Après l’informatique, c’est au tour des fonctions administratives de céder aux sirènes de l’externalisation. Sans être vraiment nouveau, ce type d’externalisation, baptisé BPO (Business Process
Outsourcing), prend de l’ampleur en Europe. Selon le cabinet Forrester Research, le marché avoisine les 11 milliards d’euros en 2006 sur le Vieux Continent. Les segments finance-comptabilité et ressources humaines sont
parmi les plus dynamiques, avec des croissances à deux chiffres. Conscients de cela, des prestataires informatiques se positionnent sur ce créneau.Opportunisme ou réelle stratégie ? En tout cas, depuis trois ans, Capgemini a largement investi dans ce domaine. Pour l’instant, la SSII s’est surtout focalisée sur l’externalisation des services financiers
?” comptabilité fournisseur, client, générale, etc. ?” où la concurrence est moins rude. Mais la société propose aussi des services d’externalisation pour les achats, les ressources humaines et la réalisation de
publications techniques. ‘ Nous avons choisi d’investir dans le BPO en finance et comptabilité, car c’est un marché encore émergent. Les acteurs n’y sont pas pléthore comme dans les centres d’appel.
Et il n’y existe pas de leader bien installé, tel ADP dans la gestion de la paie ‘, explique Hubert Giraud, responsable de l’offre BPO de Capgemini. Ce nouveau credo est aussi, pour la SSII, une réponse aux
acteurs indiens,qui, après les services informatiques, lorgnent ce marché. Infosys, Tata, Wipro, ou Genpact frappent ainsi à la porte de l’Europe, et commencent à se positionner sur les gros appels d’offres.La solution d’externalisation financière de Capgemini s’appuie sur des centres de services mutualisés et délocalisés. La Pologne ?” plus précisément la ville de Cracovie ?” sert de plate-forme pour
les clients européens du groupe. Une localité choisie notamment pour ses jeunes diplômés maîtrisant en général les langues étrangères. Preuve de la montée en puissance de la SSII : le centre de Cracovie devrait compter 1 300 salariés
d’ici à la fin de l’année, contre 180 trois ans plus tôt. Selon la direction, la part des services d’externalisation métier devrait ainsi augmenter d’un point par semestre (environ 15 % des revenus du groupe
actuellement).
Quelques mégacontrats
Paradoxalement, Capgemini ne gère pas la maintenance ou l’évolution des applications de comptabilité-finance de ses clients. ‘ Les processus sont trop particuliers selon les pays ‘,
juge Hubert Giraud. Pour l’instant, la société s’appuie surtout sur le concept de ‘ labor arbitrage ‘ : proposer un service meilleur marché grâce aux économies réalisées en employant une
main-d’?”uvre à bas coût. Dans son centre de Cracovie, des diplômés ?” en général d’un très bon niveau (niveau bac +5) ?” effectuent des tâches administratives comme la vérification de la concordance entre
les factures (clients et fournisseurs), les commandes, et les paiements pour des grands comptes localisés en Europe de l’Ouest. ‘ Typiquement le genre de tâches dont l’entreprise veut se
débarrasser ‘, observe Dominique Raviart, consultant chez Ovum.La stratégie de Capgemini est tout sauf originale. Depuis quelques années, des SSII comme IBM et Accenture, ou, à un degré moindre, CSC, ont fait du BPO leur fonds de commerce. Les deux premières ont d’ailleurs hérité, cette
année, des ‘ mégacontrats ‘ européens de transfert d’activité décernés par la société Unilever. Le spécialiste de l’agroalimentaire et de l’hygiène a confié ses services financiers et comptables pour
l’Europe à IBM pour une période de sept ans. Avec, au passage, 750 emplois déplacés vers le prestataire. Accenture a, lui, hérité du volet ressources humaines. Dans ce domaine, la SSII américaine détient un autre contrat phare avec BT,
renouvelé en 2005 pour une valeur de 575 millions de dollars sur dix ans.Accenture est d’ailleurs l’un des acteurs historiques du ‘ BPO financier ‘ : la société de services a signé l’un des contrats fondateurs en reprenant en 1991 une partie des activités
de comptabilité de BP (320 personnes transférées). Elle emploie désormais 6 000 salariés dans ce domaine, et compte une quarantaine de clients dans le monde. Elle a aussi largement développé l’externalisation des RH
(3 500 employés).
Le marché n’a pas véritablement décollé en France
Selon le cabinet Forrester Research, l’externalisation des RH est le marché le plus volumineux en Europe. Ce n’est cependant pas le plus mature. ‘ Beaucoup d’entreprises ont d’ores et
déjà confié des processus très précis à des prestataires. C’est donc un marché à l’origine très morcelé, et en pleine consolidation ‘, juge Fabrice Dersy, responsable outsourcing chez Accenture. Mais de grands
contrats couvrant l’ensemble du périmètre d’une fonction émergent depuis quelques années. Ils associent généralement la transformation des processus et celle de l’informatique sous-jacente. ‘ La mise en
place du volet RH des PGI est l’un des leviers de croissance ‘, observe Fabrice Dersy.Ces acteurs du service ne font pas fortune en France. L’Hexagone devrait certes afficher l’une des plus fortes croissances (+11,5 %) en Europe les cinq prochaines années. Mais la taille du marché
?” 1,5 milliard d’euros en 2006 ?” reste décevante. Capgemini n’a aucun contrat avec une entreprise française quand Accenture ne compte que quelques clients tels Rhodia ou Thomson dans le domaine de la
finance et comptabilité. ‘ Sauf lorsqu’elles sont en difficulté financière, les entreprises françaises estiment que le jeu n’en vaut pas la chandelle. Et elles ne veulent pas risquer de mouvements
sociaux ‘, observe Dominique Raviart. Mais les choses pourraient changer avec les nombreux départs d’agents administratifs à la retraite dus au ‘ papy-boom ‘. L’assureur AXA a ainsi
brisé un tabou en annonçant, en septembre dernier, la délocalisation de 1 500 emplois administratifs (sans licenciements) d’ici à 2012 au Maroc. Pour l’heure, le BPO en France se matérialise surtout par des services de
traitement (chèques de feuilles de paie ou de points de fidélité…).
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