marchés numériques (DMA) vise les plates-formes qui profitent de leur domination pour imposer leur loi aux marchés numériques. C’est par exemple le cas d’Apple qui a pendant longtemps exigé l’utilisation de son propre système de paiement au sein des applications disponibles dans son App Store. La nouvelle législation impose les obligations suivantes :
- Permettre l’interopérabilité entre les différents systèmes de messagerie. Il ne sera ainsi plus obligatoire d’utiliser uniquement l’application liée à un service de messagerie pour y accéder. Cela concerne l’envoi et la réception de texte, mais aussi l’audio et la vidéo. Il y aura sans doute de nombreux écueils techniques à résoudre avant d’arriver à une interopérabilité totale.
- Permettre aux entreprises qui utilisent une plate-forme de pouvoir diffuser leurs propres offres et de conclure des contrats en dehors de la plate-forme. Ainsi, une application iOS pourra utiliser un autre système de paiement que celui d’Apple et contacter directement ses utilisateurs.
- Autoriser les utilisateurs à désinstaller plus facilement des applications ou des logiciels, y compris ceux préinstallés, et leur donner accès à des magasins alternatifs. Il s’agit du fameux sideloading tant redouté par Apple.
- Ne pas profiter de sa position dominante pour faire de l’auto-favoritisme et améliorer le classement de ses propres services et de ses produits.
- Ne pas traiter les données à caractère personnel des utilisateurs à des fins de publicité ciblée, sauf si les utilisateurs ont donné leur accord.
Les entreprises concernées auront six mois pour se mettre en conformité avec les nouvelles règles de la DMA.
Et gare aux géants du numérique qui ne respecteront pas ces nouvelles règles. Ils seront passibles d’amendes pouvant atteindre 10% de leur chiffre d’affaires annuel mondial en cas de violation de la législation sur les marchés numériques, voire 20% en cas d’infractions répétées, et 6% en cas de violation de la législation sur les services numériques. Voilà qui pourrait changer la donne et donner des idées à d’autres pays, à condition que les régulateurs disposent de suffisamment de moyens pour faire respecter ces nouvelles lois, évidemment.
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Source : Parlement européeen