“Le retour sur investissement sera le moteur des nouvelles méthodes de vente sur internet” , prédit Fabrice Prugnaud, directeur général de Blue Martini France. Ces propos illustrent le profond changement intervenu dans la net économie. Les entreprises ne se contentent plus des “success stories” pour s’équiper. Les discours sur le dynamisme et les parts de marché facilement gagnées ont laissé place aux arguments financiers. Combien va me coûter mon site web ? Combien va-t-il me faire gagner ou économiser ? Telles sont les questions précises auxquelles ne coupent plus les éditeurs internet.Les fournisseurs d’outils de gestion de contenu et de commerce électronique ont réagi d’autant plus vite aux nouvelles attentes des entreprises que leur propre équilibre économique était menacé. Désormais, tous s’engagent à calculer le retour sur investissement des projets de leurs clients, et les équipes commerciales vantent la rentabilité des logiciels à partir d’études chiffrées.Les classiques présentations Powerpoint cèdent la place aux feuilles de calcul Excel, nouveau sésame des commerciaux. Les formules de rentabilité qu’elles abritent cachent toutefois un niveau de maturité et d’ambition qui varie considérablement d’un éditeur à l’autre. Les solutions les plus rigoureuses associent l’expertise interne des éditeurs à celle des professionnels du conseil.Interworld s’est ainsi appuyé sur Deloitte & Touche pour développer son outil ROI Estimator. De son côté, Broadvision a fait appel au spécialiste de la comparaison de performances Surgency (le nouveau nom de Benchmarking Partners) et à McKinsey pour mettre au point son programme SVP. Ce cabinet a, par ailleurs, aidé l’éditeur de One-to-One à récolter des données chiffrées chez quelque quatre cents grands utilisateurs de logiciels internet.Plutôt que de se faire épauler par des spécialistes, certains éditeurs ont choisi de s’appuyer uniquement sur des études réalisées chez leurs clients. La diversité du panel constitue alors un premier écueil. Quand un éditeur comme Vignette compte plus d’un millier de références, l’échantillon est suffisamment large pour en tirer des enseignements. Difficile, en revanche, d’accorder du crédit à un outil de calcul fondé sur l’expérience de quelques dizaines de clients. C’est surtout dans leur implication ?” plus ou moins en amont dans le projet ?” que les différences les plus fortes se font sentir. Certains fournisseurs interviennent, très tôt dans l’élaboration du projet.
Aider les entreprises à formaliser leur projet
Ainsi, Broadvision cherche à aider l’entreprise à mieux cerner ses objectifs, dès la définition du projet. Dans sa méthodologie, la première rencontre ?” d’une demi-journée ?” réunit les consultants de l’éditeur avec des représentants de l’entreprise issus des directions générales, informatiques, marketing et fonctionnelles. “Nous sommes régulièrement surpris par le décalage entre les discours des différents responsables”, note Mona Audi, responsable du groupe Services stratégiques. C’est vrai même pour les grands comptes, qui n’ont pas nécessairement formalisé leurs projets internet. A ce stade, la discussion n’est pas technique, mais uniquement d’ordre économique. En intervenant plus en aval, une fois le projet défini, l’éditeur risque d’identifier moins clairement les objectifs stratégiques de l’entreprise.Une autre distinction classe, d’un côté, les fournisseurs de solutions ?” Broadvision, Vignette, ATG, Blue Martini…?” et, de l’autre, les éditeurs de briques d’infrastructure. Seuls les premiers déclinent systématiquement leur calcul de retour sur investissement en fonction du secteur d’activité. Chaque métier a ses spécificités ?” dérégulation dans les télécoms, concentration dans la finance, etc. Elles inciteront les entreprises à davantage mettre l’accent sur tel critère.
Des revenus indirects difficiles à quantifier
Les éditeurs spécialisés dans la gestion de contenu internet, tel Interwoven, ont une approche plus horizontale. Leurs outils sont moins “impactés” par les métiers de leurs clients. En outre, ils se focalisent presque exclusivement sur les économies réalisées par leurs logiciels. Elles sont, en effet, plus faciles à quantifier que les revenus supplémentaires, souvent indirects. La mise en place d’un logiciel de gestion de contenu permet de diminuer le nombre de postes affecté à la maintenance et à l’alimentation d’un site web. Ce sont des données financières qui se récupèrent aisément. Il est, en revanche, autrement plus difficile d’évaluer les gains résultant d’une information produite plus rapidement et rendue plus fiable grâce à la validation d’un processus de gestion de flux.Cette évaluation est pourtant essentielle lors d’une véritable mesure du retour sur investissement. Le modèle choisi par l’éditeur hollandais Tridion traduit cette difficulté. Il prend en compte les coûts de l’investissement, du développement, de la mise à jour de l’information et de la traduction. L’analyse du retour sur investissement conclut que, au bout d’un à deux ans, une solution basée sur un progiciel est préférable à une autre, fondée sur le développement d’un site web. Cette démonstration chiffrée suppose toutefois que l’entreprise renseigne de nombreux champs. Et donc, qu’elle maîtrise ses dépenses pour connaître, par exemple, le coût de la mise à jour d’une information.
Évaluer en continu l’intérêt de la solution
Les outils de calcul de retour sur investissement qu’ont développés les éditeurs ne servent pas uniquement à convaincre les directions générales et financières lors de la phase de vente. Ils sont aussi destinés à être alimentés, de manière régulière, par les logiciels eux-mêmes.Vignette vient ainsi de doter la dernière version de son logiciel de vingt-six rapports supplémentaires, censés participer à la mesure du retour sur investissement en récapitulant l’activité du site. A partir des données récoltées, l’éditeur cherche à dégager de grandes tendances. Les clients de Vignette avancent, parmi les principaux avantages, l’augmentation de leur satisfaction (33 %) et de la productivité (27 %), la diminution des coûts (?” 29 %) et, de manière plus marginale, l’accroissement des revenus (5 %).Blue Martini pousse encore plus loin la logique. Confiant dans les capacités d’analyse de son logiciel, il propose à ses clients un modèle de tarification prenant en compte les gains associés au site web. “Le client paie une licence de base, puis un complément en fonction de la croissance effective” , explique son directeur général France. Cela suppose des outils pour mesurer la croissance réelle de l’activité liée au site web.Ce modèle tarifaire, inspiré de ce que propose i2, le spécialiste de la gestion de la chaîne logistique, semble plus logique quune facturation à la puissance du processeur ou au nombre de clients. Les autres éditeurs ne sont toutefois guère tentés. Ils oscillent entre le non ferme et le “on verra” réservé. Audacieux, mais pas téméraires.
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