Ces derniers mois, Mandriva, ex-Mandrakesoft, a bien failli « passer l’arme à gauche ». Déjà sous le coup d’un plan de continuation depuis 2003 (pour étaler le remboursement de ses dettes), l’entreprise a dû faire face à l’éventualité d’une liquidation pure et simple (1).
L’éditeur français de la distribution Linux du même nom, qui subit des pertes depuis sa création à la fin des années 1990 et dont le chiffre d’affaires est en baisse depuis 2007 (2), veut désormais croire à une relance, grâce à une restructuration et à une stratégie repensée, sous l’égide de nouveaux administrateurs, dont Jean-Noël de Galzain, président d’IF Research, maison mère de l’éditeur Wallix.
« Cette entreprise est un laboratoire. Il n’y a pas une société équivalente sur le marché en Europe. C’est la dernière distribution Linux européenne. Il y avait un enjeu stratégique à ce qu’elle puisse continuer ses activités », explique-t-il.
L’axe France-Brésil-Russie
Pour atteindre ces objectifs, un nouvel investisseur fait son entrée dans le capital, la société de capital-risque luxembourgeoise NGI, qui apporte 2 millions d’euros (à terme, elle détiendra 50 % plus une action de Mandriva). L’ex-Mandrakesoft a aussi choisi de se réorganiser en deux entités (en France et au Brésil) au lieu de cinq (un « foutoir », dixit M. de Galzain), en liquidant au passage la société Edge IT, qui employait 14 personnes.
Pour se tirer d’affaire, Mandriva est également en train de renégocier sa dette, qui atteint 3 millions d’euros, afin de la réduire de 50 %. Un accord est en vue sur ce point avec les créanciers publics. La moitié du montant sera annulée, le reste devra être remboursé en trois ans.
Voilà pour la partie restructuration. Du côté de la stratégie, Mandriva, « qui est un éditeur et n’a pas vocation à vendre », selon M. de Galzain, va s’appuyer sur un réseau de partenaires (revendeurs, intégrateurs) pour commercialiser ses produits (une distribution Linux en OEM, des solutions professionnelles telles que Pulse, pour la gestion de parc informatique), en privilégiant pour l’instant l’axe France-Brésil-Russie, ses « marchés de référence ». Au Brésil, où le libre a su se faire une place sur le marché du desktop « grâce à la volonté forte de l’Etat », Mandriva répond ainsi à un appel d’offres du gouvernement pour équiper 800 000 machines destinées aux écoles, en partenariat avec Intel et le fabricant Positivo.
Querelles communautaires
Autre gros objectif : relancer la distribution Linux – dont une version gratuite restera disponible pour le grand public –, afin de fournir fin 2011 un produit « innovant », tourné vers l’environnement KDE. Mandriva compte pour cela sur un comité spécial monté en interne, chargé de fédérer les savoir-faire, et sur sa communauté d’utilisateurs et de développeurs. « On va continuer avec elle, malgré les querelles », explique Jean-Noël de Galzain. Allusion à la naissance du projet Mageia (voir ici), une fork (version dérivée) de Mandriva Linux, développée par des anciens d’Edge IT qui disent ne pas croire dans les projets de Mandriva.
Pour Arnaud Laprévote, directeur technique de Mandriva, « ce n’est pas un souci. Nous cohabiterons très bien, cela va même nous aider. Toute initiative pour créer une dynamique autour de l’open source est la bienvenue. Ce qui compte vraiment, c’est d’avoir un modèle économique pour Mandriva ».
Pour l’éditeur, l’avenir passe aussi par la recherche et le développement dans différents domaines (Linux embarqué, cloud computing, services en ligne, gestion de la complexité, etc.). L’entreprise va, par exemple, bientôt participer au projet Compatible One (cloud computing) et à Solen (livre électronique).
Avec une telle feuille de route, Mandriva espère enfin voir le bout des difficultés et prouver qu’il y a de la place en France pour un éditeur qui s’appuie sur Linux. « Faire une entreprise viable autour du libre, c’est quelque chose de compliqué », résume Jean-Noël de Galzain.
(1) Article modifié à 19h15.
(2) 5,7 millions d’euros en 2007, 3,9 en 2008 et 2,4 en 2009. Les pertes, elles, s’élevaient à 1,5 million d’euros en 2009.
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