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Longhorn arrive en pièces détachées

Le nouveau système d’exploitation de Microsoft menaçait de ne pas sortir. Certains de ses composants seront disponibles pour XP.

Panique à Redmond, au siège de Microsoft. Longhorn, le successeur de Windows XP, ne répond plus. L’éditeur paraît avoir perdu le contrôle. Le projet dérive et les retards s’accumulent.Si le système est lancé fin 2006 comme prévu, il se sera écoulé cinq ans depuis le lancement de Windows XP fin 2001. Une éternité, pour un système d’exploitation. Un écart inimaginable entre deux mises à jour. Pis :
‘ le plus important projet depuis Windows 95 ‘ donne maintenant l’impression d’avoir explosé en vol.Pourtant, Microsoft a toujours avoué miser énormément sur Longhorn. Un système qui repose sur trois piliers :
WinFS, un système de fichiers révolutionnaire fondé sur SQL Server ; Avalon, un moteur graphique qui apporte gestion de la transparence et de la 3D à une nouvelle génération
d’applications ; et enfin
Indigo, une couche de communication qui gère les services Web et promet de traiter les applications distantes comme si elles étaient locales.

Un planning initial totalement chamboulé

Seulement voilà, depuis quelques mois, tout vole en éclats. WinFS a été reporté sine die. Contre toute attente, il ne sera pas fourni avec Longhorn mais en option, plus tard… bien plus tard. Quant à Avalon et
Indigo, ils seront, autre surprise, disponibles sous Windows XP.Les développeurs peuvent d’ailleurs les étrenner depuis quelques jours, alors que la version bêta de Longhorn n’a toujours pas fait surface. Ainsi vont les technologies réservées à Longhorn : certaines sont déjà
disponibles, d’autres le seront avant lui, et d’autres après.Comment en est-on arrivé là ? Tout commence à l’été 2001, quelques mois avant la sortie de Windows XP. A l’époque, les plans s’avéraient simples : le successeur de Windows XP porterait le nom de code
Blackcomb. Personne ne savait vraiment ce qu’il y aurait dedans. Comme Microsoft est alors englué dans son procès antitrust, il décide de revoir ses plans.Il y aura désormais une étape intermédiaire entre Whistler (nom de code de Windows XP) et Blackcomb, son successeur. Ce sera Longhorn, du nom d’un saloon situé aux pieds de la montagne Whistler, sur la route
de Blackcomb, une station de ski très prisée des ‘ Microsoftiens ‘…

La révolution se fait attendre

Les premiers détails de ce système sont révélés à l’automne 2003. C’est tôt, trop tôt. Microsoft parle d’avancée technique majeure. Il promet un logiciel révolutionnaire. WinFS, le système de fichiers orienté objet,
fait un battage sans précédent. Pendant toute une période, l’éditeur n’a qu’une réponse aux critiques : ‘ Rassurez-vous. Ce sera réglé avec Longhorn. ‘Mais le projet se révèle plus complexe que prévu. Longhorn ne constitue pas une simple étape intermédiaire, comme l’était Windows 98 après Windows 95, ou Windows XP après Windows 2000. Microsoft a été très ambitieux. Bill Gates
qualifie même WinFS de ‘ saint Graal ‘.Et comme souvent dans ces conditions, il est difficile de tenir ses promesses. Le projet dérive tellement que l’enlisement menace. Les DSI qui ont souscrit à la
Software Assurance, un contrat de maintenance donnant accès aux mises à jour pendant trois ans, grondent.Certains ne disposeront pas de nouveau système d’exploitation pendant la durée de leur contrat. Longhorn commence à ressembler au projet Cairo ?” un système d’exploitation tout aussi révolutionnaire qui devait
remplacer NT 4.0, mais qui n’a jamais vu le jour !L’OS est même pris dans un tumulte politique. Les syndicats accusent Microsoft d’externaliser une partie de son développement en Inde. Ce qui expliquerait certains retards. La firme de Redmond dément, précisant
qu’il s’agit d’employés de la filiale indienne. Mais l’émotion est vive et les retards s’accumulent. Il fallait agir d’urgence, fixer une date de sortie pour le système d’exploitation, quitte à revoir
les ambitions à la baisse.Le couperet tombe l’été dernier. Longhorn ne sera plus le big bang attendu. Fini le monolithe révolutionnaire. Place à une livraison en pièces détachées : les technologies seront mises sur le marché au fur et à mesure de
leur disponibilité. A la surprise causée par l’abandon de WinFS s’ajoutent les lancements d’Avalon et d’Indigo sous Windows XP.Ils ne seront pas les seuls. Chaque mois, Longhorn semble perdre un peu plus ses composants exclusifs. Exemple avec WinFX, la nouvelle interface de programmation qui doit remplacer l’antique Win32. Elle sera, elle aussi, livrée
sur Windows XP. On vient ainsi d’apprendre qu’Office 12, qui devait être une exclusivité Longhorn, fonctionnera également sous Windows XP. Il est même attendu avant Longhorn !Certains composants, au départ prévus pour ce dernier, sont d’ailleurs déjà disponibles, tels Media Player 10, Movie Maker 2 ou WinPE. Ce dérivé de Windows Embedded, la version pour systèmes enfouis, autorise un
démarrage plus rapide du système, en copiant des images binaires plutôt que des fichiers. Par ce procédé, une installation complète s’effectue en quinze minutes, contre une heure auparavant.Dernier exemple éloquent, celui d’Internet Explorer. Malgré les problèmes de sécurité et la défection d’une partie des utilisateurs vers Firefox, Microsoft ne voulait pas en démordre : le navigateur ne devait pas être
mis à jour avant Longhorn. Pourtant, en février, Bill Gates en personne annonce qu’Internet Explorer 7 ne représente plus une exclusivité de Longhorn et qu’il sera disponible avant la fin de l’année pour Windows XP et
Server 2003.

Windows XP, la nouvelle priorité

Résultat, Longhorn ne constitue plus la réponse à toutes les demandes. Microsoft se concentre désormais sur Windows XP. A ce sujet, nous avons appris que l’équipe qui planche sur le noyau de Longhorn a fait marche
arrière.Jusqu’à l’automne dernier, elle travaillait sur la base du code de Windows Server 2003. Depuis, elle est repartie de zéro, en prenant pour fondation
Windows XP Service Pack 2. Ce changement radical a permis à Microsoft de fixer une date ferme pour le bouclage de Longhorn, à savoir le 26 mai 2006.Toujours selon nos informations, cette date butoir n’est plus négociable, la seule marge de man?”uvre concernant les étapes intermédiaires. Ainsi, selon les plans initiaux, la première version bêta était attendue pour le
16 février dernier. Elle devrait désormais débarquer dans le courant du mois prochain. Mais la date limite du 26 mai 2006 n’a pas bougé.Paradoxalement, le retard de Longhorn s’avère plutôt une bonne nouvelle, tant pour les utilisateurs que pour l’éditeur. Le système était devenu trop gros, trop complexe. L’éclater en morceaux et livrer les
technologies au fur et à mesure de leur disponibilité évite à Microsoft le syndrome Cairo : un système impossible à accoucher. Cela aidera les DSI à anticiper et à migrer à leur rythme vers ces technologies. En évitant le traumatisme du grand
saut, où il faut absorber beaucoup de nouveautés en une fois.

Un choix tactique volontaire de Microsoft ?

Même la livraison, en option, du très attendu WinFS ne constitue pas une si mauvaise nouvelle. Personne ne sera obligé de l’utiliser s’il ne tient pas ses promesses ou s’il consomme trop de ressources. Quant aux
développeurs, ils seront assurés que des technologies comme Avalon, Indigo ou WinFX seront diffusées au plus grand nombre. Leurs applications pourront donc cibler une audience plus large que si elles étaient limitées à Longhorn.Sans le faire exprès, Microsoft a donc fini par contenter tout le monde. Peut-être retiendra-t-il la leçon et évitera-t-il désormais les big bangs pour préférer une approche plus graduelle, à l’instar de ses concurrents Linux,
Apple ou Sun. Mais Windows risque maintenant de tomber sur le même écueil qu’avec Office : comment justifier l’achat d’une nouvelle version qui n’apporte rien de vraiment nouveau ? En effet, sans technologies
phares, quel sera l’intérêt de basculer vers Longhorn ?La réponse se trouve peut-être dans le programme Software Assurance. En souscrivant à ce type de contrat, les mises à jour deviennent gratuites pendant trois ans. Reste qu’avec les retards de Longhorn, beaucoup de clients
n’auront pas eu de mise à jour durant leur contrat.Sans compter qu’un nouveau report ou un énième retard reste envisageable. Microsoft se montrera-t-il magnanime ? Ira-t-il jusqu’à allonger les contrats ou offrir des mises à jour gratuites ?Les mauvaises langues remarqueront toutefois que le découpage de Longhorn semble plus tactique que désespéré. Car sa livraison en pièces détachées constitue aussi une façon d’occuper efficacement le terrain, face aux concurrents
Java pour Indigo ou XUL et Flex, de Macromedia, pour Avalon. Ce n’est donc pas un hasard si le premier composant à avoir été rendu disponible n’est autre que Visual Studio .Net : ce module contient tout ce qu’il faut pour
se familiariser avec les technologies de Longhorn.

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Anicet Mbida