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Les traducteurs automatiques ont fait long feu

La crédibilité des logiciels de traduction automatique, trop vite présentés comme surdoués, a fait long feu. Faibles en version et nuls en thème, ils ont fini…

La crédibilité des logiciels de traduction automatique, trop vite présentés comme surdoués, a fait long feu. Faibles en version et nuls en thème, ils ont fini d’inquiéter la communauté des traducteurs professionnels ?” et néanmoins humains ?”, qui prend plaisir à colporter la dernière bourde de ces machines à traduire.L’histoire de l’industrie du logiciel persiste à démontrer que les projets qui ont donné la priorité à la reproduction des mécanismes de la pensée ont toujours fait pschitt… A-t-on exigé des premiers logiciels comptables de fournir des recommandations financières avant même de savoir enregistrer et contrôler la balance d’une écriture ? Alors, pourquoi demander à un programme d’accéder à la capacité rédactionnelle avant de l’éduquer à reproduire une syntaxe correcte ?Les traducteurs automatiques ont pourtant été choyés : abondance de projets, d’ambitions et… de budgets. Et ce ne sont pas les technologies qui les ont freinés : l’augmentation vertigineuse de la capacité des matériels peut tout autoriser, ou presque. Mais doit-on exiger ?” et souhaiter ?” qu’un logiciel témoigne de qualités émotionnelles ou de références culturelles quand il peine à dépouiller les homonymes de leurs ambiguïtés ? Que la machine fasse donc son travail. L’analyse contextuelle ne se nourrit pas d’intelligence artificielle.Devant les résultats tragicomiques des traducteurs automatiques, la profession peut prétendre à une nouvelle justification de son art. D’un niveau culturel élevé, elle a depuis longtemps compris le parti qu’elle pouvait tirer de l’informatique. D’abord, en adoptant la bureautique et le courrier électronique. Ensuite, en demandant aux ordinateurs de se limiter à mémoriser, stocker et comparer des documents. Ainsi est née une nouvelle famille de logiciels : les mémoires de traduction. De notoriété quasi confidentielle, leur mission est de gérer des glossaires et de restituer des segments de textes déjà traduits. Le résultat est de qualité idéale, car elles renvoient la propre expertise des traducteurs.Elles ont l’avantage de s’auto-enrichir ?” donc de devenir de plus en plus performants ?” et sont des facteurs de productivité impressionnants : le “prétraduit” peut ainsi représenter de 20 à 70 % d’un texte. De quoi entretenir des marges que l’ouverture des marchés s’échine à grignoter. Comme le métier de l’expertise comptable, celui de la traduction va évoluer vers des fonctions à plus forte valeur ajoutée. L’intendance sera désormais assurée par des logiciels parfaitement stabilisés, tandis que l’analyse, la nuance et la nécessaire spécialisation des secteurs médicaux, scientifiques et techniques deviendront l’apanage de professionnels reconnus. Et l’on assistera sans doute à une réorganisation de la profession.Le jour où ces logiciels descendront sur le poste de travail des cadres, la traduction ordinaire sera assurée par des mémoires de traduction personnalisées. Et comme ils incitent à la lecture en parallèle d’un même texte en deux langues différentes, ils constitueront un remarquable exercice d’apprentissage subliminal des langues. De quoi donner raison aux traducteurs automatiques, qui nhésiteraient pas à traduire “mémoires de traduction” par “souvenirs de transcription”. Ce qui, pour cette fois, est proche du sens initial et “grammatical correctement” !

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Gérard Moyroud