L’informatique est au c?”ur des métiers des bibliothèques, au point que la conservation des ouvrages ne se conçoit pas sans elle, comme le traduit d’ailleurs l’organisation de la Bibliothèque nationale de
France. En créant Gallica au début des années 1990, la France avançait en pionnière dans l’exploration des problématiques de la bibliothèque numérique.Il n’est pas aisé, quinze ans plus tard, de se représenter le contexte de l’époque. Internet n’existait pas en Europe, tandis que le Minitel était à son apogée, et la télécopie privilégiée pour la transmission de
documents. Les échanges culturels, scientifiques et commerciaux entre pays de l’Union étaient moins développés, chacun d’eux utilisant sa monnaie nationale en l’absence de l’euro. La vague du cédérom culturel
n’était même pas annoncée.La ‘ très grande bibliothèque ‘, projet phare culturel du président de la République française, mobilisait les énergies et les réflexions. Il n’est pas surprenant que la vision, alors prédominante
d’une bibliothèque numérisée, se soit inscrite dans le prolongement de l’édification monumentale du site François-Mitterrand. Un édifice qui met en valeur et diffuse notre patrimoine écrit, principalement francophone.
Un codage planétaire de l’information
Parmi les changements essentiels intervenus depuis, internet a participé à une transformation culturelle planétaire, modifiant en profondeur notre cadre de réflexion et la portée de nos actions. Pour la première fois dans
l’histoire, l’humanité s’est dotée d’un système de codage universel de l’information ?” la numérisation autorisant l’accès aux contenus à distance.En outre, l’évolution de la technologie a démocratisé l’accès aux équipements et aux services, amélioré la qualité de la numérisation et optimisé l’interopérabilité des systèmes. Si le démarrage de Gallica fut
l’occasion d’une première visualisation de documents informatisés, la masse des contenus numérisés est, depuis, en croissance exponentielle.En Occident, les technologies de l’information s’avèrent indissociables du champ culturel. Chacun dispose de portes d’accès au ‘ cybermonde ‘ : décodeurs TV, téléphones mobiles,
ordinateurs, assistants numériques ou consoles de jeux. Autant de pratiques qui nous conduisent à penser différemment le repérage et le statut de l’information, contribuant à l’éducation informelle du public à divers modes
d’accès aux contenus.
Des bibliothèques, pour quoi faire ?
Les bibliothèques doivent redéfinir les principes mêmes de leur action, dans deux directions : le patrimoine et la diffusion. Dans le prolongement de ses missions de conservation et de dépôt légal, la BNF assure la préservation des
contenus électroniques francophones et français. C’est vrai des contenus édités sur supports physiques, jeux vidéo ou DVD d’artistes par exemple.S’agissant du Net, elle pilote le Consortium international pour la préservation d’internet (www.netpreserve.org). La réflexion sur la pérennité des supports demeure
essentielle.Pour la diffusion, on ne peut plus raisonner de façon isolée et nationale, comme si le monde n’avait pas changé. Numériser nombre d’ouvrages ne suffit pas. Ce n’est plus la rareté, mais bien l’abondance de
l’information qu’il faut affronter. En offrant les meilleurs repérages et voisinages possibles aux contenus.Le cadre européen est, en ce sens, idéal. En effet, il procure une richesse inouïe de contenus multiculturels ; il rassemble les compétences nécessaires ; et il sert à fédérer des moyens suffisants pour assurer la production.La forme de la bibliothèque numérique, elle-même, reste à inventer en fonction de la nouvelle donne réticulaire. Il ne s’agira pas de créer une nouvelle institution unique et centralisatrice, mais d’encourager une
dynamique de réseau entre des contenus répartis placés sous la responsabilité des bibliothèques nationales. Cette dynamique européenne pourra, je l’espère, s’ouvrir rapidement sur le monde.* Président de la Bibliothèque nationale de France (BNF), Jean-Noël Jeanneney vient de publier Quand Google défie l’Europe, aux éditions Mille et une Nuits
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