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Les têtes pensantes de la net éco en souffrance

La plupart des cercles de réflexion liés à la nouvelle économie ont fermé boutique. Les survivants doivent s’adapter sans se renier.

On en recensait plus d’une vingtaine en mars 2001. Dix-huit mois plus tard, seuls quatre ou cinq sont encore en activité. La crise des start-up a fait imploser les multiples cercles de réflexion sur la nouvelle économie, clubs d’entrepreneurs et autres forums, qui avaient éclos à l’ombre de la bulle internet.Début 2001, le Club Digima compte ainsi une trentaine d’adhérents, persuadés que chaque Français disposera bientôt d’un accès haut débit. Le club se réunit deux fois par mois : on y jargonne BLR, ADSL et MPEG2. Parmi les membres fondateurs, des poids lourds, dont France Telecom ou Microsoft, et une myriade de start-up, telle Nouvo.com, un portail au contenu hyper sophistiqué. Ce sera le premier membre de Digima à faire faillite. Il sera suivi de toutes les start-up. “On s’est très vite retrouvé entre grandes entreprises, les autres membres se demandant s’ils auraient encore un boulot à la fin du mois. Plus personne ne payait ses cotisations”, se souvient un adhérent. Résultat : le secrétaire général n’est plus rémunéré, les locaux loués à Boulogne sont désertés et Digima doit mettre la clef sous la porte début 2002. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Les actes d’un colloque sur le haut débit organisé à Lille, mais surtout la tentative avortée d’établir une passerelle entre les grands groupes, détenteurs de tuyaux, et des électrons libres du contenu.L’aventure du Startnet-Forum est similaire. “Dès 1999, nous avions souligné les risques de la bulle financière dans une tribune publiée par “Les Echos”. En revanche, l’explosion de la création d’entreprise dans une France archaïque nous semblait essentielle”, souligne Loïc Tribot de La Spiere, actuel délégué général du Centre d’étude et de prospective stratégique (CEPS) et ex-coordinateur de ce forum, qui rassemblait les VIP de la nouvelle économie.En l’an 2000, le Startnet-Forum fonctionne comme un show professionnel à l’américaine. Tous les deux mois, une centaine d’e-cadres se réunissent simultanément à Paris et en province pour une soirée en visioconférence animée par le journaliste Alain Joannès. Experts et créateurs défilent, livrant prévisions de marchés et secrets de leur réussite. “Le problème, c’est que tous les acteurs que nous convions disparaissaient les uns après les autres”, observe Loïc Tribot de La Spiere. Le Startnet-Forum se dissout en décembre 2001, non sans avoir réussi à imposer la création d’une école internet à Bourges.À la même époque et pour les mêmes raisons, l’éphémère Club des jeunes dirigeants de l’internet sombre également. Il aura compté parmi ses membres une bonne partie des stars du net, de Joël Pallix (ex-Clust) à Eric Meyer (ex-Multimania), en passant par Laurent Sorbier, ex-Spray, ex-E-Auction Room, entré il y a quelques semaines au cabinet de Jean-Pierre Raffarin comme conseiller NTIC.Ces espaces de réflexion et d’échanges mêlent souvent “entreprenautes”, hauts fonctionnaires et hommes politiques. Côté start-up, on y voit l’occasion de peser sur la régulation qui s’ébauche ; côté politique, la possibilité d’offrir à son camp l’onction de la modernité. Ce fut le cas de Silicon Sentier. “Nous étions un mouvement d’orientation libéral, mais plutôt dans la mouvance de la gauche non militante”, analyse Alain Garnier, chief of technology d’Arisem, leader français du knowledge management (gestion des savoirs). Parmi les quatre fondateurs de Silicon Sentier, on retrouve Stéphane Boujnah, ex-conseiller de Dominique Strauss-Kahn, et Frédéric Pié, un proche de l’ancien président d’Air France, Christian Blanc. Regroupant les start-up du quartier du Sentier à Paris, Silicon Sentier tentera d’exister lors des municipales, en suggérant à Bertand Delanoë son slogan “Internet à tous les étages “. Mais pour Alain Garnier, cette agitation appartient déjà à l’Histoire. “À l’époque, la vie dans l’entreprise était différente. Je suis revenu à une conception plus classique : une entreprise, c’est une entreprise !”Tous les clubs survivant semblent s’être imposés ce même réalisme. Le célèbre Atelier de la Compagnie bancaire, devenu BNP-Paribas, est passé de la boîte à idées débridée au conseil dûment facturé. Le Club e-business, qui réunit toutes les grandes entreprises industrielles françaises, s’ouvre largement aux DSI. Et E-perspective, émanation d’IBM Global Services France, ne réserve plus sa table aux orateurs du secteur high-tech. “Les déjeuners-débats sont élargis aux entreprises traditionnelles”, précise Paul Boury, coordinateur du cercle. Prochains invités : Anne Lauvergeon, présidente d’Areva, et Jean Peyrelevade, président du Crédit lyonnais. Seul peut-être le Club.senat.fr reste fidèle à sa vocation d’origine. Né il y a quatre ans sous la présidence de Christian Poncelet, il poursuit sa mission de “mettre en relation des penseurs, des acteurs de la nouvelle économie et des hommes politiques, sans exclusive”, explique David Alphand, auteur d’un rapport sur la fracture numérique. Les sénateurs se frottent encore aux créateurs d’entreprise, ramenant dans leur région des projets pour leur technopole locale. Des patrons emblématiques, tels Martin Vial, président de La Poste, ou Pierre Danon, dirigeant de BT Europe, continuent d’y semer la bonne parole. Et commissions et sous-commissions du Club sortent toujours à un rythme industriel des rapports sur toutes les questions clefs de la nouvelle économie. La tradition a du bon.

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Jean-Jérôme Bertolus