Il y a quelques jours, la communauté du Li-Fi – cette technologie qui permet de transmettre des données par des diodes lumineuses – s’est donnée rendez-vous à Paris, Palais Brongniart, dans le cadre du premier « Global LiFi Congress ». C’était l’occasion ou jamais de tâter le terrain pour connaître l’état de l’art de cette technologie et, surtout, savoir quand elle allait enfin arriver dans nos foyers. Accéder à Internet par la lumière, confortablement assis dans son fauteuil, voila qui promet d’être fun !
Malheureusement – et désolé de doucher là quelques espoirs – on en est encore loin. Et peut-être même qu’on n’y sera jamais. Tous les acteurs rencontrés nous ont confirmé que les freins pour un déploiement massif et grand public sont encore trop grands, à commencer par l’intégration matérielle. Les terminaux usuels – ordinateurs portables, smartphones, tablettes – n’ont pas de capteur Li-Fi. Il faut donc se débrouiller avec des dongles branchés en USB, ce qui est peu pratique, voire inenvisageable pour un smartphone.
Il manque l’engagement d’un grand acteur
Même chez la société française Oledcomm, qui propose pourtant une jolie lampe Li-Fi à poser sur son bureau, le constat est un peu amer. « Pour l’instant, il y a des pionniers qui se lancent sur des marchés de niche où le prix encore élevé des composants ne pose pas problème. Mais pour une diffusion de masse, il faut que le Li-Fi soit adopté par un grand acteur. Cela bousculerait le marché comme l’avaient fait naguère Broadcom et Qualcomm quand ils ont décidé d’investir dans le Wi-Fi. A partir de là, vous pouvez avoir un effet de volume et des prix qui baissent », explique Suat Topsu, professeur à l’université Paris-Saclay et fondateur d’Oledcomm. Mais pour l’instant, aucun sauveur à l’horizon.
Résultat : la plupart des cas d’usage réalistes sont très spécialisés et/ou professionnels. Ainsi, la mairie de Palaiseau a déployé 77 lampadaires Li-Fi dans le quartier Camille Claudel, en partenariat avec EDF et Oledcomm. Pour l’instant, il ne s’agit là que d’un Li-Fi partiel, car unidirectionnel (« Li-Fi Tag »). Le passant ne peut que recevoir des données, pas en émettre. C’est une variante améliorée et « géocontextualisée » du panneau d’information municipal classique. Le déploiement d’un Li-Fi bidirectionnel est en préparation (« Li-Fi Data »). Selon Grégoire de Lasteyris, maire de Palaiseau, cela permettrait notamment aux administrations locales de connecter plus facilement les caméras de vidéosurveillance.
Un autre projet pilote Li-Fi a été déployé récemment par la RATP dans la station de métro La Défense. Là encore, il ne s’agit que de la version unidirectionnelle. Parmi les cas d’usage identifiés figure le guidage pour les malvoyants ou les touristes. Munis d’un smartphone, ces personnes pourraient ainsi se géolocaliser dans les couloirs et recevoir des informations. « Avec la version unidirectionnelle, pas besoin d’avoir un capteur spécifique, celui du module caméra est suffisant », souligne Benjamin Azoulay, PDG d’Oledcomm. Les diodes Li-Fi serviraient également à géolocaliser le matériel de nettoyage de la RATP.
De son côté, Oledcomm explore également les usages professionnels avec, par exemple, des solutions d’éclairage Li-Fi pour les hôpitaux où l’utilisation du Wi-Fi n’est pas toujours la bienvenue.
Chez Firefly LiFi, la cible de clientèle est clairement professionnelle. La société américaine propose un système Li-Fi birectionnel qui s’appuie sur des émetteurs/récepteurs de la taille d’un disque dur portable. Selon le fabricant, ils permettent un débit de 1 Gbit/s dans les deux sens, ce qui en fait l’une des solutions les plus rapides du marché. Le principal cas d’usage mis en avant est celui de la sécurité, par exemple pour proposer des connexions réseaux sans fil dans des salles de réunion d’organisations sensibles (armée, nucléaire, aéronautique, etc.).
L’argument étant qu’avec le Li-Fi, les ondes restent forcément confinées dans une pièce. Personne à l’extérieur ne peut donc intercepter le flux qui circule entre les émetteurs/récepteurs, ce qui n’est pas le cas avec les ondes Wi-Fi qui traversent les murs. On pourrait toutefois se demander pourquoi, dans ce cas, ne pas simplement proposer une série de prises Ethernet. Ce serait plus simple, moins cher et les flux seraient encore mieux confinés.
Sur le stand de l’institut de recherche Fraunhofer IPMS (Microsystèmes photoniques), les émetteurs/récepteurs sont encore plus gros. Ils permettent d’atteindre 1 Gbit/s pour la version « Hotspot Li-Fi » avec un rayon d’action jusqu’à 30 mètres. Avec la version « Docking Station », il est possible de dépasser les 10 Gbit/s mais on est limité à une distance de quelques dizaines de centimètres. Les cas d’usage envisagés sont très particuliers. « Nous pensons que cette technologie peut être utile au sein d’installations industrielles où la sécurité et la performance sont importantes. En effet, le Li-Fi a l’avantage d’avoir un rayonnement confiné, d’avoir une très faible latence et de pouvoir être déployé dans un milieu où il y a beaucoup de métal », souligne Alexander Noack, responsable du groupe de recherche Capteurs optiques et communications.
Toutes ces caractéristiques n’ont évidemment que peu de valeur pour le grand public qui, au contraire, trouvera l’accès à Internet par la lumière bien contraignant. Dans une maison de particulier, la diffusion restreinte au cône de lumière est plutôt un désavantage. Le rayonnement large du Wi-Fi est beaucoup plus pratique. Par ailleurs, cette technologie ne nécessite pas que le terminal ou le dongle soit orienté d’une certaine manière.
Les acteurs du Li-Fi n’ont au final qu’un seul véritable argument pour un déploiement grand-public, c’est l’électrosensibilité et le potentiel risque sanitaire des ondes électromagnétiques. En effet, il est aujourd’hui interdit de déployer du Wi-Fi dans les crèches, les garderies et les écoles maternelles. Le Li-Fi peut, dans ce cas, être une très bonne solution. Mais cela ne constitue pas un marché de masse.
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