Redonner confiance au consommateur. L’idée touche autant les produits que les moyens mis en ?”uvre par l’industrie agroalimentaire, les transports et la distribution. OGM, listéria, dioxine, vache folle… L’impact de ces crises est lourd à porter par l’ensemble de ces filières. Car le consommateur a changé : il réclame désormais un certain confort, des conseils et des produits de qualité. “Les grands distributeurs et les franchisés classiques feront donc appel à toutes les nouvelles technologies de l’information qui leur permettront de proposer des services, de la sécurité et de la qualité à leurs clients, et d’assurer ainsi la meilleure gestion des surfaces de vente”, prédit Bernard Théobald, délégué général de Perifem, l’association technique du commerce.
Des expériences encore limitées
La prochaine révolution dans la distribution viendra donc du produit lui-même, de sa traçabilité. A ce titre, tout ce qui améliorera l’information du consommateur sur les ingrédients, les conditions de fabrication, de stockage, de transport et d’horodatage devient prioritaire. C’est donc tout naturellement dans cette voie que les grands distributeurs pensent s’engouffrer. Tous ont en mémoire les dizaines de milliers de canettes de Coca-Cola qui, en juin 1999, avaient dû être retirées précipitamment des linéaires français à cause de la pollution accidentelle d’un seul lot ?” non tracé de manière ascendante ?” de cette boisson. Une opération coûteuse en termes de gestion des stocks et, surtout, très dommageable sur le plan de l’image de marque. A l’époque, tous les distributeurs, majors en tête, avaient obéit à la consigne avec zèle et rapidité pour faire bonne figure. D’autres incidents, sur les fromages, les rillettes ou des viandes impropres, se sont succédés. Mais attention, prévient Philippe Naouri, directeur de la traçabilité chez Tracing Server, “la traçabilité c’est aussi et surtout un moyen de contrôler la qualité et l’origine des produits”. Mais pour atteindre cet objectif d’une vraie traçabilité des produits, les intérêts des industriels de l’agroalimentaire, des transporteurs et des distributeurs sont intiment liés. Ce n’est donc pas un mystère s’ils travaillent ensemble sur ce terrain, associés à des constructeurs, des éditeurs et des SSII technologiques.Plusieurs technologies sont au point, mais elles ne fonctionnent que pour des lots ?” pas pour les produits en vrac ?” et des filières organisées. C’est là que le bât blesse. Les premières réalisations ont, en effet, été portées par des industriels qui maîtrisent leur filière. Depuis plus de deux ans, le canadien McCain, s’est doté d’un progiciel de gestion intégré (PGI) permettant de suivre chaque palette de ses frites surgelées. Son outil, PRMS de Computer Associates, assure les échanges avec les partenaires, en amont les producteurs, et en aval les logisticiens et la grande distribution, via un module EDI à la norme Edifact. Plus récemment, c’est le même modèle que Bahier a mis en place pour gérer sa production de rillettes, avec le progiciel Protean de Wonderware, cette fois. Mais ces applications restent isolées, et surtout limitées.L’étape suivante serait de constituer une base de données partagée, accessible à distance. Plusieurs prestataires s’y essayent, comme EGC Logigroup ou Challenge Technologies pour les PME-PMI, Agro Marchés Internationaux pour la filière poisson ou encore Quantix pour la filière céréalière. Le plus avancé dans ce domaine est Tracing Server, spécialiste de la traçabilité du transport (pour La poste ou Jet Services) qui se veut plus générique. La plate-forme d’infomédiation qu’il propose est accessible via une application hébergée accessible sur internet. “Nous avons breveté notre mode opératoire, insiste Philippe Naouri. Ceci afin qu’il n’y ait pas de rupture d’information entre ceux qui fournissent et ceux qui collectent les données”.
Le produit porteur de ses propres informations
Car, pour être vraiment sécurisée, toute traçabilité devra passer par un tiers de confiance. Le système est au point, mais encore peu l’utilisent. Pour être réellement opérationnel, il faut en effet que les filières de production et de logistique réorganisent leur mode de gestion. Chacun des acteurs doit pouvoir saisir les données des lots au fur et à mesure de leur traitement. Si c’était le cas, chacun d’eux ?” et même, théoriquement, le consommateur en magasin ou chez lui sur internet ?” pourrait connaître la fiche d’identité complète du produit. Seule la filière des pommes de terre et celle de la poissonnerie d’Intermarché ont réussi à s’organiser dans ce sens. La première bénéficie d’une recommandation Afnor sur la traçabilité. La seconde y est parvenue car l’enseigne est aussi le premier pêcheur français. Du coup, avant la fin de cette année, Intermarché installera, dans ses poissonneries, des bornes de lecture qui donneront accès, via internet, à l’étiquette sur l’origine et les conditions dans lesquelles les produits de la mer ont été traités et acheminés. A terme, le consommateur pourra y accéder depuis son ordinateur personnel.“Mais la véritable révolution aura lieu quand la puce radio émettrice remplacera le code à barres”, prévoit Bernard Théobald. Outre son atout pour accélérer la sortie de caisse, cette puce permettra aussi d’enregistrer une multitude d’informations sur le produit. Certaines données seront réinscriptibles, d’autres non. Dès la fabrication d’un produit, l’industriel pourra y inscrire des données sur ses composants, la recette, son élaboration, sa conservation. Au fur et à mesure, des informations sur son stockage, son transport et sa distribution, seront rajoutées. Mais à 1 euro pièce, et en attendant une norme d’homogénéisation des fréquences, ces puces sont encore réservées à la gestion privée de palettes entières ou des produits à forte valeur ajoutée. Casino, pour ses propres besoins de gestion, utilise un tel système afin de limiter les stocks et de travailler en flux tendus. Outre Pyrénées, certains jambons espagnols sont dotés d’une puce. Mais l’objectif d’en doter tous les produits ne devrait pas être atteint avant plusieurs années. Beaucoup d’industriels y travaillent : les fabricants de puce, Gemplus ou Texas Instrument, les spécialistes de la lecture, Nedap, Sensomatic ou CheckPoint, l’association Gencod, les distributeurs, les industriels, même les fabricants de mobilier de distribution.
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