Si la location d’applications a tout pour séduire sur le papier, force est d’admettre que le mode locatif peine à émerger en France. Le premier blocage serait d’origine psychologique, les Latins étant traditionnellement moins portés sur la location que les Anglo-Saxons ou les Scandinaves. Un phénomène déjà observé en infogérance. “Quand un dirigeant fait une acquisition, il la veut physiquement sur son bureau, avance François Villemin, PDG de Linux@Business. En mode FAH, il ne s’agit plus d’acheter un CD-ROM ou une licence, mais la disponibilité d’un outil.”Une virtualité qui chiffonne nos esprits cartésiens. Un avis partagé par Jean-François Bensahel, nouveau président du consortium Aspic : “En France, il s’agit vraiment d’un problème de mentalité. Ne serait-ce que ce rapport particulier à la propriété et à la sécurité des systèmes d’informations. Alors que tout peut se résoudre aujourd’hui en termes de technologies !”.Dans le même registre, la dépendance d’un fournisseur à la pérennité incertaine et la perte de la maîtrise des données sont deux autres freins couramment avancés. Les premiers utilisateurs semblent dépasser ces appréhensions. Communication & IT Manager pour la filiale Maghreb des Laboratoires Roche et utilisateur de Frontsales d’eFront, Ghassen Bouatlaoui a évalué le seuil critique des informations à diffuser. “Est-ce que cela affecterait notre activité si ces données tombaient dans les mains de la concurrence ? Nous ne transmettons que des données basiques ?” du reporting, mais pas de chiffres de vente.”L’intégrité des données passe aussi par leur sécurisation. Représentant en France d’Eco Consulting et utilisateur d’Outlook en mode locatif, Sven Awege estime que son prestataire lui offre, au contraire, un surcroît de sécurité. “Notre cabinet de huit consultants ne pourrait jamais disposer de tout l’attirail sécuritaire de Netstore : antivirus toujours à jour, cryptage des données, pare-feu, back up, mirroring, etc.”Si certains FAH se contentent d’une authentification simple (identifiant et mot de passe), d’autres n’hésitent pas à communiquer sur leur dispositif. Clés de cryptage à 128 bits, coupe-feu, alimentation redondante, disques durs Raid 5… François Villemin se prévaut de garantir la disponibilité de service. “En cas de problème, le système connaît une légère dégradation, mais pas d’arrêt.”De son côté, Philippe Pantive, directeur commercial de Proginov, société éditrice de PGI, accuse les responsables informatiques d’agiter sans fondement le drapeau rouge de la sécurité. “Trop de DI craignent qu’on leur prenne leur bébé. Au contraire, en les libérant de certaines contraintes, ils peuvent, grâce à nous, se concentrer sur leur métier.” François Villemin abonde dans son sens. “Les DI ne doivent pas se sentir en concurrence. Nous pouvons leur venir en aide. Par exemple, en auditant leur bande passante.”Il manque malgré tout un cadre législatif réglementant l’externalisation des données. Si les contrats formalisent le droit à la propriété des données, des ambiguïtés persistent en ce qui concerne leur récupération post-contractuelle ou les pénalités applicables en cas de déficit ou de déni de service. Le faux départ de la location d’applications serait également dû aux faiblesses de l’infrastructure télécoms hexagonale. Le manque de réseaux à haut débit pénalise le développement d’applications gourmandes en ressources, de type GRC, voix sur IP ou décisionnel.La qualité de la connexion est aussi sur la sellette : tous les utilisateurs interrogés ont eu à déplorer ?” du moins, dans les premiers temps ?” des lenteurs dans la vitesse d’affichage, voire une inaccessibilité temporaire à l’application.Depuis un an toutefois, la France comble son retard avec l’essor des offres ADSL et la baisse des tarifs des liaisons louées. Un véritable appel d’air pour les fournisseurs d’applications hébergées, qui se voient déjà diffuser de la vidéo temps réel pour la formation à distance ou la visioconférence. L’éditeur nantais Proginov regrette néanmoins le monopole de fait de France Télécom (offre Global Intranet). “Il faut attendre trois mois l’ouverture d’une ligne”, déplore Philippe Pantive.Dernier obstacle, et non des moindres : le manque de visibilité du marché. Selon le principe du “premier arrivé premier servi”, l’offre a précédé la demande. Une pléthore d’acteurs se sont engouffrés dans des niches qui n’avaient pas encore de fondement économique.A l’instar des Etats-Unis, on devrait assister, avec dix-huit mois de décalage, à une phase de concentration-restructuration. Afin de couvrir toute la chaîne, des partenariats se sont déjà noués entre les différents intervenants : hébergeurs, éditeurs de logiciels, SSII, opérateurs télécoms et fournisseurs d’infrastructures. L’accord quadripartite Steria/J.D. Edwards/Cegetel/HP en est un exemple.La synergie entre les acteurs est toutefois sujette à caution. “Nous avons été sollicités par des sociétés spécialisées comme ASPServe ou ASP-One, mais nous préférons assurer nous-mêmes l’hébergement. Comment un hébergeur tiers peut-il comprendre les interactions entre notre produit et son hébergement ?” s’interroge Philippe Pantive, qui s’appuie, pour cela, sur la plate-forme Progress.Au-delà de la répartition des rôles, les FAH ont abordé le marché dans le mauvais sens en axant leur argumentaire sur les économies réalisées. Mauvais calcul. “Les PME sont beaucoup plus sensibles à la prédictibilité des coûts, à la simplicité d’emploi ou à la rapidité de déploiement”, estime François-Xavier Pons, consultant chez Cesmo. Enfin, la location d’applications souffre d’un réel déficit d’image. Si les sociétés pionnières étaient toutes acquises à la cause, les suivantes seront plus difficiles à persuader.Les FAH se doivent de mener un vrai travail d’évangélisation. Donnant l’exemple, l’Aspic France et l’ASP Forum, organisations représentatives en France, se sont engagés à fusionner. Témoin de ce marché émergent, le futur salon ASP 2001, qui se tiendra fin novembre à Paris. Les fournisseurs ont tout intérêt à taire leurs différents s’ils veulent convaincre les Français des bienfaits de la location.
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.