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Loi sur le renseignement : un dernier élan désespéré contre la surveillance de masse

Les associations de défense des droits citoyens s’insurgent contre le projet de loi gouvernemental qu’elles voient comme un moyen de surveillance généralisée des citoyens. Elles espèrent un sursaut démocratique et parlementaire, sans vraiment y croire.

C’était un peu ambiance déprime ce matin, 26 mars, au 60 rue des Orteaux, Paris 20e. La Quadrature du Net a mis ses locaux à disposition pour organiser une conférence de presse commune avec d’autres organisations de défense des droits citoyens, comme la Ligue des droits de l’Homme, Amnesty International, Reporters sans frontières ou le Syndicat de la Magistrature. Objectif : alerter sur les risques et les dangers du projet de loi sur le renseignement, que le gouvernement a présenté la semaine dernière, et provoquer un sursaut.

Malheureusement, l’évènement avait un peu le goût du dernier élan désespéré d’un condamné à mort. Aucun des organisateurs ne semble réellement croire que l’on puisse empêcher cette loi d’être votée, voire d’y apporter des modifications. « On ne se fait pas beaucoup d’illusions. Manuel Valls va présenter lui-même ce projet de loi dans l’hémicycle. La majorité parlementaire et le gouvernement vont faire bloc pour éviter tout débat sur ce projet, notamment en engageant la procédure d’urgence. Les dirigeants de l’UMP, pour leur part, appellent à une fuite en avant sécuritaire et veulent éviter tout encadrement des services de renseignement. Les conditions pour amender de manière significative ce texte ne sont donc pas réunies », estime Félix Tréguer, secrétaire de la Quadrature du Net.

Ce matin, 26 mars, à la Quadrature du Net
Ce matin, 26 mars, à la Quadrature du Net

Un vote au pas de course dans un climat pesant

A cela s’ajoute une pression psychologique et morale résultant des attentats de janvier dernier, dans la mesure où ce projet est présenté comme une loi contre le terrorisme, ce qu’il n’est pas. « Les parlementaires que nous avons pu rencontrer soit soutiennent ce texte, soit se montrent résignés », précise Adrienne Charmet-Alix, coordinatrice des campagnes au sein de la Quadrature. Il sera également difficile d’influer sur les parlementaires, compte tenu du calendrier extrêmement serré. Le texte sera présenté en commission parlementaire le 1er avril. Les premiers amendements devront donc être présentés d’ici… après-demain ! Les débats parlementaires, quant à eux, débuteront dès le 13 avril. Dans ce contexte, organiser un vaste contre-mouvement comme on avait pu le voir pour Hadopi relève un peu du miracle.

Pour autant, ce n’est pas une raison pour ne rien faire. La Quadrature du Net vient de mettre en ligne un wiki pour rassembler des contre-propositions législatives. « Nous allons également fournir un argumentaire pour que les citoyens puissent appeler leurs députés et tenter de les convaincre », ajoute Adrienne Charmet-Alix. Sur le fond, les critiques sur ce texte sont nombreuses, à commencer par la future « Commission Nationale de Contrôle des Techniques de Renseignement » (CNCTR). « Les mécanismes de contrôle dans cette loi sont illusoires, estime Laurence Blisson, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature. Il n’existe aucune logique de contrôle a priori, car cette instance ne peut rendre qu’un simple avis, que le Premier ministre peut suivre ou non. A posteriori, un citoyen pourra certes saisir le Conseil d’Etat s’il estime être surveillé. Mais il ne sera pas informé du résultat de cette procédure. Il ne saura pas s’il a été surveillé, ni si cette éventuelle surveillance a été invalidée. C’est le secret-défense qui prévaudra. »

Une surveillance intégrale de toutes les communications

Les moyens techniques décrits dans le projet de loi sont également dans le collimateur des associations citoyennes. Selon elles, pas la peine de jouer sur les mots : les pratiques visées constituent bien une surveillance de masse. « Les fameuses boîtes noires qui seront installées chez les FAI et les opérateurs pourront surveiller intégralement toutes les communications », explique Sylvain Steer, chargé de mission au Centre d’études sur la citoyenneté, l’informatisation et les libertés (CECIL).

Evidemment, il est impossible de connaître les détails techniques de cette surveillance : captation de flux, filtrage sémantique, inspection profonde des paquets (DPI)… tout est possible, car rien n’est réellement interdit. Par ailleurs, rien ne dit dans le texte que la CNCTR ait son mot à dire dans le choix des algorithmes ou des techniques de traitement de données : une fois en place, « les dispositifs de traitements automatisés » pourraient donc être mis à jour en permanence, sans aucun contrôle. « Ce texte organise la surveillance généralisée des citoyens », souligne Laurence Brisson. On comprend mieux pourquoi le gouvernement est resté étrangement silencieux à la suite des nombreuses révélations d’Edward Snowden…

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Gilbert Kallenborn