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LIDAR : où en est-on dans le projet de cartographie 3D de la France entière ?

Le territoire français sera d’ici à deux ans totalement cartographié en 3D, grâce à la technologie LIDAR HD. En attendant, l’IGN, à l’origine de ce projet de cartographie du territoire, a mis en ligne des photos 3D des sites olympiques des Jeux de Paris. L’occasion pour 01net.com de rencontrer son chef de projet, Loïc Gondol.

Les sites olympiques en trois dimensions : à défaut d’assister en direct aux Jeux olympiques de Paris, l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) a mis en ligne sur son site Web plusieurs photos en trois dimensions des sites qui accueilleront des épreuves olympiques. Hôtel de ville de Paris, Pont Alexandre III, Grand Palais… Ces images ne sont que d’infimes éléments du programme de cartographie de la France entière en trois dimensions, qui vise à obtenir « la description 3D la plus fine jamais établie » de l’Hexagone, de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et de Mayotte.

Grand Palais IGN LIDARHD
© IGN 2024 LIDARHD. Image 3D Lidar HD du Grand Palais où se dérouleront des épreuves d’escrime et de taekwondo.

Doté d’un budget de 60 millions d’euros, le projet utilise la technologie LIDAR HD pour « Light Detection And Ranging » haute définition, une technique de mesure de distance basée sur les propriétés de la lumière.

Initié en 2020, le projet devait durer jusqu’en 2025. Mais il devrait finalement s’achever en 2026, notamment parce que les captures de données, qui permettent de construire ces cartes, ont été finalement limitées aux mois d’hiver.  Les « acquisitions par voie aérienne sont en effet meilleures quand les arbres sont sans feuilles », explique Loïc Gondol, chef du projet Lidar à l’IGN, interrogé par 01net.com. Concrètement, il reste à couvrir le nord du territoire, mais aussi des « bouts de Normandie, de Bretagne, et de la région Grand Est », liste le responsable. Fin février 2024, 68 % du territoire métropolitain ont été traités.

Avancement Des Acquisitions Lidar Au 16 Juillet 2024
© IGN

Des avions et de l’IA pour collecter et classer des points d’impact

Comment ces images sont-elles, en pratique, créées ? Tout commence par des prises de données par avion, appelées « acquisitions ». Il faut imaginer « une grosse boîte qui émet des rayons lumineux vers le sol, et que l’on a embarquée dans un avion. L’appareil — un scanner — va émettre un signal infrarouge à une grande fréquence (500 MHz), une onde laser vers le sol. Et il va ensuite enregistrer le retour de cette onde ». En pratique, le rayon va taper une surface comme un bâtiment, un arbre, un pylône, puis revenir. C’est en mesurant le temps d’aller-retour que l’on peut en déduire la distance, et donc la position des points d’impactdes points qui peuvent correspondre au sommet des arbres, des bâtiments, et au sol, poursuit Loïc Gondol.

Une fois cette acquisition par avion faite, « on décharge toutes ces données-là, et on les “recale”, on les repositionne par rapport aux coordonnées GPS et aux éléments du territoire. On obtient alors un nuage de points, en sachant qu’on a à peu près 10 points par mètre carré », ajoute le spécialiste.

Vient ensuite une étape de classification : chaque point va être affecté à une classe — il en existe une dizaine. « On va par exemple dire, toi, tu appartiens au sol, toi, tu appartiens à un bâtiment, toi, tu es un point sur un arbre, toi, tu es un point sur de l’eau, etc. À la fin, tous ces points-là sont classés, et on obtient un nuage de points classé ». Pendant cette phase, « on utilise un modèle d’intelligence artificielle qui va servir à préciser ou à mieux classer les points sur les bâtiments ou à améliorer le résultat sur les sols en zone montagneuse, par exemple », souligne le chef de projet.

Si on prend les images des Jeux olympiques, ces nuages de points ne sont pas visibles à l’œil nu. Et cela n’est pas surprenant puisque les points 3D sont si nombreux et si denses qu’il s’en dégage une impression de continuité. « Mais si on zoome énormément, on va voir comme de la neige. C’est cette multitude de points qui va permettre d’obtenir une description très fine des arbres et de la nature en ville  », commente Loïc Gondol.

À qui sont destinées ces cartes et ces données ?

Ne vous arrêtez pas au côté très verdâtre de ces cartes : ces images recèlent une quantité de données qui peuvent s’avérer très utiles pour « les services de différents ministères et des services déconcentrés ». L’État s’en sert pour préparer des cartes de prévention de risques et inondations, ou pour élaborer des politiques publiques d’aménagement du territoire. L’Office national des forêts utilise, de son côté, ces données-là pour mieux connaître l’état actuel des forêts françaises en termes de volumes, de défrichements, de zones de maladies et de dépérissement. 

« Ces data peuvent être utilisées pour des simulations de nouveaux projets, avec leurs impacts sur tel paysage », résume Loïc Gondol. Elles pourraient bientôt être utilisées « pour faire des maquettes de bruit en ville. Il est possible de modéliser la propagation du bruit en fonction du type de surface auquel on a affaire », ajoute-t-il.

Côté grand public, le projet, tout comme ces données, est moins connu. « L’objectif, c’est d’inciter les développeurs et le grand public à ouvrir et à manipuler ces données, même si les usages restent à inventer », précise Loïc Gondol. Pour ce faire, toutes les données du projet sont mises à disposition en open data. On peut les retrouver sur geoservices.ign.fr, un site hébergé sur la Geoplateforme.

La France est loin d’être le seul pays à cartographier son territoire en 3D. « Aux Pays-Bas, ils en sont déjà à la mise à jour de leurs données. En Suède, en Finlande, en Espagne, ils se sont lancés à peu près en même temps que nous. L’Allemagne vient d’initier un projet similaire. La Suisse est en train d’achever le sien », liste le chef de projet français. Un effet de mode ? « Je pense que tout le monde s’est rendu compte de ce que cette technologie pouvait apporter », répond-il. Ajoutez à cela qu’aujourd’hui, « on arrive à gérer et à traiter ce volume de données-là à l’échelle d’un pays, ce qui n’était pas forcément le cas il y a dix ans. Parce qu’on n’avait ni les outils, ni les ordinateurs, ni les serveurs pour gérer et traiter un tel volume de données ».

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Stéphanie Bascou