A l’instar des contrats d’assurances, les grilles tarifaires des opérateurs télécoms m’évoquent un livre de Nicholson Baker, La Mezzanine. Dans cet ouvrage, les notes de bas de page y sont telles qu’elles parasitent l’histoire principale. Omniprésentes, denses, elles s’étalent sur plusieurs pages et vous plient à des contorsions de lecture peu familières.
Moins facétieuses, les grilles tarifaires des opérateurs télécoms procèdent du même esprit. Sous les jolis tableaux pullule souvent une colonie de notes de bas de page ou d’astérisques, certes minuscules, mais bien réelles. Et vous voilà soudain plongés dans un monde rempli de poétiques ” minutes indivisibles “, de gentilles ” heures creuses “, évocatrices de siestes sous les pommiers, opposées à de peu ragoûtantes ” heures de pointe “, qui vous rappellent les bouchons sur le périphérique. La grille la plus tarabiscotée l’an dernier était sans conteste celle de 9 Telecom lors de son lancement en France, et qui restera comme un véritable petit chef-d’?”uvre de ” logique floue ” (l’opérateur a ensuite rectifié le tir). Aujourd’hui, la palme du ” noyage de poisson ” est attribuée au matraquage publicitaire de France Télécom pour la minute locale à 11 centimes. Une aubaine qui est seulement assortie d’une palanquée de conditions restrictives. Tous les opérateurs se défendent pourtant d’être nébuleux. Pour preuve, les voilà qui se convertissent de plus en plus au tarif unique. Pourtant, ils n’ont pas leur pareil pour entourlouper le chaland. Leur trouvaille la plus narquoise s’appelle le ” crédit temps “. C’est simple et beau : la première minute, par exemple, vous est facturée le même prix, que vous appeliez deux secondes ou cinquante-neuf. Un peu comme ces parkings, où ” toute heure entamée est due “. Tombez sur dix répondeurs de suite, et vous sentirez la piqûre. Certains opérateurs ont introduit du crédit temps dans leur grille sans trop s’en vanter, préférant plastronner sur la baisse du prix de la minute téléphonique. L’invention est géniale, puisqu’elle permet de pratiquer des hausses de tarif (le coût du crédit temps) sans que cela soit instantanément perçu comme tel. Attention : les astérisques sont en fait des obélisques.
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