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L’ordinateur active ses premiers neurones

IBM a présenté cet été deux prototypes d’une puce de nouvelle génération conçue sur le modèle des neurones et synapses du cerveau. Et si nos ordinateurs devenaient intelligents ?

Imaginons un court instant qu’une nouvelle génération de puces d’ordinateur soit capable de reproduire les phénomènes et interactions neuronales qui se produisent dans notre tête pour raisonner et agir comme nous le faisons. Et que ces puces qui combinent des principes issus des nanosciences, neurosciences mais aussi des supercalculateurs soient peu consommatrices en énergie tout en permettant de réaliser des ordinateurs moins volumineux que ceux que nous avons actuellement. Cette ambition est liée à un projet baptisé Synapse, à l’initiative d’IBM et de la Darpa, l’agence de recherche et développement de l’armée américaine. Ce projet ne manque pas d’interpeller, tant en matière de faisabilité que d’éthique. Il a pour objectif de réaliser des systèmes informatiques cognitifs qui s’inspirent du cerveau. Des systèmes pourvus d’une intelligence artificielle, donc capables d’apprendre et de raisonner. L’ordinateur ne serait plus cantonné à des fonctions de calcul et pourrait agir comme le commun des mortels. Début août, Big Blue s’est fait fort de présenter ses deux premiers prototypes de puces ayant recours à des synapses et neurones que l’on peut qualifier d’électroniques.Le chef de projet d’IBM Reasearch, Dharmendra Modha, a affirmé que lors des tests effectués sur ces puces, les chercheurs auraient obtenu des résultats probants dans les domaines de la navigation, la vision artificielle, la reconnaissance des formes ou encore la mémoire associative. Aucun élément biologique n’a été utilisé pour réaliser ces deux prototypes gravés en 45 nm avec transistors et mémoire vive.

41 millions de dollars sur 10 ans

Toutes deux reposent sur des circuits de silicium réalisés avec la technique de fabrication à faible consommation CMos (Complementary Metal Oxyde Seliconductor). S’il n’y a pas lieu de s’extasier sur ces composants qui n’ont rien de nouveau, la façon dont les éléments sont connectés suscite pour le moins l’intérêt. Les deux prototypes de puces “ neurosynaptiques ” s’inspirent d’une cartographie des circuits neuronaux du singe et de travaux effectués sur le cerveau du chat… Chaque puce est constituée de 256 “ nœuds ”, des transistors faisant office de neurones et d’une multitude de synapses qui constituent la mémoire. La première puce comprend plus de 260 000 synapses. Dans la seconde, on en dénombre plus de 65 000 qui sont dédiées à l’apprentissage. Les “ neurones ” fonctionnent à une fréquence étonnamment faible de 10 MHz, fréquence qui s’explique par l’architecture “ massivement parallèle ” utilisée par les chercheurs. Chaque neurone est capable de s’interconnecter à plusieurs autres par le biais des synapses. Les connexions et déconnexions des synapses s’effectuent en fonction des données reçues, reproduisant en quelque sorte le phénomène de plasticité du cerveau (en cas de cécité, par exemple, le cerveau renforce d’autres zones sensorielles comme l’ouïe ou le toucher). Pour l’heure, le fait que les puces détiennent 256 neurones chacune peut prêter à sourire si l’on compare ce chiffre aux neurones présents dans notre cerveau. Nous en avons quelque 100 milliards qui dépendent de quelque 100 millions de milliards de synapses pour s’interconnecter. Autant dire qu’on est encore très loin du compte. Mais IBM se donne comme objectif d’atteindre 10 milliards de neurones avec une centaine de billions (mille milliards) de synapses. L’ensemble tiendrait dans une boîte à chaussures, soit l’équivalent d’un volume de deux litres. Pour aboutir à ce résultat, IBM s’est entouré d’une équipe de chercheurs, dont nombre d’entre eux proviennent d’universités comme celle de Columbia. La DARPA, à l’origine du projet, le finance à hauteur de 41 millions de dollars avec l’ambition de le faire aboutir d’ici une dizaine d’années.

Prévenir les tsunamis

Si Big Blue y parvient, le potentiel de telles puces bousculera à n’en pas douter les champs des applications actuelles. Mais, pour l’heure, l’entreprise précise que ces puces ne sont pas destinées à remplacer nos ordinateurs et qu’elles serviront sur des systèmes spécifiques pour des applications professionnelles. Parmi celles mises en avant, on peut évoquer un système cognitif de surveillance de l’alimentation en eau du monde capable de fournir des données sur la température, la pression, ainsi que la hauteur des vagues et des marées pour prévenir les tsunamis. Autre exemple, des feux de circulation avec des capteurs (visuels, sonores…) seraient capables d’anticiper les collisions… Quant à l’usage qu’en fera l’armée américaine, c’est secret défense !

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Rémi Langlet