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Livraison par drone : pourquoi Amazon a besoin de la France

Si le géant du e-commerce a décidé d’ouvrir un centre de recherche dans notre pays, c’est parce qu’il veut profiter du savoir-faire de nos développeurs pour mettre au point un logiciel de gestion du trafic aérien.  

Amazon a surpris tout le monde ce 18 mai en annonçant ouvrir un centre de développement en France pour son programme Prime Air de livraison par drone. Mais pourquoi avoir choisi Paris ? Ou plus exactement Clichy, là où se trouvent ses bureaux parisiens ? Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, ce n’est pas parce que nous avons été le premier pays à nous doter d’une réglementation sur les drones, ni en raison du nombre conséquent de pilotes civils de ces petits aéronefs et du marché qui va avec.

La réponse fuse, carrée, de la bouche de Paul Misener, le VP Innovation d’Amazon venu spécialement en France pour accompagner l’annonce. « C’est en région parisienne que se trouvent les meilleurs développeurs pour mettre au point un système de gestion du trafic aérien et uniquement pour ça», nous confie-t-il. Une douzaine d’ingénieurs et de développeurs spécialisés et qualifiés sont déjà à pied d’oeuvre dans les bureaux de Clichy. La structure est lancée dès maintenant et accueillera progressivement ses techniciens de haute volée.

Paul Misener dans les bureaux d'Amazon à Clichy lors de notre entrevue.
01net.com – Paul Misener dans les bureaux d’Amazon à Clichy lors de notre entrevue.

Pas de tests sur le terrain à Paris

La déception, c’est qu’il n’est absolument pas question – pour le moment – de réaliser des tests grandeur nature en France. « C’est trop prématuré », nous avertit Paul Misener. « D’autant que chaque centre de recherche d’Amazon Prime Air est spécialisé. Cela n’aurait pas de sens de faire la même chose partout». Au Royaume-Uni, Amazon a lancé un programme d’expérimentations sur le terrain. En Autriche, une équipe planche sur la vision par ordinateur. En Israël, les ingénieurs s’activent sur les techniques de communication. « La partie hardware des engins est réalisée aux Etats-Unis et quelques développements ont été assurés par le Lab 126 à San Francisco ». Amazon reconnaît toutefois être en discussion avec notre DGAC (Direction Générale de l’Aviation Civile), sans spécifier si une demande d’autorisation de vol a été déposée.

Le projet de répartition du trafic aérien d'Amazon.
Amazon – Le projet de répartition du trafic aérien d’Amazon.

Un couloir aérien pour les drones rapides

La grande idée d’Amazon, c’est de modifier la façon dont est géré le trafic aérien pour y introduire ses drones de livraison, en toute sécurité. Et pour ça, il a tout prévu. « Ce sera assez facile. Nous allons séparer les hautes et les basses altitudes. Ces dernières ont été totalement négligées jusqu’à présent par le système de régulation », nous explique encore Paul Misener.

Le plan du géant américain est plutôt simple : au-dessus de 152 mètres, l’espace resterait réservé aux avions et hélicoptères. Entre 152 et 122 mètres, une zone tampon sans aéronef serait mise en place. Entre 122 et 61 mètres, un couloir aérien réservé aux drones professionnels rapides, dont les drones de livraison d’Amazon. Enfin, de 61 mètres au sol, un espace dédié aux UAV de loisir et aéronefs lents. Bien sûr, les drones d’Amazon devront naviguer dans ce dernier couloir pour décoller et atterrir. Et il n’est pas question d’interférer à proximité des aéroports.

L’équipe française doit faire communiquer les aéronefs entre eux

Pour convaincre les autorités de régulation d’adopter ce plan, Amazon veut fournir un logiciel clé en main, capable de réguler le trafic aérien. « Nous ne comptons pas nous substituer aux autorités de régulation », prévient notre VP. « Mais juste leur mettre à disposition des outils utilisables par tous les systèmes ». Et c’est là qu’entre en jeu notre équipe française : elle devra développer un programme capable de gérer les aéronefs intervenant dans les basses altitudes.

L’objectif n’est pas d’améliorer le logiciel de navigation du drone, ni son système de détection et d’évitement – déjà intégré dans le hardware. « Il nous manque aujourd’hui la faculté de faire communiquer nos drones entre eux et avec le reste de l’environnement, notamment les drones des autres sociétés. Nous devons absolument parvenir à une coordination parfaite entre tous les aéronefs de manière à ce que cela devienne sécurisé ». C’est donc une mission clef. Mais pas le seul défi qui reste à relever.

Le deuxième modèle de drone présenté il y a deux ans par Amazon.
Amazon – Le deuxième modèle de drone présenté il y a deux ans par Amazon.

Quand on demande à Paul Misener quelles sont les plus grandes difficultés à venir, il évoque aussitôt le design des engins. « Nous devons encore améliorer la durée de vie des batteries et le design des hélices », souligne-t-il. Amazon développe d’ailleurs plusieurs modèles de drones afin de s’adapter aux environnements très divers de ses clients, qu’ils habitent dans des zones denses ou peu peuplées, avec du relief ou de la végétation, un climat froid ou chaud. Pour l’entreprise, l’enjeu est d’aller chercher chaque consommateur potentiel.

Au lancement du programme Prime Air en 2013, de nombreux observateurs ont pensé à une trouvaille marketing pour faire la promotion du site de e-commerce. Presque quatre ans après, plus personne n’ose affirmer que le projet ne se concrétisera pas. « Un jour, nous enverrons un communiqué de presse où nous annoncerons que nous lançons le service de livraison par drones », promet Paul Misener. Ce jour n’est pas demain, mais peut-être après-demain.

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Amélie CHARNAY