Votre profil nous intéresse vraiment, mais nous n’avons pas de mission actuellement… Nous vous rappellerons.” Voilà, en substance, ce que les candidats à l’embauche se voient répondre par leurs interlocuteurs recruteurs des SSII depuis quelques mois. Et cette petite phrase assassine tombe généralement au bout d’un long parcours du combattant.“Depuis novembre dernier, j’ai passé de nombreux entretiens en SSII ?” souvent deux, voire davantage. Et, chaque fois, j’ai reçu la même réponse.” Diplômé en 2001 de l’Université technologique de Compiègne, José Castellon s’est ainsi vu convoqué par une vingtaine de SSII, sans succès. Un mauvais candidat ? “A partir du moment où j’ai arrêté mes recherches en SSII, j’ai eu des propositions réalistes.” Après trois mois de tentatives infructueuses, il a ainsi trouvé sa place dans une entreprise utilisatrice. Tout simplement grâce aux annonces de l’ANPE. L’abondance de témoignages relatant la même histoire ne laisse aucun doute.
Les jeunes diplômés sont les premiers touchés
“Nous avons toujours fonctionné ainsi : nous rencontrons les candidats, faisons connaissance et voyons dans quelle mesure nos intérêts peuvent converger. Mais les choses peuvent très bien se concrétiser plusieurs mois plus tard. Je ne vois pas en quoi cela peut les gêner !” s’étonne Jean-Michel Martin, directeur général d’Altran. Ce mode de fonctionnement s’est, en tout cas, généralisé : les véritables embauches sont rares, mais les SSII renouvellent sans cesse leur vivier de compétences. Réserve de bons profils, qu’elles contacteront dès que les affaires reprendront.Les observateurs ?” cabinets de recrutement, places de marché spécialisées ?” le confirment. “Les SSII veulent se tenir prêtes en cas de redémarrage. Elles effectuent l’ensemble du processus de recrutement sur de bons candidats, mais elles ne concluent pas”, indique ainsi Gérard Rellier, PDG du site de recrutement ITProSelection.com. “Au moindre écart de marché, les SSII réagissent à court terme par des coups de frein ou des accélérations excessifs”, déplore Bruno Carrias, directeur du développement chez Sopra.Chargé des relations entreprises-écoles à l’Epita, Laurent Trebulle précise : “Les grandes SSII recrutent pour remplacer les partants. Mais les structures petites ou moyennes sont totalement absentes de nos forums pour jeunes diplômés.” Particulièrement touchés, ces derniers subissent de plein fouet les effets du ralentissement général sur un marché de prestataires qui “recherchent davantage de confirmés pour satisfaire la demande des clients d’une expertise prononcée”, confirme Elsa Trinchero, DRH de Sogeti. Si cette tendance est quasi unanime dans le secteur, quelques exceptions subsistent : “Nous pourrions ne recruter que des confirmés, car ils sont opérationnels tout de suite. Mais ce serait dangereux, car nos équipes perdraient en dynamisme”, poursuit-elle.Un marché en panne, des jeunes sur la touche… Les candidatures affluent : environ six mille CV sont traités par mois en moyenne chez Euriware ?”“Quatre fois plus que l’an dernier”, selon Laurent Delcroix, son DRH ?”, environ quatre mille chez Atos Intégration, et mille chez Sogeti… Les chargés de recrutement n’ont que l’embarras du choix. “Nous observons deux flux inverses : d’un côté, il y a davantage de gens sur le marché de l’emploi. Mais, de l’autre, les profils de très bonne qualité hésitent à quitter leur poste actuel. Les bonnes candidatures demeurent donc toujours difficiles à atteindre”, tempère cependant Jacques Benamor, DRH de CSC.Et, comme dans les années passées, les grands prestataires sont en quête de profils identiques : “Nous voulons tous les mêmes ?” par exemple, les bons chefs de projet ayant au moins deux ans d’expérience”, indique Anne Bitz, en charge du recrutement de cadres confirmés chez IBM GS. Du coup, les DRH déplorent une “baisse de qualité des candidatures et, surtout, une mauvaise adéquation des profils avec nos besoins “, indique Joan Chamary, DRH d’Atos Intégration.
La cooptation connaît son heure de gloire
De part et d’autre, le processus de recrutement s’avère donc plus sélectif. “Le niveau et la qualité de notre recrutement ont augmenté. Nous sommes beaucoup plus sélectifs quant au niveau de formation et, surtout, sur la personnalité de nos nouvelles recrues”, indique ainsi Bruno Carrias (Sopra). De l’autre côté, les candidats se montrent plus réticents à quitter leur job actuel : “Ils sont plus exigeants. Avant, ils disaient : si je me trompe, je rebondirai. Aujourd’hui, ils sont plus sélectifs”, constate Joan Chamary (Atos Intégration). Grandes écoles triées sur le volet, double compétence “métier et SI ou bien SI et outsourcing” chez CSC, par exemple… Seuls quelques heureux élus décrochent un nouvel emploi.Et pour arriver en bonne place dans cette compétition exacerbée, les candidats ne lésinent pas sur les moyens : ils déposent leurs CV sur tous les sites possibles ?” en candidature spontanée ou en réponse aux annonces ?”, démarchent les cabinets de recrutement ou reprennent contact avec les associations d’anciens élèves… Reste que le moyen le plus sûr de se voir convoquer par une SSII s’appelle pudiquement aujourd’hui la cooptation. “Plus de 80 % de nos collaborateurs déclarent qu’ils recommanderaient volontiers à leur meilleur ami de postuler chez nous”, indique Carole Mignard Bourgeois, DRH d’EADS Matra Datavision. Bien que largement éprouvé, ce canal connaît actuellement ses heures de gloire : de 25 à 30 % des candidatures examinées chez Euriware ou Sogeti, 15 % chez CSC, entre 20 et 40 % chez EADS ! Tous les DRH apprécient particulièrement la qualité des candidats recommandés par un collaborateur.Une fois passée la barrière du tri des CV, rien de nouveau dans le processus de recrutement. D’un côté, l’évaluation des jeunes ayant moins de deux ans d’expérience fait souvent l’objet de méthodes industrielles : sessions collectives, nombreux tests, entretiens à la chaîne… Le tout se soldant par un taux très bas d’embauche réelle. De l’autre, la sélection des profils confirmés suit le chemin des traditionnels entretiens, avec, d’une part, les chargés de recrutement et, de l’autre, les opérationnels. En revanche, les délais s’allongent. “Le processus n’a pas varié, mais il prend un peu plus de temps. Entre le premier entretien et la proposition, il s’écoule environ deux à trois semaines, contre une semaine environ l’an dernier”, indique Jacques Benamor (CSC).La pression retombée, les services recrutement peuvent ainsi souffler. “Ces dernières années, il fallait absolument être créatif. Aujourd’hui, avec le ralentissement du recrutement et l’afflux des CV, nous avons moins de difficultés. Mais lorsque le marché reprendra, il faudra encore se creuser la tête pour trouver de nouvelles idées originales !” sourit Joan Chamary (Atos Intégration). Inutile de se leurrer : DRH et directions des SSII ne voient pas l’horizon s’éclaircir pour les mois à venir.Reste que, à moyen terme, certains affichent leur optimisme : “Nous vivons une phase de transition. Le marché des prestations informatiques se recompose, et l’on observe une plus grande propension des entreprises à sous-traiter dans le cadre de véritables partenariats avec les SSII. Un peu comme dans l’automobile. Notre rôle est en train d’évoluer.” Une reprise du business qui déclenchera sans nul doute la reprise des embauches.
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