Certes, quand vous payez en euros un slouvaki juteux à une terrasse ensoleillée de Loutro (Crête), vous vous dites que l’Europe, c’est formidable. Il vaut mieux que le tourisme marche parce que c’est à peu près tout ce qui va subsister chez nous demain. Pour le reste, comme la high-tech, le Vieux Continent qui porte bien son nom subit sereinement un déclin régulier face à ses compétiteurs. Taïwan va bientôt dépasser la France avec 3,5 % de la production mondiale. Tous les grands pays européens ont régressé dans ce classement qui, heureusement pour eux, inclut la pharmacie et l’aéronautique. Sans ces secteurs, ils seraient plus à la traîne. Moi, je trouve ça très bien : que les industries bruyantes aillent polluer autre part, que les gros employeurs sous-payent leurs ouvriers en Asie, comme ça, on restera entre nous dans des pays verdoyants, bercés par le tintinnabulement des clochettes de vaches (mais si on pouvait délocaliser les porcheries bretonnes, ça serait bien de respirer l’air de la mer plutôt que celui du lisier). L’Europe ne sera plus qu’un lotissement de parcs à touristes et de résidences du troisième âge, ce qui résoudra le problème de l’immigration et de l’insécurité. Tout bruit sera interdit, la cuisine se mangera bio, on ne se déplacera qu’en voiture électrique. Rajoutons quelques ingrédients typiques : pêche et chasse avec cannettes de bière, campagne d’intellectuels sur les droits de l’homme, vote périodique pour l’extrême-droite pour se payer un frisson pas cher, livres féminins sur le sexe, festival de Cannes avec Woody Allen, protestations de Bruxelles contre Microsoft, America’s Cup financée par le nucléaire pour faire rire la Nouvelle-Zélande, et voici une Europe en route pour le troisième millénaire, sur des valeurs sûres et pérennes. Bien sûr, le risque à ce train-là c’est que le Japon ou la Corée gagnent la Coupe du monde de football : ça, par contre, ce serait mal vu, cest moi qui vous le dis !
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