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L’Europe bride le 802.11a

L’arrivée des équipements 802.11a en Europe soulève le problème du cadre légal de leur utilisation. L’Europe et la France esquissent une réglementation, mais ses contours sont encore flous.

Après les États-Unis, les réseaux sans fil à la norme 802.11a tentent une percée en Europe. Pionniers, Intel et Proxim sont les premiers à livrer deux gammes d’équipements sans fil à cette norme ?” Cisco et 3Com suivront dans le courant de l’année. Testés dans notre laboratoire, les kits PRO/Wireless 5000 LAN d’Intel et Harmony 802.11a de Proxim s’avèrent décevants en terme de performances. Le débit maximal enregistré culmine dans le cas le plus favorable (à 7 m en champs libre) à près de 21 Mbit/s, pour un débit théorique de 54 Mbit/s. Pire, cette technologie apparaît nettement plus sensible à la distance et aux obstacles que l’actuel 802.11b (wi-fi). Une simple cloison suffit (dans nos tests un mur en béton) à interdire toute communication stable à 15 mètres, quelle que soit la solution utilisée, alors qu’elle ne fait que limiter le débit d’une solution wi-fi. Enfin, proportionnellement, ces performances apparaissent nettement plus limitées que celles constatées sur le 802.11b. Bien sûr, ces piètres performances n’empêchent en rien la constitution d’un WLAN et certaines entreprises salueront même cette bande passante de 20 Mbit/s. Mais, si la cause de ce faible résultat est en partie d’ordre technique, elle est avant tout politique. “En effet, les régulateurs autorisent l’utilisation des systèmes WLAN dans la bande des 5 GHz, mais à condition d’obéir aux contraintes européennes définies par le CEPT et ce, pour faire cohabiter les équipements sur la même bande de fréquences”, explique Yvan Croxford, consultant pour le cabinet Re:Think!. Contraintes qui précisent notamment que la puissance rayonnée doit être de 200 MW au maximum, soit une portée de 200 m par équipement en espace ouvert ; que l’utilisation des réseaux doit être limitée à l’intérieur des bâtiments. Enfin, que les équipements doivent comporter des fonctions de sélection de fréquence dynamique (DFS) et de contrôle de puissance d’émission permettant une atténuation de l’ordre de 3 dB (TPC). Si toutes ces conditions sont remplies, la bande de fréquences utilisable est 5 150-5 350 MHz. Si les deux dernières conditions ne sont pas réunies, la bande est limitée à 5 150-5 250 MHz.

De l’Europe à l’ART

Cependant, pour que ces équipements soient commercialisés dans l’Hexagone, l’estampille ” Europe ” ne suffit pas. Une autorisation de l’ART en France est obligatoire. Elle tient compte des préconisations de l’ANF (Agence nationale des fréquences) visant à faire cohabiter, sur la bande de fréquence des 5 GHz, les satellites, les équipements de défense et le WLAN. À ce titre, l’ART a arrêté deux décisions numérotées 01-440 et 01-441, datées du 2 mai 2001. Elles portent sur l’utilisation d’équipements fonctionnant sur la bande des 5 GHz et s’appuient sur les spécifications européennes. Or, sur la norme 802.11a elle-même, rien de définitif n’a été spécifié par l’ART. Contactée, l’Autorité s’est refusée à tout commentaire. Dans un contexte aussi flou, certains constructeurs hésitent à se lancer. “Nous souhaitons éviter les déconvenues lors de la mise en place de la norme 802.11b, indique Thierry Doualan, directeur technique de D-Link. Nous avions été contraints de ramener nos points d’accès à l’usine pour les brider sur 4 canaux, conformément aux spécifications de l’ART. Or, quelques mois plus tard, l’organisme signifiait finalement qu’il suffisait de préciser la restriction dans la notice utilisateur”, précise-t-il. Pour les mêmes raisons, SMC, autre acteur majeur du sans-fil, précise que ses équipements sont prêts mais qu’aucune mise sur le marché n’est pour le moment envisagée.

HiperLan2 et 802.11a, frères jumeaux ennemis…

Tous les acteurs, ou presque, appellent donc de leurs voeux une normalisation claire et précise du 802.11a émanant de l’organisme de standardisation européen ETSI, reprenant les recommandations disponibles à ce jour et régissant les communications sans fil dans la bande des 5 GHz en Europe. Mais pour l’ETSI, la position est également délicate. L’organisme est en effet à l’origine de la norme européenne HiperLAN2. Or, celle-ci et le 802.11a européen sont étrangement similaires. “Elles s’appuient sur la même couche physique OFDM, fonctionnent toutes les deux sur la bande de fréquences des 5 GHz et intègrent TPC et DFS”, souligne Jérôme Alexandre, directeur Europe pour Proxim. HiperLAN2 se différencie par l’inclusion d’une classe de services qui lui permet de prendre en charge la voix et l’émission multimédia en continu. Cette norme n’a toutefois pas réussi à s’imposer sur le marché, prise de court par les normes 802.11. “HiperLAN2 est effectivement mort, et les pionniers tels Ericsson et Philips l’ont abandonné. D’autres constructeurs, dont Cisco et Agere, n’ont jamais eu l’intention de s’engager dans l’HiperLAN2”, explique Ivan Croxford. Une défaite européenne en somme, qui semble plus politique que technique, et les opérateurs menacés par une éventuelle percée du 802.11a en extérieur (lire encadré) font de la résistance. Le flou n’est pas prêt de s’estomper.

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Kareen Frascaria, Thibault Michel et Stéphane Reynaud