La première lecture du projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle a commencé le 10 février, et s’est achevée hier soir, 12 février. Le texte vise à transposer en droit
national six directives et une décision européennes, familièrement appelées ‘ paquet télécoms ‘, adoptées au cours de l’année 2002.Les textes européens auraient dû être transposés dans le droit français au plus tard le 25 juillet 2003. La France est donc très en retard, d’autant que le projet de loi est prêt depuis le 31 juillet dernier. Une procédure
d’urgence a été décidée (la transposition par ordonnances du gouvernement a été abandonnée). Il n’y aura qu’une lecture à l’Assemblée et au Sénat (les 13, 14 et 15 avril), avant la mise en place éventuelle, si les deux chambres divergent, de
commissions mixtes paritaires. Tour d’horizon des conséquences de ce texte qui remodèle le monde des télécommunications et de l’audiovisuel, modifiant la loi de septembre 1986 sur la liberté de communication et le Code des postes et
télécommunications, qui devient Code des postes et communications électroniques.
Le CSA, entre l’ART et le Conseil de la concurrence
Le titre II de la loi est consacré aux modifications de la loi du 30 septembre 1986, sur la liberté de communication, et donc aux pouvoirs du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Celui-ci devient compétent sur la
‘ distribution des services de radio et de télévision par un réseau de communications électroniques ‘, en matière de normes ?” matériel comme de contenu ?” notamment pour la
protection de l’enfance ou de respect de la dignité humaine dans les programmes. Cette
évolution, déjà envisagée par le CSA lui-même mi-décembre, s’applique par exemple à la TV sur ADSL.Cependant, le CSA a deux à quatre mois pour se prononcer dans le cadre d’un règlement de litiges et, vu la brièveté de ce délai, sans pouvoir ordonner de mesures conservatoires. Il n’a pas non plus compétence en matière de litiges
commerciaux, réservés au Conseil de la concurrence. Ses pouvoirs sont également définis de manière à ne pas empiéter sur ceux de l’Autorité de régulation des télécommunications (ART).
L’ART est dotée de nouveaux pouvoirs…
Jusqu’ici, seul France Télécom était soumis à un contrôle sur ses tarifs. Il devait soumettre tout nouveau tarif à l’ART, qui transmettait ensuite son avis favorable ou défavorable au ministère de l’Economie, libre à lui de le suivre ou
non. Ce contrôle hybride a créé de nombreuses complications et polémiques. Le contexte réglementaire va sensiblement évoluer.L’ART déterminera quels sont les opérateurs dominants sur 18 marchés différents, et précisera les obligations qui leur incombent, notamment l’ouverture de leurs réseaux à d’autres prestataires, afin que la concurrence puisse
s’exercer. Conséquence possible : l’arrivée d’opérateurs mobiles virtuels, s’appuyant sur la location des réseaux existants pour proposer leurs propres services de téléphonie.Si la régulation du marché de gros est insuffisante pour l’établissement d’une concurrence, le régulateur peut alors intervenir sur le marché de détail. L’ART pourra s’opposer à la mise en place d’un tarif qui est soumis à son contrôle,
dès lors qu’elle le juge dangereux pour la concurrence.Les députés ont à cette occasion modifié un amendement glissé dans la Loi pour la confiance dans l’économie numérique (LEN), et qui prévoyait de soustraire au pouvoir de régulation de l’ART les ‘ services
innovants ‘. Suite au tollé provoqué par cette disposition floue et plutôt favorable à France Télécom, l’Assemblée nationale a réécrit l’article. Seuls les ‘ services technologiquement
innovants ‘, définis par un décret, sont en fait soustraits à toute forme de régulation. Les nouveaux tarifs de France Télécom continueront donc bien à être contrôlés, tant que l’opérateur historique domine.Autre mesure phare : le régulateur se voit doté de nouveaux pouvoirs d’enquête, qui peuvent aller jusqu’à une intervention dans les locaux des opérateurs et de nouveaux pouvoirs de sanction (mesures conservatoires) ou de règlement
des différends.
… mais discrétion est demandée à ses membres
Avec l’article 14 de la loi, le gouvernement s’autorise un rappel à l’ordre : ‘ Ils [les membres de l’ART, NDLR] sont tenus à l’obligation de discrétion en ce qui concerne les
procédures conduites par ou devant l’autorité et les délibérations. ‘ Cette modalité reproduit ce qui est déjà imposé aux membres du Conseil constitutionnel, par exemple. ‘ Des affaires récentes
montrent l’intérêt de prévenir ainsi certaines dérives ‘, a justifié Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.
Gratuité assurée pour des numéros spéciaux à définir
Comme prévu, un amendement inclut la gratuité pour les appels vers des numéros de services sociaux, qu’ils soient passés depuis un téléphone fixe ou depuis un mobile. Mais tous les services sociaux ne seront pas concernés d’office,
‘ car les partenaires sociaux doivent rester libres de ne pas entrer dans ce dispositif ‘, a argumenté en séance la ministre déléguée à l’Industrie, Nicole Fontaine. C’est l’ART qui devra décider. Et
ce, dans les six mois suivant la promulgation de la loi.Un amendement voté lors de la LEN demandait que les prix des appels vers les numéros téléphoniques de forme 08xx soient identiques depuis un fixe ou un mobile. La disposition ici votée est donc plus restrictive.
La facturation à la seconde devient facultative
Pour le député UMP Patrice Martin-Lalande, prendre la seconde comme seule unité de mesure tarifaire, comme le prévoit la
LEN, pose problème. Un mode unique de facturation serait en effet imposé. Après discussions entre les opérateurs et la ministre déléguée, un amendement vient donc tempérer cela. Il
stipule que ‘ tout consommateur peut, lors de la souscription d’un service de télécommunication, opter pour une offre dont les communications métropolitaines de téléphonie vocales commutées sont facturées à la seconde, dès la
première seconde, hors éventuellement un coût fixe de connexion ‘.Pour que l’abonné puisse avoir le choix, les opérateurs sont autorisés à maintenir leurs autres modèles tarifaires. Toute la subtilité reposant sur le ‘ coût fixe de connexion ‘, qui peut
très bien compenser le manque à gagner, voire s’avérer dissuasif pour certains abonnés peu consommateurs. Ces dispositions s’appliquent également aux détenteurs de cartes prépayées.
Les mobiles ont droit à l’annuaire
L’article 9 ouvre l’annuaire aux numéros de téléphones mobiles. Mais les détenteurs n’y figureront pas automatiquement. Ils doivent pour cela ‘ exprimer leur consentement préalable ‘.
Début août, un
décret fixait déjà les modalités de constitution de l’annuaire universel.
Une licence télécoms en quasi libre-service
Le texte de loi supprime, en matière de licence télécoms, les autorisations individuelles jusque là exigées pour l’établissement des réseaux ouverts au public, la fourniture du service téléphonique au public ou l’établissement des
réseaux câblés. Les autorisations sont remplacées par une simple procédure de déclaration auprès de l’ART, selon l’article L.33-1 du Code des postes et communications électroniques (selon sa nouvelle appellation). Pour les réseaux privés
indépendants, le texte établit un régime de liberté.
Une harmonisation juridique des réseaux
Pour tenir compte du ‘ rapprochement entre télécommunications et audiovisuel ‘, l’article L.32 du Code des postes et télécommunications électroniques introduit une définition qui regroupe
l’ensemble des réseaux de télécommunications fixes ou mobiles, réseaux câblés, réseaux de diffusion hertzienne terrestre ou par satellite, regroupés sous l’appellation de ‘ réseaux de communications électroniques
‘ (les services fournis sur ces réseaux restent soumis à des régimes distincts).
La responsabilité des hébergeurs quitte le ‘ paquet télécom ‘
Pour rattraper les exagérations de la Loi pour la confiance dans l’économique numérique, qui doit encore être débattue au Sénat début avril, Patrice Martin-Lalande avait proposé un amendement revenant sur la responsabilité des
hébergeurs en matière de contenus illicites. Il proposait explicitement d’écarter ‘ toute obligation de filtrage généralisé ‘.L’amendement a finalement été rejeté, pour des raisons de fond comme de forme : dans le ‘ paquet télécoms ‘, il est tout simplement hors sujet. ‘ En revanche, a tenu à
préciser Nicole Fontaine, quand le débat aura mûri, il aura toute sa place dans la deuxième lecture du projet sur léconomie numérique ‘.
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