Le thème de l’intelligence artificielle évoque des images qui relèvent plus de la science fiction que de la technologie. On pense tout de suite à Hal, l’ordinateur doué de raison de 2001 : l’odyssée de l’espace, qui refusait de mourir. Puis, plus récemment, à la détresse de David, le robot qui veut désespérément que sa mère adoptive l’aime, héros de A.I. Intelligence artificielle, de Steven Spielberg. Mais l’année 2001 est passée, et de Hal nous n’avons point vu. L’intelligence artificielle d’aujourd’hui n’est pas au stade de la raison, encore moins à celui des émotions.“Il y a eu des hauts et des bas dans les espoirs que les chercheurs eux mêmes mettaient dans l’intelligence artificielle”, se remémore Thierry Bouron, directeur du programme de recherche sur les “e-company” de France Telecom R&D. La phase d’euphorie des années 1970 est bel et bien passée. Tout le monde était alors persuadé que l’ordinateur allait pouvoir être réellement confondu avec un être humain, autonome dans ses actions et décisions. Un enthousiasme brutalement retombé la décennie suivante, lorsque les chercheurs ont failli baisser les bras. Mais en 1997, Deep Blue, la machine créée par IBM bat sur son terrain Kasparov, champion du monde d’échec. Pour symbolique ?” et controversée ?” que soit cette victoire, elle rappelait que l’intelligence artificielle “allait jouer un réel rôle dans la société”, selon Thierry Bouron.
Trouver la sortie
Mais qu’est ce donc que l’intelligence artificielle ? L’enjeu est de faire reproduire aux machines le raisonnement humain pour qu’elles soient capables de s’adapter, seules, à de nouvelles situations afin “d’aller au-delà de ce qui leur est explicitement demandé”, détaille David Sadek, responsable du laboratoire Dialogue et intermédiations intelligentes de FT R & D.“L’idée, c’est de créer des machines qui puissent douter, à l’instar de l’être humain, qui puissent donner plusieurs hypothèses et non pas une réponse définitive”, précise Olivier Baret, directeur R & D de A2ia, société spécialisée dans la reconnaissance d’écriture. Donc de créer des machines qui puissent aller au-delà du calcul “simple”. “Rendre la machine intelligente est le Graal de notre discipline”, commente David Sadek. Une démarche évidemment complexe. Au c?”ur de la technologie : “rationaliser” la machine. À savoir, lui apprendre à “faire les bonnes associations entre les objectifs qu’on lui fixe et les actions à mettre en ?”uvre pour y parvenir”, explique David Sadek. Par exemple, s’il est évident, pour nous, que sortir d’une pièce implique de se diriger vers la porte et de l’ouvrir, ce n’est pas forcément le cas pour une machine “qui, en comportement habituel aura plutôt tendance à essayer toutes les possibilités, genre monter sur la table, allumer la lumière ou l’ordinateur”, commente David Sadek. D’où l’importance, dans ce cas, d’enseigner à la machine l’association sortie-porte.“Tous les concepts qui sont pour nous lumineux doivent être entièrement redéfinis pour la machine”, ajoute Frédéric Guichard, directeur scientifique de la société spécialisée en vision artificielle Vision IQ. Le produit phare de la jeune entreprise, Poséidon, est destiné à assurer la sécurité dans les piscines. Si les caméras installées autour des bassins enregistrent les images, il a fallu donner au logiciel une compréhension de ce qu’il “voyait”, donc, pour cette application précise, lui définir ce qu’était un noyé. Seconde étape pour l’acquisition d’une intelligence : apprendre à la machine à communiquer avec ses congénères pour recueillir des informations et travailler en équipe.
Et aussi donner l’heure
Vient ensuite la phase d’apprentissage d’un comportement coopératif indépendant d’une application particulière. Il ne s’agit pas de programmer, grâce à une arborescence, les réponses que doit fournir la machine, mais plutôt de rendre celle-ci capable d’agir en fonction du contexte. Capable de comprendre, par exemple, que la question “Est-ce que vous avez l’heure ?” n’appelle pas la réponse “Oui” mais l’heure précise ! Étape ultime : la programmation de la compréhension du langage naturel, c’est-à-dire apprendre à la machine à communiquer non pas en bits ou en langage machine, mais de la même façon qu’entre êtres humains. Reconnaissance et synthèse vocale complètent le tout, pour rendre possible la communication. Ainsi, Artimis, un produit mis au point par France Telecom R & D, permet de dialoguer de manière naturelle avec des machines. “La technologie en est actuellement au stade où elle s’insère doucement dans l’industrie”, constate Thierry Bouron. Indice tangible de cette phase d’industrialisation, FT R & D n’a plus d’équipe dédiée mais a disséminé ses chercheurs en intelligence artificielle sur ses différents projets.
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