C’est une première. Les disques constituent désormais la majorité des produits pirates vendus dans le monde (51 %), devant les cassettes audios. C’est ce que révèle le rapport sur le piratage musical que vient de publier la Fédération internationale de l’industrie phonographique (IFPI).Au banc des accusés : l’explosion des CD enregistrables gravés à d’autres fins que la copie privée. Sur les 1,9 milliard de produits musicaux pirates vendus en 2001, 950 millions d’unités étaient ainsi de ” vrais-faux ” CD, vendus deux à dix fois moins chers que les albums originaux dans le commerce. Sur ce total, l’IFPI estime à 500 millions le nombre de copies véritablement manufacturées à grande échelle, et à 450 millions celui des CD enregistrables gravés de manière plus ou moins artisanale.” La production de supports piratés est aujourd’hui globalement divisée entre des usines de production à grande échelle et de petites unités de production gravant des CD enregistrables dans des garages ou des laboratoires “, confirme l’IFPI dans son rapport.Les unités de production travaillant à partir de CD enregistrables sont pour la plupart localisées en Amérique Latine, en Amérique du Nord et dans les pays d’Europe du Sud, tandis que l’Asie du Sud-Est et l’Europe de l’Est constituent les principales zones dans lesquelles sont pressés à grande échelle les CD pirates.
Une capacité de production annuelle de 14 milliards d’unités piratées
” Environ quatre produits musicaux (cassettes et disques) sur dix vendus dans le monde sont aujourd’hui des produits piratés “, reconnaît Jay Berman, président de l’IFPI. Le marché de la musique piratée a ainsi représenté 4,3 milliards de dollars en 2001, contre 4,2 milliards en 2000.Au hit-parade des pays mis en cause dans ce trafic figurent la Chine, l’Indonésie, la Russie, le Mexique et le Brésil. Le dix premiers pays producteurs de musique piratée dans le monde ont une capacité de production de 14 milliards d’unités par an pour une demande locale en produits non contrefaits de 1,5 milliard d’unités, indique le rapport.” C’est avant tout un problème politique “, explique Marc Guez, directeur général de la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), ” Les pays concernés doivent impérativement se doter de lois sur la propriété intellectuelle. ” En effet, dès lors qu’aucune législation n’existe, le piratage est considéré comme légal dans ces pays. ” La Chine, par exemple, pourrait se voir expulser de l’OMC, si elle ne met pas rapidement en place les lois adaptées. Mais les mafias, qui dominent le marché dans ces pays, empêchent le bon déroulement du processus “, précise-t-il.Pour l’IFPI, ” Le piratage doit être considéré comme un crime “, d’autant que les trafics de produits piratés sont souvent liés au trafics de drogue, de blanchiment d’argent ou à toute autre forme d’organisation criminelle. Le bras armé de l’industrie du disque en appelle donc à une prise de conscience au niveau mondial, et plaide pour que tous les pays adoptent le même arsenal anti-piraterie : mise en place de lois sur la propriété intellectuelle, en accord avec les standards internationaux, et de règlements pour le contrôle des manufactures de CD, particulièrement dans les pays où l’offre dépasse la demande, création de forces de polices et de douanes dédiées, poursuites systématiques…
99 % de la musique en ligne est illégale
Dans ces conditions, 2001 a été une année noire, selon l’IFPI. Pour la première fois, les maisons de disques ont vu leurs ventes chuter de 5 % au niveau mondial ! Les CD enregistrables ne sont évidemment pas seuls en cause. Malgré la neutralisation de Napster, l’industrie musicale paraît toujours aussi désarmée face au développement de multiples services d’échanges de fichiers musicaux sur Internet.500 millions de fichiers MP3 seraient actuellement disponibles en libre-service sur le web, faisant le bonheur d’au moins trois millions d’utilisateurs réguliers. Aujourd’hui, 99 % de la musique mise en ligne sur Internet est illégale, rappelle l’IFPI. Ce qui veut dire que les sites de téléchargements légaux et payants lancés par les Majors du disque ?” comme Musicnet (Warner, BMG, EMI) et Pressplay (Universal et Sony Music) ?” ne pèsent aujourd’hui que 1 % du marché du téléchargement !Autant dire que l’industrie du disque est loin d’avoir trouvé la parade face aux clones de Napster (lire ci-dessous). Universal et Sony ont décidé récemment d’abaisser le prix des téléchargements et d’étoffer leur offre de services associés, dont la possibilité de graver les titres sur support CD. Chaque titre du catalogue Universal Music sera ainsi disponible pour 99 cents, et l’album intégral pour 9,99 dollars, alors que chez Sony Music le morceau passerait de 1,99 à 1,49 dollar dans le courant de l’été. Mais le problème reste entier : l’offre des Majors n’est pas exhaustive et donc incapable de rivaliser avec les réseaux libres…Pour contrer la copie et les circuits peer-to-peer, la plupart des maisons de disques ont commencé à tester à grande échelle des CD protégés. Mais, selon certains petits malins, un simple coup de marqueur bien placé suffirait à neutraliser le cryptage. Aussi, les majors misent aujourd’hui beaucoup sur Songbird, un logiciel conçu pour traquer les fichiers musicaux illicites proposés sur le Net.L’IFPI a ainsi fait fermer plus de 100 serveurs peer-to-peer et disparaître 700 millions de fichiers illégaux cette année. Parallèlement, plus de 9,6 millions de CD enregistrables (trois fois plus qu’en 2000) et 3 millions de CD pressés ont été saisis et 42 réseaux pirates démantelés.Le piratage traditionnel reste le plus important, mais la montée en puissance d’Internet inquiète les éditeurs. Le danger le plus inquiétant aujourd’hui est représenté par l’arrivée des DVD enregistrables, pouvant contenir dix fois plus qu’un CD-R. Selon L’IFPI, le DVD-R devrait supplanter le CD enregistrable dès 2006.” Certes, la taxe sur la copie privée a le mérite d’exister en France, mais elle reste insuffisante “, précise Marc Guez. Quant à la redevance sur les produits grand public avec disque dur, qui sera votée le 27 juin et qui devrait avoisiner les 20 euros, elle laisse les ayants droit perplexes.L’industrie du disque mise surtout sur la transposition en droit national de la directive européenne sur la propriété intellectuelle qui reconnaît la responsabilité des fournisseurs d’accès Internet et établit les procédures de recours. Elle est normalement prévue pour la fin de l’année…
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