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L’Irlande s’organise pour faire face à la crise high tech

En tout juste dix ans l’Irlande est devenue le premier fabricant mondial de logiciels. Aujourd’hui, le pays tente de transformer l’essai en assurant le développement à l’exportation de son propre savoir-faire technologique.

” Etant donné les conditions économiques qui s’offraient à eux, beaucoup de grands groupes informatiques sont venus s’implanter chez nous “, explique Paul Maguire, responsable du secteur télécoms et informatique à l’Office irlandais du commerce et de la technologie.La politique d’incitation fiscale décidée il y a quelques années par le gouvernement de Dublin était telle que des sociétés comme Apple (à Cork), Gateway, IBM, Compaq, HP, Intel, Dell et, bien évidemment, Microsoft ont eu très vite fait de transformer leur implantation irlandaise en tête de pont européenne, voire mondiale.Même phénomène pour les centres de recherches, avec l’arrivée notamment du MIT. Mais les cadeaux fiscaux n’ont qu’un temps et, la récession aidant, des acteurs aussi importants que le constructeur informatique Gateway (qui avait établi une partie de ses usines en Irlande) commencent à se désengager pour se concentrer sur leur marché intérieur.”Nous avons vite compris que le cliché du PDG serrant la main du ministre pour célébrer l’arrivée de sa société dans le pays avait quelque chose d’éphémère, en particulier pour la création d’emplois “, poursuit Paul Maguire. Quand elles ne sont pas numériques, il arrive en effet que ce type de photos jaunissent facilement.

Des mesures pour relancer l’investissement

Pour tenter d’amortir un éventuel retournement de conjoncture, et inscrire le boom informatique et économique irlandais dans une logique de développement durable, le gouvernement a créé, en juillet 1998, Enterprise Ireland, un organisme chargé d’assurer à l’étranger (comme le font les postes d’expansion économique français) la promotion des sociétés du cru.Et plus particulièrement des quelque 600 PME-PMI actives dans le secteur informatique. Ces sociétés à effectifs réduits (moins de 200 personnes) représentent déjà 11 000 des 24 000 emplois du secteur (pour une population de 3,5 millions d’habitants).Un autre organisme officiel, l’ IDA, est, lui, chargé d’attirer les investisseurs sur le marché national.Outre ses trente-deux implantations de par le monde, Enterprise Ireland a également, grâce à un budget confortable de 1,7 milliard de francs, une action d’importance pour soutenir et favoriser l’éclosion de start-up technologiques. L’organisme public donne ainsi dans le capital-risque, en prenant des participations (au maximum 5 % du capital) dans de jeunes sociétés sous forme d’actions ou de stock-options.” Nous apportons ainsi un gage de crédibilité de nature à rassurer les autres investisseurs “, souligne Paul Maguire. Avec parfois l’occasion d’effectuer quelques plus-values substantielles. Dans cette hypothèse, les sommes générées sont automatiquement réinvesties dans d’autres sociétés ” à fort potentiel de croissance “.

Séduire les start-up

En 1999, ces investissements représentaient déjà plus de 190 millions de francs. Il existe ainsi aujourd’hui seize fonds cofinancés en partie conjointement par Enterprise Ireland et l’Union européenne. L’Union n’a pas, loin s’en faut, abandonné son rôle de partenaire financier de la République.L’organisme a aussi un rôle assez traditionnel d’incubateur (prêt de locaux…), et met en place des programmes de formation et de conseil en management R&D sur place et à l’étranger (université de Stanford…). Enfin, et la symbolique est révélatrice, en 1999 a été mis en place le Millennium Entrepreneur Fund, pour aider les créateurs de start-up irlandais ou étrangers. Cette année, le fonds dispose d’un budget de 1, 3 million d’euros (8,5 millions de francs) afin de financer dix projets à hauteur de 130 000 euros par projet sur trois ans.Cette politique d’accueil et d’ouverture continue de séduire de plus en plus d’ingénieurs français travaillant dans les NTIC. A l’image de ces amis d’enfance qui ont cofondé avec un acolyte anglais, en septembre 1999, Bantry Technologies, une société spécialisée dans la téléphonie mobile.Après un cursus universitaire commun dans un laboratoire de recherche lillois et des expériences parallèles dans le domaine de la carte à puce, chez NEC au Japon et chez ” un fabricant de cartes à puce marseillais ” (Gemplus), Patrick Trane et David Carlier sont maintenant installés dans le centre de Dublin. Ils collaborent ainsi activement avec Enterprise Ireland.Pourquoi avoir choisi Bantry comme nom de société ? ” Oh, il s’agit du nom d’un petit village, où les Francais étaient venus soutenir les Irlandais, il y a quelques siècles… contre d’autres insulaires, britanniques eux aussi ! “, commente l’un des dirigeants de Bantry Technologies.

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Philippe Crouzillacq, à Dublin