En nationalisant La Poste, Louis XI avait donné à l’État le monopole du transport d’information. Jusqu’à une époque récente, ce monopole était effectif. Quiconque écrivait savait que le seul lecteur indiscret possible de son courrier était une autorité publique. Avec internet, ce monopole a disparu de fait. Les internautes échangent moult informations, dont certaines concernent leur vie privée, sans savoir qui y a accès.C’est à partir de ce constat qu’Arnaud Belleil a rédigé E-privacy. Il y rappelle des évidences que l’enthousiasme pour les facilités de communication dues au net et une certaine naïveté ont eu tendance à occulter. Comme le fait que le net a procuré à une multitude de gens le numéro de carte de crédit de nombreux internautes. Ou que le caractère planétaire de la toile amplifie la diffusion des calomnies qui, à la différence de celles de Beaumarchais, ne se répandent pas pianissimo mais d’emblée crescendo.
Menace sur la vie privée
Le danger pour la vie privée est d’autant plus grand que l’internaute ignore qui l’espionne. L’idée la plus marquante du livre est que la protection de la vie privée va cesser de relever de l’État. Le monopole postal de jadis est en train de voler en éclat tandis qu’émergent des start-up, qui proposent de préserver l’anonymat : plus de numéro de carte largement diffusé, accès discret aux banques de données que certains n’osent pas consulter pour des raisons morales, autant de services offerts par ces sites.Si l’État est démuni pour reconstituer sur le net l’équivalent de la poste d’antan, Arnaud Belleil va peut-être un peu vite en l’éliminant. Car la protection contre la malveillance, indépendamment de son mode d’expression, reste et restera du ressort de la justice qui, si elle doit d’adapter au monde d’internet, demeure un service public.
*Professeur à l’ESCP-EAP
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