La LSI n’en est encore qu’à l’état de projet, et son adoption définitive par le Parlement ne devrait intervenir qu’à la mi-2002. Mais le texte (dont 01net. a pu se procurer un exemplaire) suscite déjà de très vives réactions dans le Landerneau de l’Internet français.
” Texte de toilettage “ pour les uns, ” compromis, fruit des énormes tensions existantes au sein même du Gouvernement “, on est semble-t-il assez loin du texte d’encadrement juridique que certains attendaient. ” La LSI répond seulement maintenant aux questions qui se posaient il y a deux ans, le décalage est inévitable “, commente ainsi, sous anonymat, un responsable d’une des autorités administratives indépendantes actuellement consultées (ART, Cnil, CSA, CCDH, CSSPTT).D’un côté, le projet de loi sur la société de l’information éclaircit des points essentiels : la cryptologie, la signature électronique, la possibilité donnée aux collectivités locales d’investir plus facilement dans le haut débit et l’intégration dans le droit national de la directive européenne du 8 juin 2000 sur le commerce électronique.A contrario, le texte s’attire d’ores et déjà les foudres des parties concernées sur des questions aussi sensibles que la responsabilité des hébergeurs, la conservation des données par les fournisseurs d’accès Internet (FAI), les dispositions anti-spam, les conditions de droit de réponse sur Internet ou la mise en place d’un dépôt légal pour des “services de communication en ligne”.
La responsabilité des hébergeurs
Ainsi, pour la responsabilité des hébergeurs, la responsabilité pénale est supprimée, mais la responsabilité civile est toujours d’actualité. Selon le texte, “Les prestataires sont tenus d’informer promptement les autorités publiques compétentes des activités ou informations illicites dont ils acquièrent la connaissance dans l’exercice de leur activité.”Pour Meryem Merzouki, de l’association Iris (Imaginons un réseau Internet solidaire), ” C’est un encouragement pur et simple à l’exercice d’une censure privée “, tandis que pour le délégué général de l’Association des fournisseurs d’accès (AFA), Jean-Christophe Le Toquin, ” Surveiller les atteintes aux mineurs ou les crimes, oui. Mais avec les nouvelles dispositions prévues dans la LSI, le champ de surveillance deviendrait ingérable. “
Le stockage des données par les fournisseurs d’accès Internet
Le stockage et la mise à disposition de la justice des données relatives à une connexion à Internet passeraient de trois mois aujourd’hui à un an. Une évolution qui devrait faire réagir tous les défenseurs du respect de la vie privée.De plus, pour l’AFA, cette mesure serait très coûteuse. En effet, d’après Jean-Christophe Le Toquin : “Le stockage coûte très cher et sera de toute façon facturé par les FAI aux pouvoirs publics. Ce sont donc les contribuables qui paieront.”
Les dispositions anti-spam
Autre curiosité du projet de loi, les dispositions de lutte contre le spam ou courrier électronique non sollicité qui pollue à longueur de journée les boîtes aux lettres des internautes. Sur ce point, la LSI pose le principe de l’inscription de l’internaute à des registres d’opposition. En clair, le ” spammeur ” devra vérifier en amont si le destinataire de ces messages est ou non inscrit sur lesdits registres.Pour Christiane Feral-Schuhl, avocate spécialisée dans le droit de l’Internet, ” Cette procédure est difficilement applicable à l’échelle de plusieurs millions d’utilisateurs et, de plus, les contrevenants souvent anonymes, au moins dans la forme, resteront difficilement identifiables. “
Le dépôt légal
Autre point d’achoppement : le dépôt légal. Ce procédé qui vise à établir la date officielle de mise à disposition du public de tout document imprimé, graphique, photographique, sonore, audiovisuel, et multimédia, est géré par des organismes tels que l’ INA, la BNF, le Centre National de la Cinématographie (CNC), et le ministère de l’Intérieur.Dans le projet de loi sur la LSI, le dépôt légal s’appliquerait pour tout“éditeur en ligne de signes, signaux écrits, images, sons, ou message de toute nature”. Une telle mesure s’appliquerait bien évidemment aux sites d’information, mais à l’ensemble des pages personnelles diffusées sur le réseau. Cela tendrait donc à garantir un délai de prescription identique à celui en vigueur dans le droit de la presse pour les questions de diffamation.
Le droit de réponse sur Internet
Mais, parallèlement, la LSI est beaucoup plus floue quant aux conditions du droit de réponse sur Internet. Ce droit concerne “toute personne nommée ou désignée (NDLR: ou mise en cause) dans un service de communication en ligne”. Selon le texte, “La demande d’exercice du droit de réponse doit être présentée au plus tard dans un délai de trois mois suivant celui de la cessation de la mise à disposition du public du message contenant la mise en cause qui la fonde.”Les informations étant disponibles en permanence sur Internet, pour Renaud Le Guhenec, avocat spécialisé dans le droit de la Presse “Cette formulation remet à l’ordre du jour la notion de délit continu [ récemment infirmé par la Cour de Cassation,NDLR].”
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