Pas moins de 800 sites francophones traitent, de près ou de loin, de la culture adolescente japonaise ?” anime, mangas, cosplays, techno… Le Voyage de Chihiro (
www.chihiro-lefilm.com
), petite merveille de l’animation nippone, est depuis trois semaines un succès sur les écrans hexagonaux. Les Pokemon n’ont pas disparu de l’univers des gamins français et les sorties de mangas, films ou DVD (
www.animeland.com
, cliquer sur Agenda) comme les événements autour de la culture contemporaine du pays du Soleil levant, se multiplient : “Nuit manga” à Châtillon le 27 avril ; 10e convention de l’animation de l’Epita (École pour l’informatique et les technologies avancées) du 31 mai au 2 juin (
http://epitanime.enix.org
), etc. Pourquoi cet engouement ? Quels sont les ressorts de cette culture japonaise, plus que nulle autre post-moderne, juvénile, technoïde, mutante, fertilisée par la société de consommation ? “Poupées, robots, la culture pop japonaise”, publié ce mois-ci par les éditions Autrement sous la direction d’Alessandro Gomarasca, dresse un tableau complet et fascinant de ses thèmes phares et de ses évolutions les plus actuelles.Au centre de la culture pop japonaise, les filles, et plus précisément les shôjo. Lolitas “immorales” revisitant les thèmes éculés de l’enfance ?” elles s’habillent de couleurs pastel, se baladent avec peluches et poupées, Hello Kitty en tête, mais retaillent le sage uniforme des lycéennes pour en faire un accoutrement érotique et arborent maquillages et bas provocants. Des “travestissements” qui sont autant de pieds de nez au conformisme nippon et qu’incarnent bien la mode des purikura, hybride entre une cabine photo et un jeu vidéo d’arcade, dans lesquelles les filles se font photographier en sélectionnant, sur l’écran, accessoires et décors toujours plus excentriques.“Si, à l’origine de la modernisation nippone, le citoyen en uniforme représentait l’emblème d’un dévouement aveugle à la gloire de son pays, la lycéenne en tenue qui arpente à la fin du siècle les rues de Tokyo symbolise l’absence de foi en une quelconque valeur, si ce n’est la force du marché”, résume Sharon Kirsella, l’un des auteurs de l’ouvrage. Certaines shôjo vont d’ailleurs jusqu’à devenir de véritables négatifs de la Japonaise traditionnelle : les ganguro-gyaru ont teint leurs cheveux bruns en blond, et coloré à l’extrême leur peau diaphane à grand renfort d’UV. Les codes changent, les rôles aussi : alors que les filles endossent volontiers le rôle de voyou et inspirent des mangas féminins (Basara, de Yumi Tamura, par exemple ?”voir
www.mangakana.com
, cliquer dans Séries, puis sur Shojo Kana et enfin sur Basara), et même des films d’horreurs (Ring sur
www.ring-lefilm.com
), leurs petits frères se laissent gagner par les icônes de la culture féminine, rêvent d’androgynie et fétichisent la “lycéenne sauvageonne”. Un renversement qui n’est pas sans susciter l’inquiétude des intellectuelles nippones, plus préoccupées par la stérilité de ces provocations que par le bouleversement des valeurs : les shôjo parodient et provoquent la culture traditionnelle, sans pour autant proposer de manifeste féministe, ni la moindre ébauche de projet pour faire évoluer les rapports sociaux et sexués. L’étape suivante ?“Poupées, robots, la culture pop japonaise “, Revue Mutations n?’ 214, avril 2002, Éditions Autrement, 160 pages, 14,95 euros.
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