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Les valeurs de croissance restent déboussolées

A l’image de l’éditeur de jeux Kalisto, elles mettent en place des ” mécanos ” financiers pour tenter de rebondir.

Une véritable fanfare ! Suspendue de cotation depuis le 11 juillet, en raison d’une restructuration financière, l’action Kalisto a bondi de 104 %, le jour même de la reprise de sa cotation, le 20 novembre, avant de subir des prises de bénéfices et d’être plusieurs jours incotable. Elle a ensuite été réservée à la hausse pendant plusieurs séances en raison d’ordres d’achat pléthoriques. Le développeur de jeux vidéo revient de loin ! Alors qu’on le croyait au bord de la faillite, grâce à son bouillonnant PDG, Nicolas Gaume, il a réussi à obtenir de ses créanciers la transformation ?” par le biais d’une augmentation de capital et d’une émission d’obligations convertibles en actions ?” d’une grosse partie de ses dettes (15,2 millions d’euros, soit 99,7 millions de francs).“Notre situation financière est désormais assainie”, déclare-t-il à tous les analystes financiers, faisant mine d’ignorer que son entreprise a encore généré une perte de 8,2 millions d’euros au premier semestre 2001. “Pour le moment, la société ne fonctionne que grâce à des avances en compte courant. Il faudra attendre le début 2002 pour que l’augmentation de capital réservée à l’entreprise GEM [un fonds américain, ndlr] soit opérationnelle”, note Nils Schaffner, analyste chez Aurel Leven.Autant dire que le rebond spectaculaire de Kalisto ?” 5 % du capital a changé de mains lors de la séance de recotation ?” relève plus de la spéculation que d’une stratégie d’investissement à moyen et long terme. Et chacun de se souvenir que Nicolas Gaume a vendu aux investisseurs des prévisions de chiffre d’affaires et de bénéfices irréalistes.En novembre 2000, ce dernier confirmait sa prévision de 25,9 millions d’euros de chiffres d’affaires pour finalement l’estimer à 2,9 millions au mois de mars suivant ! Si l’éditeur de jeux doit retrouver le chemin de la rentabilité et de la crédibilité, il n’en demeure pas moins qu’il vient de quitter l’enfer du Nouveau Marché. Son cas ?” transformation de dettes en obligations ?” fera-t-il école ? Il faut l’espérer, et des événements récents permettent effectivement d’y croire. Les mécanos financiers viennent au secours des éclopés de la cote (Kalisto, Gemplus, Titus, etc.).

Le Nouveau Marché n’est pas encore sauvé

De là à penser que le Nouveau Marché est définitivement sauvé, il n’y a qu’un pas que Xavier Leroy, directeur des relations investisseurs d’Euronext, n’hésite pas à franchir. Pour lui, le Nouveau Marché “sera bénéficiaire en 2002”. Certes, le marché des valeurs de croissance a repris 60 % depuis son plus bas niveau de l’année, le 21 septembre dernier. Mais il ne faut pas oublier qu’il reste en repli d’autant depuis le début de l’année !Et, si l’on raisonne en terme de PER (rapport cours sur bénéfices), les actions du Nouveau Marché restent beaucoup moins chères que celles du CAC 40 : en moyenne 15 fois les bénéfices sur les valeurs du premier, contre 20 fois sur celles du CAC, prévoit-on pour 2002. Mais, il ne faut pas se bercer d’illusions : il n’y a pas beaucoup de banques prêtes à éteindre l’incendie du Nouveau Marché. Et encore, quand ces dernières en ont la volonté, leurs montages financiers adaptés au sauvetage des entreprises en difficulté doivent passer sous les fourches caudines de la COB (Commission des opérations de Bourse).C’est ce qui pénalise actuellement la société de biotechs Gemplus, qui attend depuis six mois le feu vert du gendarme des marchés pour réaliser en France la première “equity line”. Ce nouveau type d’opération, venu d’outre-Atlantique, permet à un investisseur institutionnel de souscrire à des augmentations de capital qui lui sont réservées sur plusieurs années et dont la fréquence et le montant sont déterminés par l’émetteur. L’avantage pour l’entreprise est de bénéficier à un rythme régulier d’un flux d’argent frais.Mais en attendant l’accord de l’institution de tutelle, les sociétés avides de capitaux ont recours aux traditionnels “obligations convertibles”. Ces titres séduisent les actionnaires parce qu’ils offrent un rendement de 1 à 5 % selon les émetteurs. Un plus qui est appréciable en période de turbulence boursière. Pourtant, là aussi, toutes les entreprises ne sont pas logées à la même enseigne.Les sociétés du CAC 40 ne sont pas contraintes d’offrir des rendements aussi alléchants que celles du Nouveau Marché. Ainsi, quand un Lafarge offre un “taux coupon” d’1,5 %, Ubi Soft (éditeur français de jeux vidéo) se voit contraint de proposer un rendement de 4,5 % pour lever 150 millions deuros. Même obligation pour Soitec, dont la santé est pourtant resplendissante. Dur de grandir !

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Jean-Pierre Savalle