Les projets de loi sur la protection de la vie privée de l’internaute américain essuient leurs premiers tirs de barrage sérieux. Les représentants de l’industrie, favorables à l’autoréglementation, viennent en effet de sortir une étude soulignant le très fort coût financier, estimé à 36 milliards de dollars (plus de 42 milliards d’euros), qu’entraînerait la nouvelle législation. L’ACT (Association for Competitive Technology), un lobby high-tech de Washington, soutenu notamment par Microsoft, a demandé à Robert Hahn d’étudier les répercussions d’une éventuelle réglementation fédérale. Ce dernier, directeur du Center of Regulatory Studies, un laboratoire d’idées de la Brookings Institution et de l’American Enterprise Institute, a donc fait plancher 17 consultants sur le coût nécessaire pour modifier un site afin qu’il garantisse la préservation des données personnelles de l’internaute. Résultat des courses : l’investissement moyen avoisinerait les 100 000 dollars par site, quelque 3,6 millions de sites étant potentiellement concernés aux États-Unis. Devant l’énormité de la dépense, la plus grande partie des sites, estime Robert Hahn, cesseront tout simplement de collecter des informations sur leurs visiteurs. Mais quelques-uns s’obstineront.
Des ajustements coûteux
Si 10 % des sites décident de se mettre au goût du jour, la dépense atteindra tout de même 36 milliards de dollars. Et si 5 % seulement entreprennent de se transformer, la dépense ne sera que de 18 milliards de dollars. Si l’on ne prend en compte que les entreprises de plus de 100 salariés, l’investissement se résume à quelque 9 milliards de dollars.Conclusion du directeur du Center for Regulatory Studies : l’ajustement des sites à la protection de la vie privée entraînera un investissement global de 9 à 36 milliards de dollars. “Ces lois, dit-il, pourraient avoir un impact important sur les consommateurs et les entreprises.” Et de conseiller aux politiciens une certaine prudence avant de déposer leur vote.” Notre économie traverse une période fragile, renchérit Jonathan Zuck, président de l’ACT, et nous comptons sur les technologies de l’information pour nous en sortir… Une réglementation trop stricte des sites entraînerait une réduction des choix et une hausse des prix pour les consommateurs.” Selon lui, “la nouvelle loi mettrait en danger les services gratuits en ligne financés aujourd’hui par la publicité et le marketing. “Le message envoyé par le lobby high-tech est clair : ne légiférons pas, laissons l’industrie jouer la carte de l’autodiscipline. D’autant plus que l’Américain moyen s’en moque. Là encore, les tenants de l’autoréglementation affichent devant les élus de Washington quelques sondages significatifs. Pour l’institut Gallup, seulement 16 % des internautes se disent préoccupés par la protection de leur vie privée. Et, au final, peu d’Américains croient aux vertus législatives. Selon le consultant Jupiter, tout juste 14 % des personnes interrogées estiment que de nouvelles lois leur donneraient davantage confiance dans la sécurité des sites.En conséquence, faut-il abandonner l’arme législative ? Les avocats des projets en cours y sont bien entendu opposés. Ils font également pression devant les élus du Sénat et de la Cham- bre des représentants qui planchent sur les 19 projets de lois introduits l’an dernier et cette année au Congrès, à Washington. Pour le New-Yorkais Humphrey Taylor, représentant de l’organisme de sondage Harris Interactive, la protection des données personnelles est un “champ de mines prêt à exploser… si un scandale arrive. […] L’autoréglementation laisse quelques mauvaises pommes ruiner toute la récolte.” Mais pour Robert Hahn, qui ne rechigne pas non plus à filer la métaphore, légiférer c’est risquer de “ tuer la poule aux ?”ufs d’or“.
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