En période de croissance, les Américains ont tendance à oublier les implacables cycles économiques ou à en reformuler les théories. Ainsi, des ouvrages parus en pleine euphorie annonçaient un “Dow Jones à 36 000 points” ou un “Long Boom” promettant cent ans de croissance ininterrompue. Mais dès que les choses tournent au vinaigre, ils se raccrochent aux bons vieux cycles pour se régénérer. Dans la mesure où ils se préparent à la reprise dès le début d’une crise, les acteurs économiques se mettent en position de redémarrer rapidement. Avec, d’abord, une répercussion immédiate dans le domaine de l’emploi.La palme des dégraissages brutaux revient à ces patrons de dot-com qui, au plus fort de la crise, ont averti par e-mail leurs collaborateurs ou les membres du personnel qu’ils étaient mis à la porte… Surtout pas de contact humain. C’est par courrier express que, cinq jours avant Noël 2000, à peine revenu de sa lune de miel à Hawaï, Patrick Mannion, alors employé d’Organic, une société de conseil internet sise à San Francisco, a été informé de son licenciement… Le 14 février 2001, Collaborative Media licenciait 101 employés sans leur verser d’indemnité ni même leur payer leurs huit derniers jours de travail. Une façon comme une autre de fêter la Saint-Valentin.Dans de nombreuses entreprises, aussitôt après avoir informé les intéressés qu’ils font partie de la prochaine charrette, on les fait chaperonner par des agents de sécurité. Histoire de surveiller qu’ils se contentent de ramasser leurs affaires et d’éteindre leur ordinateur avant de prendre la porte en passant par la comptabilité, où un chèque les attend. Tous les codes d’accès, aux PC comme aux portes d’entrée, sont aussitôt changés. Le préavis est presque une exception.
Cherche salarié à licencier
Sur le fond, l’essentiel du problème est affaire de chiffres. Les plus récents sont à la fois encourageants et dramatiques. À l’échelle nationale, février a été le mois le moins difficile depuis avril 2000 : 670 licenciements, contre 1 802 en janvier, selon Challenger, Gray & Christmas. Un an auparavant, sur le même mois, le cabinet enregistrait 11 000 licenciements dans les sociétés internet. Au total, ce sont 144 000 emplois qui ont été supprimés depuis décembre 1999. Au point qu’à San Francisco, on en vient parfois à se demander s’il reste encore quelqu’un à licencier. “Les rangs des dot-com ont été décimés et, maintenant, il n’y a aucun indice que nous allons voir un redémarrage de l’emploi, explique-t-on chez Challenger, Gray & Christmas. Mais les compagnies qui ont survécu à l’effondrement le doivent au fait qu’elles ont coupé jusqu’à l’os.”Dans cette culture où il est bienvenu de professer que “seuls les plus aptes survivent”, l’autre aspect de la grande lessive reste l’élimination pure et simple des entreprises en difficulté. Ce n’est sans doute pas un hasard si leur nombre suit la même courbe que celle des licenciements. Le cabinet de conseil Webmergers estime qu’en janvier 2002, le nombre de faillites ou de fermetures de sociétés high-tech a atteint son plancher depuis août 2000 (19 et 10, respectivement), le record ayant été atteint en mai 2001 (64). Au total, entre janvier 2000 et janvier 2002, 788 sociétés du secteur informatique-internet ont mis la clé sous la porte.
Dégraisser de bon c?”ur
Qu’il s’agisse de licenciements ou de faillites, si l’on prend comme référence la chute de Wall Street en mars 2000, on est frappé par la rage et par la rapidité avec laquelle on a “coupé jusqu’à l’os”. Et puisque, selon l’économiste autrichien Joseph Schumpeter, la “destruction créatrice” est la principale caractéristique du capitalisme, autant y aller de bon c?”ur. Seule l’efficacité compte. L’optimisme affiché dans la Valley, alors que les perspectives de reprise sont encore modestes, doit beaucoup à cette attitude.
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