Le 20 octobre, les députés de la majorité La République en marche (LREM) et son allié Agir ont déposé une proposition de loi relative à la « sécurité globale ».
En débat pendant vingt jours, le texte qui a fait l’objet de 452 amendements a été voté le 24 novembre à l’Assemblée nationale en première lecture. Il est actuellement en discussion au Sénat.
Parmi les 32 articles discutés, deux articles (21 et 22*) visent à encadrer les caméras utilisées par les policiers quelles soient individuelles appelées « caméras-piétons », embarquées sur leurs véhicules ou aéroportées. Si les premières étaient déjà utilisées par les forces de l’ordre, la généralisation de l’usage de drones est une nouveauté. On fait le point.
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Article 21 : Les caméras-piétons et embarquées
L’article 21 modifie le Code de la sécurité intérieure et le cadre juridique établi par le RU-065, rédigé par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), en décembre 2018. C’est le contexte dans lequel sont utilisées les caméras mobiles, qu’elles soient portées individuellement par des policiers et des gendarmes ou soient embarquées sur leurs véhicules. Quand pourront-ils les utiliser ?
« Lorsque la sécurité des agents de la police […] ou des militaires de la gendarmerie nationale ou la sécurité des biens et des personnes est menacée », explicite l’article 21 (alinéas 8 et 11).
Le texte leur donne également une nouvelle finalité : « l’information du public sur les circonstances de l’intervention ».
Autre nouveauté : la retransmission en direct de l’enregistrement. Ainsi, les images captées « peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné et aux personnels impliqués dans la conduite et l’exécution de l’intervention ».
En clair, les agents sur le terrain équipés de tels dispositifs auront la possibilité de retransmettre ce qui se passe en simultané à leurs collègues derrière leurs écrans.
Une fois les images collectées, les agents ayant procédé à l’enregistrement pourront y accéder dans le cadre d’une procédure judiciaire (procès-verbal) ou d’une intervention, par exemple sur une personne en fuite.
Le recours à ces caméras mobiles est également étendu aux policiers municipaux et le visionnage des images captées aux agents de la Ville de Paris (article 20). Leur généralisation est prévue d’ici juillet 2021.
Aucune occurrence du terme de « reconnaissance faciale » n’est intégrée au texte de loi amendé, actuellement en discussion au Sénat. Néanmoins, certaines organisations, aux premiers rangs desquels la Ligue des droits de l’homme (LDH) et la Quadrature du Net (LQDN), et certains députés de l’opposition estiment que cela reviendrait à ouvrir la boîte de Pandore. Notons que les trois amendements suggérant son ajout au texte et/ou son encadrement ont été rejetés.
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Article 22 : Les drones
Si l’article précédent n’est que l’élargissement de la loi actuellement en vigueur, l’article 22 est lui totalement inédit. Il vise en effet la « création d’un régime juridique encadrant le recours aux caméras aéroportées par les autorités publiques ».
Selon la première mouture de ce texte de loi, la police pourrait utiliser les drones en cas de craintes « de troubles graves à l’ordre public » en vue de le rétablir mais aussi pour prévenir les « atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à des risques d’agressions, de vol ou de trafic d’armes, d’êtres humains ou de stupéfiants » et les « actes de terrorisme ».
De plus, ces caméras aéroportées pourraient notamment être utilisées pour constater des « infractions et [poursuivre] leurs auteurs », notamment dans les « rodéos motorisés », protéger « les bâtiments et installations publics et leurs abords » et réguler « les flux de transport ». Le spectre est très large – et c’est précisément ce qui fait craindre le glissement vers un régime de surveillance généralisée.
Certaines garanties ont été d’ores et déjà apportées : « le recours aux drones ne pourra pas être permanent […] l’intérieur des domiciles et les entrées ne pourront pas être filmés » et le public devra être informé « par tout moyen approprié ».
Néanmoins dans une zone aussi densément peuplée et en perpétuelle menace terroriste que Paris, l’applicabilité de ces garde-fous semble compliquée.
Rappelons qu’en mai dernier, le Conseil d’État a été clair : tant qu’il n’y a pas de cadre réglementaire ou législatif, l’usage des drones dans une perspective de surveillance est illégal.
Mais, en l’état, si ce texte de loi passe, l’usage de drones, notamment pendant les manifestations ou pour surveiller des zones identifiées comme « à risques », se banaliserait. « Big Brother will soon be watching you », aurait écrit Orwell.
Sources : Assemblée nationale, Vie publique et Sénat
*Selon la numérotation du texte original proposé à l’Assemblée en novembre.
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