Frais de gestion gratuits, carte bancaire offerte, retraits illimités en euros et virements sans frais, les cyberbanques alignent les propositions alléchantes comme les gâteaux à la devanture d’une pâtisserie. Le principe est simple : le client gère lui-même son compte à distance via Internet, toutes les opérations bancaires s’effectuent en ligne ce qui réduit les frais de gestion. Est-ce l’effet de la démocratisation du Web couplé à celui de la crise qui a incité les établissements bancaires à développer ce nouveau marché ? Vont-elles supplanter les banques traditionnelles ? Les clients sont-ils prêts à franchir le pas ? Les questions se multiplient autour de ce nouveau phénomène.Les premières banques en ligne sont apparues dans les années 2000, axées principalement sur les placements ou les assurances vie. Ce n’est qu’à partir de 2007 que les clients des banques traditionnelles ont commencé à se familiariser avec la gestion de leur compte en ligne. Ils se sont vu proposer par leur banque quelques services sur Internet, comme la consultation de compte, les virements…, des services payants pour la plupart. Plusieurs d’entre elles ont poursuivi la démarche en ouvrant des agences virtuelles autonomes : Boursorama pour la Société Générale, ING Direct avec ING, une banque hollandaise, Fortuneo pour le Crédit Mutuel Arkéa, BforBank pour le Crédit Agricole… En parallèle, des structures indépendantes 100 % Web ont fait leur apparition sur la Toile telles que Monabanq. , Groupama Banque, Allianz… Les banques en ligne sont au nombre de 10 actuellement en France. Elles ont d’abord orienté leurs activités vers le courtage en Bourse, les assurances, l’épargne, puis ont étendu leur périmètre aux comptes courants. Leurs atouts résident essentiellement dans la gratuité et la diversification de leurs services en ligne avec des tarifs nettement plus avantageux que ceux des banques avec guichet. Bien qu’elles soient deux fois moins chères que les banques traditionnelles, les banques en ligne ne comptaient que 2 % des clients fin 2009 sur les 100 millions de comptes bancaires ouverts en France. Une percée encore timide sur un marché à fort potentiel, vers lequel elles déploient les grands moyens pour séduire une clientèle encore hésitante.
Des avantages financiers
“ Au début, effectuer des opérations financières sur Internet faisait peur. Maintenant c’est dépassé, il y a moins d’appréhension envers les banques en ligne ”, constate Denis Lapalus, directeur de publication du site Je veux changer de banque.fr. Le taux de pénétration important de l’informatique dans les foyers et le haut débit ont permis aux internautes de se familiariser avec les achats ou les réservations en ligne. La tendance est la même avec les services bancaires accessibles maintenant sur le Net. Parallèlement, la crise financière qui a ébranlé le milieu bancaire ces deux dernières années a dérouté les usagers. Certains sont devenus méfiants vis-à-vis des banques traditionnelles. Comme l’analyse Pascal Donnais, président du directoire de Fortuneo, “ l’éclosion de la banque en ligne découle de la perte de confiance que les Français ont eu vis-à-vis de l’institution bancaire, qui n’a pas favorisé l’image du banquier ”.La conjugaison de ces deux facteurs a créé un terrain propice à l’implantation des cyberbanques qui se sont multipliées en 2009 (quatre nouveaux organismes ont éclos sur le Web en un an). Elles ont lancé une offensive tous azimuts pour se faire connaître du grand public avec des campagnes de publicité ciblées et une politique marketing agressive. Elles mettent en avant des tarifs très compétitifs, des offres attrayantes et de nombreux services gratuits, voire lucratifs : carte bancaire, gestion de compte en ligne, compte courant rémunéré, épargne à taux boosté. Les avantages financiers sont réels par rapport aux banques traditionnelles, surtout en termes d’économies. Selon un sondage Ipsos pour Fortuneo réalisé en décembre 2009, 65,5 % des personnes interrogées jugent les frais bancaires dans les banques traditionnelles trop élevés. Une brèche dans laquelle ces cyberbanques se sont engouffrées en misant sur le “ low cost ”. Elles n’ont pas à entretenir un coûteux réseau d’agences sur tout le territoire, cher en personnel et en frais généraux. Le client s’y retrouve avec une économie d’argent bien réel, qui peut aller jusqu’à des frais annuels divisés par 10. À cela s’ajoute un gain de temps évident. À l’heure du tout numérique où les achats et réservations s’effectuent par Internet, plus besoin de se déplacer non plus pour effectuer des opérations bancaires. Un ordinateur et un téléphone suffisent pour consulter ses comptes 24 h/24, faire ses virements, placer son argent et profiter d’un conseiller au téléphone à des plages horaires très larges (jusqu’à 22 h et tout le week-end). “ Les usagers se plaignent souvent du turn-over des chargés de clientèle dans les agences et des horaires d’ouverture limités ”, note Denis Lapalus. Avec la banque à distance, plus besoin de prendre rendez-vous à l’avance. La démarche est inversée, c’est le client qui mène le jeu. Une palette d’outils informatiques interactifs contribue à faciliter la gestion de ses comptes. L’ergonomie des sites est étudiée pour favoriser la consultation et la navigation dans les différents services en ligne. Les organismes ont fourbi leurs armes avec la gestion des portefeuilles d’actions, les assurances vie, l’épargne. “ On constate que plus le client est jeune, trentenaire, technophile, plus sa tolérance vis-à-vis des comportements traditionnels des services bancaires est faible. De manière générale, la tendance de ces clients est de se tourner naturellement vers les nouveaux médias ”, note Pascal Donnais.Pour autant tout n’est pas rose dans la banque en ligne. Quelques nouveaux clients en ont fait l’expérience et se plaignent de certains dysfonctionnements. Le manque de réactivité lors de l’ouverture de compte arrive en tête des récriminations, devant la lenteur du traitement des opérations. “ J’ai attendu plus de deux mois pour recevoir les codes d’accès à mon compte, le traitement des dossiers est beaucoup trop long ” , “ Je n’ai toujours pas reçu ma carte bleue et mon carnet de chèques trois mois après l’ouverture de mon compte ”, “ L’encaissement des chèques prend quinze jours, c’est inadmissible ”. Voilà un florilège des principales plaintes qui ressortent d’un petit sondage réalisé sur le Web. Certaines banques en ligne nouvellement implantées ont sous-estimé leur succès et se sont laissé déborder par l’afflux de demandes. L’autre point d’achoppement porte sur les opérations plus importantes comme la négociation d’un prêt qui ne fait pas partie des services proposés par la majorité d’entre elles. En amont, les conditions de souscription qui varient d’un organisme à l’autre sont souvent plus élitistes qu’avec une banque traditionnelle : encours minimums ou minima imposés, transfert obligatoire des salaires sur le compte, délivrance d’une carte sous condition de revenus minimums… Les banques à distance se protègent des mauvais payeurs.
Un nouveau banquier virtuel
Les experts sont unanimes, les cyberbanques sont amenées à prendre de l’ampleur dans les prochaines années. La communication aidant, des freins vont se lever. “ Nous visons les jeunes générations, décomplexées et sans tabou par rapport à l’argent. Et nous fondons de grands espoirs sur le téléphone mobile ”, énonce Pascal Donnais, de Fortuneo. “ Les clients deviennent plus exigeants et veulent se diversifier. D’un côté, ils vont garder leur banque traditionnelle pour négocier leur prêt et des opérations un peu compliquées, de l’autre ils ouvriront un compte dans une banque en ligne pour bénéficier des frais et des services gratuits ”, nuance Denis Lapalus. À l’instar de Sophie, jeune professeur de 32 ans, qui gère ses comptes sans états d’âme : “ Je combine les deux : j’ai une “ vraie ” banque pour mon CCP, PEL, CEL, etc. Et vu que les taux d’épargne ne sont pas bons, je place une partie de mon argent sur des livrets des banques en ligne quand elles proposent des taux intéressants. Je fais tout par mail et jusqu’à présent je n’ai jamais eu de souci ”.Économie, réactivité, efficacité, les cyberbanques ont abattu leurs cartes sur le Web. Reste à faire évoluer les usages, l’image du banquier classique étant encore très ancrée dans les mentalités.
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