Passer au contenu

Licencier par e-mail est hors la loi

Une société ne peut annoncer un licenciement individuel ou collectif par courrier électronique.

Simple comme une mise à la porte par e-mail ? La société Sofinco a été condamnée, le 22 mai dernier, pour avoir annoncé à un cadre son futur licenciement par message intranet. Le conseil des prud’hommes d’Evry a estimé que l’établissement bancaire n’avait pas respecté les procédures classiques et, notamment, la convocation à un entretien préalable. En effet, avant de prendre sa décision, l’employeur doit exposer ses griefs et, en retour, entendre les explications du salarié.Plus grave : la malheureuse missive a été diffusée non seulement à l’intéressé, mais aussi à l’ensemble de sa direction. L’annonce de cette nouvelle s’étant opérée dans des “conditions vexatoires”, 10 290 euros de dommages et intérêts ont été accordés.Si le courrier électronique est aujourd’hui assimilable à un écrit papier, les employeurs ne doivent pas oublier le formalisme qu’impose l’article L122-14-1 du droit du travail. En l’état, la notification d’un licenciement ne peut se faire que par pli recommandé avec accusé de réception.

La messagerie électronique laisse planer le doute

“La lettre de licenciement fixe les limites du litige, rappelle Diane Loyseau de Grandmaison, avocate au cabinet Bersay & Associés. En cas de recours aux prud’hommes, l’employeur ne peut arguer que les faits invoqués dans la lettre.” C’est aussi à la date de présentation de celle-ci que sont calculés les salaires et congés restants dus, le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement ou le point de départ du préavis. Or, avec la messagerie électronique, le doute est permis. Quand le salarié relèvera-t-il le message ? Quelle assurance a-t-on sur son identité ?La loi du 29 février 2000 sur la signature numérique pourrait peut-être, à terme, répondre à ces interrogations. Trois conditions devront être réunies, estime maître Martine Ricouart-Maillet, du cabinet BRM Avocats : “La date de réception doit être connue, le destinataire et l’expéditeur authentifiés, l’intégrité et la confidentialité du message garanties.” Cela renvoie au concept de “signature avancée” qui préconise l’intervention d’un tiers de confiance. Un rôle que joue actuellement La Poste.Une autre dérive se généralise en France : l’annonce par e-mail d’un plan social. Selon une étude du cabinet de ressources humaines Towers Perrin, parue en début d’année, la totalité des sociétés high-tech qui ont procédé à un plan social ont informé leurs salariés par courrier électronique. La proportion chute à 40 % dans les autres secteurs d’activité.Passée dans l’usage aux Etats-Unis, cette pratique ne respecte pas la législation française, qui impose une consultation préalable des instances représentatives du personnel. A défaut, l’employeur s’expose à être poursuivi pour délit d’entrave au fonctionnement régulier du comité d’entreprise. Un délit pénal puni d’un emprisonnement de un an et d’une amende de 3 750 euros ou l’une des deux peines seulement. La direction Europe de Marks & Spencer, qui avait annoncé par e -mail, en mars 2001, leur licenciement aux 1 560 salariés français, sen mord encore les doigts.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Xavier Biseul