Le syndrome « buvette » a encore frappé à l’Assemblée nationale. Cette fois la victime n’est autre que le très contesté projet de loi Création et Internet, qui a été rejeté aujourd’hui lors d’un vote à main levée par 21 voix contre 15, la majorité des députés UMP brillant par son absence de l’Hémicycle.
Depuis ce couac, les réactions se succèdent. La première concernée, Christine Albanel, ministre de la Culture, « prend acte avec regret du vote de l’Assemblée nationale » mais dénonce « la triste comédie à laquelle se sont livrés les députés de l’opposition, dont une quinzaine ont dissimulé leur présence pour surgir dans l’Hémicycle à la minute même du scrutin ». Elle se dit « déterminée à se battre pour son adoption par les deux chambres lorsque le projet de loi sera à nouveau débattu, dès la fin du mois ».
Dans la soirée, Nicolas Sarkozy, le Président de la République, a dans un communiqué évoqué des « manœuvres dérisoires » et affirmé « son attachement aux droits des créateurs et sa volonté de voir appliquée au plus vite la loi Création et Internet », à laquelle il n’entend pas renoncer.
Pour le président du groupe UMP au Palais-Bourbon, Jean-François Copé – qui n’a pas su tenir ses troupes ou les a laissées faire la séance buissonnière – le rejet du texte n’est qu’un « petit loupé », dû à une manœuvre des députés de gauche. Néanmoins, « c’est notre problème, notre responsabilité. On n’avait qu’à être beaucoup plus nombreux qu’eux en séance ». Et d’ajouter, philosophe : « Un coup de pied au derrière, ça fait toujours avancer. »
Franck Riester, le rapporteur du texte, s’en est pris également, d’après l’AFP, aux députés de gauche. « On va perdre du temps. C’est une obstruction parlementaire scandaleuse. Pendant la discussion sur le texte issu de la CMP [commission mixte paritaire, NDLR], les députés socialistes n’étaient qu’une poignée. D’un seul coup, ils sont sortis de derrière un pylône, ils ont débarqué en nombre pour un coup politique au détriment des artistes de notre pays. » Ecoutez ci-dessous l’interview de Franck Riester sur BFM jeudi 9 avril :
« Le Titanic a coulé et l’orchestre ne joue plus »
Le député Nouveau Centre Jean Dionis Du Séjour – qui a finalement voté contre le texte après avoir longtemps pensé s’abstenir – parle, lui, de « naufrage législatif ». « Le Titanic a coulé et l’orchestre ne joue plus », écrit dans un communiqué le parlementaire de Lot-et-Garonne. « C’est une gestion maladroite et sourde des débats législatifs qui a abouti à ce durcissement de dernière minute », ajoute-t-il.
Fidèle à sa réputation (discrète) de franc-tireur gaulliste, le député de Seine-et-Marne Nicolas Dupont-Aignan se réjouit de faire partie des 21 députés ayant voté contre le texte et appelle le gouvernement à « ouvrir des états-généraux pour réconcilier Internet et la création » [sic].
A gauche, les députés communistes font le constat d’un « double désaveu » – sur la méthode et sur le fond – pour le gouvernement, tandis que le président du groupe PS, Jean-Marc Ayrault, demande au gouvernement de « renoncer définitivement » à son projet de loi.
Du côté des collectifs militants, La Quadrature du Net voit dans le rejet du texte « une formidable victoire pour les citoyens », en concluant, peut-être un peu vite, que « la loi […] a été enterrée plus tôt que prévu ». Ecoutez ci-dessous l’interview de Jérémie Zimmermann, porte-parole du collectif, sur BFM le jeudi 9 avril :
La Sacem, elle, considère que « ce vote aussi inattendu qu’incompréhensible rappelle un épisode que l’on n’imaginait pas se reproduire à l’issue d’un processus de travail de plus de dix-huit mois, initié lors des accords de l’Elysée, avec l’ensemble des parties concernées. Les leçons du passé n’ont, hélas, servi à rien, pour la plus grande frustration des créateurs chaque jour un peu plus pénalisés et spoliés ».
Pour l’UPFI (producteurs indépendants), « l’absence de nombreux députés UMP conjuguée à une manœuvre organisée par le PS a permis ce résultat qui entrave inutilement la mise en place d’une loi pourtant indispensable à la survie de la diversité culturelle en France ». L’organisation souhaite « avoir des assurances précises sur la volonté du gouvernement de soumettre rapidement ce texte à un vote ultime de l’Assemblée nationale, comme la procédure d’urgence l’y autorise ».
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