Décriée par beaucoup, condamnée à de grosses modifications par certains acteurs politiques selon le résultat des prochaines élections, la loi Création et Internet, autrement appelée Hadopi, est aussi observée avec force attention par bon nombre de pays, du Canada à la Grande-Bretagne.
Et justement, le Royaume-Uni, qui travaille depuis quelque temps à l’établissement d’une loi similaire nommée Digital Economy Act (DEA), a décidé de ne pas appliquer cette loi avant au moins 2014, alors qu’elle est votée depuis 2010. C’est ce qu’à confirmer il y a peu le Department for Culture, media and sport, l’équivalent britannique d’un croisement entre nos ministères de la Culture et des Sports.
Une opposition active
Jusqu’à présent, le pourquoi de ce retard tenait autant aux vives controverses que provoque ce texte qu’aux défis légaux qu’il pose, sans parler d’une forte réticence des FAI anglais à mettre en place les procédures définies par cette loi (proches de celles appliquées en France). En effet, les fournisseurs d’accès de sa Majesté se retrouvent dans un rôle de policier, à devoir surveiller les internautes, leurs abonnés, leur envoyer des courriers, etc.
Ainsi en juillet 2010, British Telecom (BT) et Talk Talk ont déposé en justice une plainte visant à faire reconnaître que le DEA n’était pas conforme à la législation européenne. Procédure dont ils ont été déboutés en appel au début du mois de mars dernier, mais dont ils pourraient faire encore appel devant la Cour suprême de Grande-Bretagne.
L’hostilité de certains acteurs de l’industrie numérique, dont les FAI, ne s’est pas pour autant amoindrie. Un porte-parole de l’association des fournisseurs d’accès britanniques déclarait même récemment à la BBC : « Le fait que ce texte ne soit pas appliqué est une bonne chose. Nous ne pensons pas qu’il s’agisse particulièrement d’une bonne loi. »
Et le même porte-parole de continuer : « L’association des fournisseurs d’accès (britanniques, NDLR) continuent de penser que la solution la plus efficace au problème de l’accès illégal aux contenus numériques par les utilisateurs est un cadre de licence conçu de telle sorte que les contenus légaux puissent être distribués en ligne de la façon dont le veulent les consommateurs. »
Page d’accueil de la Creative Coalition Campaign.
Un sursis mais pas un abandon
Toutefois, les opposants au Digital Economy Act ne peuvent pas se réjouir pour l’instant. D’une part, parce que la loi Hadopi est toujours suivie attentivement par les autorités britanniques et notamment la Creative Coalition Campaign (CCC), qui défend le DEA. Comme ne manquait pas de l’indiquer le site officiel de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet.
D’autre part, parce que Christine Payne, la présidente de la CCC, maintient une position ferme qui ne laisse pas place au doute : « Au lieu de fêter inutilement les retards qu’ils ont provoqués dans l’application de la loi, les FAI devraient se concentrer et travailler avec les ayants droit et le gouvernement pour que le Digital Economy Act prenne effet immédiatement », déclarait-elle à la BBC.
Permettons-nous juste une remarque sur la terminologie employée, proche au demeurant de celle utilisée en France, qui a un furieux arrière-goût de 1984 : « Grâce au DEA, il est possible de conduire un programme d’éducation de masse des consommateurs », déclarait Christine Payne en réponse à la décision de justice en appel suite à la plainte de BT et Talk Talk. Pour autant, cette décision avait donné raison aux FAI sur un point. Ces derniers levaient la question de la répartition des coûts, entre ayants droit et FAI, pour le cas où un internaute ferait appel de la décision de lui couper sa connexion à Internet. Un petit point d’achoppement en guide de dernier recours pour bloquer la machine DEA… et, si les choses changent d’ici là, la condamner à ne jamais voir le jour.
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