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Loi « influenceurs » : tout ce qu’elle va changer sur les réseaux sociaux

La proposition de loi qui vise à mieux encadrer les influenceurs, et à mieux protéger les utilisateurs de réseaux sociaux, a été adoptée en première lecture jeudi 30 mars. Bien que le texte doive encore être examiné au Sénat, plongée dans ce que pourraient devenir nos futurs réseaux sociaux.

Cryptos, botox, jeux d’argent… À quoi vont ressembler les réseaux sociaux lorsque la nouvelle loi visant les 150 000 influenceurs français sera en vigueur ? Alors que le texte a été adopté en première lecture jeudi 30 mars par l’Assemblée nationale, et qu’il doit désormais passer par le Sénat avant d’être définitivement adopté, voici ce qui pourrait changer pour vous, les utilisateurs des réseaux sociaux. Globalement, le nouvel écosystème devrait davantage ressembler à celui de la télévision ou de la radio avec quelques particularités. 

1. Davantage de contenus estampillés comme étant sponsorisés

Premier changement de taille : on devrait avoir plus de posts, de vidéos ou de stories clairement mentionnés comme étant publicitaires. L’obligation, qui consiste à indiquer qu’un contenu a été sponsorisé, existait déjà avant cette proposition de loi, mais elle était souvent, dans les faits, peu respectée. Le texte prévoit que toute promotion doit être « explicitement indiquée par une mention claire, lisible et identifiable sur l’image ou la vidéo » pendant toute la durée de diffusion du contenu.

Les influenceurs devraient, de leur côté, plus respecter cette règle au vu de la sanction en cas d’irrespect : 300 000 euros d’amende, et deux ans de prison.

2. Fini la pub pour les cryptos

Sauf changement au Sénat, vous ne devriez plus trouver de contenus sponsorisés par des entreprises liées aux cryptomonnaies. Vous devriez même avoir du mal à trouver des « influenceurs de la cryptomonnaie ». Car malgré la mobilisation du secteur sur les réseaux sociaux et dans les médias spécialisés, les députés ont opté pour une interdiction de la promotion de la cryptomonnaie.

Une seule exception existe : si l’entreprise qui souhaite avoir recours aux influenceurs bénéficie de l’agrément de « Prestataire de services sur actifs numériques » (PSAN), un label délivré par l’Autorité des marchés financiers.

Problème : Ni Coinhouse, ni Binance – deux gros acteurs du secteur – ne bénéficient de cet agrément. Pire, aucune entreprise ne l’a reçu à l’heure actuelle. Conséquence : en pratique, cette proposition de loi interdit la moindre promotion liée à ce secteur.

Pour de nombreux acteurs du secteur comme l’Adan, l’association qui regroupe les professionnels du secteur, c’est une aberration. Cette interdiction va, selon eux, favoriser les influenceurs étrangers francophones qui ne seront pas soumis à cette nouvelle règlementation – si, encore une fois, elle est bien adoptée telle quelle au Sénat. Vous pourrez toutefois toujours voir des contenus plébiscitant les NFT, puisque ces jetons non fongibles échappent – pour l’instant – à cette interdiction.

3. Exit les pubs pour les injections de botox

Vous ne devriez plus non plus trouver d’influenceurs vous vantant des greffes de cheveux en Turquie ou des injections de botox sans douleur. La promotion de la chirurgie ou de la médecine esthétique est strictement interdite, cette fois sans exception. 

4. La fin des paris sportifs ?

Autres vidéos ou posts qui devraient disparaître de vos flux d’actualité : ceux vantant tel abonnement à des pronostics sportifs ou tel jeu de hasard. Les auteurs de la proposition de loi n’ont pourtant pas opté pour une interdiction radicale des contenus sponsorisés par ce secteur. Mais les règles choisies pourraient sérieusement limiter la promotion des jeux d’argent et de hasard sur les réseaux sociaux, y compris les paris sportifs régulièrement critiqués pour ne pas assez protéger les mineurs.

Le texte interdit d’ailleurs la promotion de ces jeux sur toutes les plateformes qui ne permettent pas de restreindre l’audience aux plus de 18 ans. La proposition de loi précise que seuls les réseaux sociaux qui offrent « la possibilité technique d’exclure de l’audience dudit contenu tous les utilisateurs âgés de moins de dix-huit ans, et si ce mécanisme d’exclusion est effectivement activé » pourront permettre aux influenceurs de faire la publicité de ce type de jeux. On voit mal quel réseau social pourrait répondre à cette double condition – ce qui revient donc à interdire, dans les faits, des stories ou vidéos vantant les mérites de telle entreprise du secteur des jeux de hasard.

5. Bonjour les mentions en tout genre !

Autre particularité de ces réseaux sociaux post-loi réglementant les influenceurs : ils devraient vivre sous le règne de la mention. La loi prévoit en effet toute une série de bandeaux à apposer sur les stories et les vidéos. Parmi ces mentions, beaucoup étaient déjà obligatoires, tout en étant dans les faits peu utilisées. L’objectif : alerter sur le caractère néfaste de certains secteurs.

Côté jeux d’argent, pour les plateformes qui réserveraient certains contenus aux majeurs, les influenceurs feront apparaître, via un bandeau visible sur l’image ou la vidéo pendant toute la durée du contenu, une mention. Le message sera similaire à celui diffusé actuellement à la radio ou à la télévision, revenant à une alerte sur la dangerosité de ce type de jeux.

Autre mention possible, celle d’existence de filtre ou d’utilisation de logiciel de retouche. Afin « d’éviter des effets psychologiques destructeurs », on verra donc des vidéos ou des photos avec la mention : « Images retouchées » visible durant toute l’intégralité du visionnage. L’objectif : bien rappeler que les corps et les visages des influenceurs concernés ont été modifiés.

Outre la protection de la santé mentale des utilisateurs, le législateur s’est aussi attelé à rappeler toutes les mentions visant à protéger la santé dans son ensemble des Français. On trouve, pêle-mêle, des obligations liées à la promotion des sodas et aliments transformés, qui devront inclure une information sanitaire. Pour les compléments alimentaires, ils devront mentionner une note d’un futur nutriscore qui sera créé dans les prochains mois.

6. Toujours des contenus avec de l’alcool festif ?

Verra-t-on toujours des vidéos dans lesquelles un influenceur vous partage un moment inoubliable, un verre d’alcool à la main, avec une marque bien visible ? C’est possible. Car contrairement à la cryptomonnaie ou à la chirurgie esthétique, la promotion de l’alcool n’a pas fait l’objet d’une interdiction pure et dure. Les auteurs de la proposition de loi ont simplement rappelé que les influenceurs étaient soumis à la loi Evin. C’est une occasion manquée pour certaines ONG. L’Association addictions France militait, par exemple, pour voir disparaître les vidéos festives où une marque est promue. La loi Evin n’interdit pas complètement les contenus promouvant l’alcool, mais ils doivent être informatifs, sans être associés à une fête ou à de la convivialité, et accompagnés d’un message de prévention.

Et pour le vapotage et le tabac ? Les posts qui vantent les mérites de telle marque devraient complètement disparaître. La cigarette et le vapotage n’ont en effet pas reçu le même traitement que celui réservé à l’alcool, puisqu’ils ont fait l’objet d’un amendement spécifique. Le texte rappelle qu’il est formellement interdit de promouvoir les produits du vapotage, ainsi que la cigarette. Car « si le droit en vigueur interdit la promotion des produits du tabac, ou du vapotage, y compris sur les réseaux sociaux, force est de constater que de nombreux influenceurs ne le respectent pas », expliquent les députés dans leur amendement.

7. Moins d’enfants et de mineurs influenceurs

On devrait aussi voir moins d’enfants et d’adolescents de moins de 16 ans chez les influenceurs, car ces derniers devront obtenir un agrément auprès des services de l’État avant de pouvoir apparaître face caméra dans des contenus sponsorisés. Le texte prévoit que 90 % des sommes perçues issues de l’influence commerciale seront consignées sur un compte, jusqu’à leur majorité. Le temps nécessaire de cette procédure et les conditions pour l’obtenir doivent encore être précisés. 

8. Plus de possibilité de signaler les arnaques

Autre nouveauté : si vous observez une arnaque ou si vous en êtes victime, vous pourrez plus aisément signaler les abus. Vous pourrez le faire auprès des réseaux sociaux directement, puisqu’ils auront l’obligation de mettre en place « mécanismes de signalements des arnaques facilement accessibles». Leur responsabilité pourra même être engagée en cas de contenus problématiques. 

Vous pourrez poster un message sur l’appli mobile de SignalConso, et vous tourner vers des « signaleurs de confiance », un statut accordé à certaines associations. Ce label permettra à ces ONG de voir leurs « notifications » – des signalements de cas d’arnaque, par exemple –  traitées en priorité.

9. Des influenceurs plus responsables face aux internautes

L’internaute pourra aussi plus simplement se retourner contre les influenceurs. Car selon la proposition de loi, ces derniers seront désormais les garants de la licéité des produits qu’ils promeuvent. Concrètement, si vous vous apercevez par exemple qu’un influenceur vous a vendu un produit contrefait ou dangereux, vous pourrez l’attaquer.

Et en cas de « dropshipping » – le fait d’avoir un influenceur qui ne se charge que de la commercialisation et de la vente d’un produit, en se défaussant sur son fournisseur – l’influenceur devra vous donner le nom de cette entreprise.

Toutes ces mesures feront-elles des réseaux sociaux un lieu plus sûr ? La question reste entière. Mais au vu des sanctions, bien plus lourdes qu’avant, qui sont prévues par la loi –  dont des amendes importantes et une interdiction d’exercer, avec fermetures des comptes sur les réseaux sociaux à la clef  – les influenceurs devraient être plus incités à respecter l’ensemble de ces nouvelles règles. Reste à franchir l’étape du Sénat, et celle, surtout, de la pratique.

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Source : Proposition de loi visant à lutter contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux adoptée le 30 mars en première lecture