Première publication le 13 janvier 2010
C’est la grosse polémique du jour. Le gouvernement a déposé hier un amendement visant à la création d’un poste de commissaire du gouvernement auprès de l’Arcep, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
L’exposé indique qu’il a pour objectif « de renforcer l’indispensable dialogue entre cette autorité administrative indépendante et les administrations de l’Etat. Eric Besson, le ministre en charge de l’Economie numérique, a estimé lors des vœux de l’Arcep (voir ici en vidéo) que les enjeux qui se présentent devant nous, qu’il s’agisse de l’attribution des fréquences ou du déploiement de la fibre optique, appellent une étroite coordination entre les pouvoirs de l’Autorité et ceux du gouvernement ».
Et d’assurer qu’il ne s’agit « ni d’une mise sous tutelle, ni d’une remise en cause de l’indépendance de votre Autorité […] mais au contraire, de s’assurer que nous agissons ensemble avec la plus grande efficacité, au service de l’intérêt général et de la cohérence de l’action de l’Etat ».
Le président de l’Arcep, Jean-Ludovic Silicani, au cours de la même cérémonie, lui a répondu du tac au tac. « Je ne crois pas que le dialogue, l’échange, l’écoute soient contradictoires avec l’indépendance, ajoutant qu’il convient toutefois de garder en tête la ligne au-delà de laquelle la coopération pourrait devenir de la confusion. Et de rappeler le dossier du Crédit Lyonnais : De multiples experts ont diagnostiqué son origine : la confusion des intérêts de l’Etat régulateur et de l’Etat tuteur ou actionnaire. Pour lui, ces deux missions de l’Etat doivent demeurer soigneusement séparées sauf à porter atteinte à la crédibilité du régulateur comme du gouvernement ». Rappelons à ceux qui l’auraient oublié que l’Etat est encore actionnaire majoritaire de France Télécom.
Une inquiétante exception européenne
D’autres voix se sont élevées pour critiquer ce projet du gouvernement, mu sans doute par la trop grande indépendance dont l’Arcep a fait preuve dans le dossier de la 4e licence de téléphonie mobile 3G attribuée à Free.
Alain Bazot, le président de l’UFC-Que Choisir le qualifie tout simplement d’entrisme et de « mini-putsch ». Pour lui, « voilà qui ferait de la France une inquiétante exception européenne, puisqu’aucune autre autorité de régulation des télécoms ne fait l’objet d’un tel œil gouvernemental parmi nos voisins. Or, sous le regard de l’émissaire de l’exécutif, les débats sur l’application de la loi Hadopi ou la neutralité du Net risquent de prendre un tour très différent ! ».
Il ajoute que « cet amendement apparaît en outre comme une réponse aux récents différends entre l’Autorité et l’exécutif. Par exemple, alors qu’en novembre dernier, l’Arcep ouvrait une consultation publique sur 30 propositions pour améliorer les offres Internet élaborées avec les associations de consommateurs, Hervé Novelli répliquait en bouclant un accord avec les seuls opérateurs. Une manœuvre évidente pour court-circuiter l’initiative ».
Alain Bazot n’est pas le seul à s’inquiéter de cet amendement. Pour Catherine Trautmann, député européen, « cela rappelle le nouveau mode de désignation du président de France Télévisions. Ce nouvel épisode s’ajoutant à la longue liste des lois Hadopi et Loppsi, comment, dans ces conditions, ne pas y voir une manœuvre politique traduisant une volonté de contrôle du secteur des médias et des télécommunications ? ». A noter que la réaction de l’élue a été relayée par le service de presse de l’Arcep…
Bruxelles s’en mêle
La polémique a débordé le cadre franco-français, puisque Bruxelles est entré dans le débat. « Nous allons vérifier de très près la conformité de ce projet avec la réglementation européenne, a expliqué Jonathan Todd, le porte-parole de la Commission en matière de télécommunications, cité par l’AFP. L’Arcep doit pouvoir exercer ses pouvoirs et s’acquitter de ses responsabilités de façon indépendante et impartiale », a-t-il souligné.
Pour la Commission européenne, l’Arcep « doit pouvoir garantir la confidentialité de certaines informations commerciales échangées avec les autres acteurs des marchés de communications électroniques ».
Par ailleurs, notons qu’Eric Besson s’intéresse décidément beaucoup à l’Arcep, puisqu’il y a quelques jours, il évoquait un rapprochement avec deux autres autorités compétentes en matière de gestion des fréquences, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et l’Agence nationale des fréquences (ANFR). Pour lui, elles ont vocation à « coopérer plus étroitement ». Coopération, le mot est décidément à la mode ces jours-ci…
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