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Les services, un lien indispensable entre le logiciel libre et l’entreprise

Des sociétés spécialisées apportent aux entreprises utilisatrices de logiciels libres les services associés qui sont d’habitude fournis par les éditeurs traditionnels.

Conseils généraux, mairies, ministères, depuis une année environ, le service public stimule le marché du logiciel libre. Le monde scientifique l’avait précédé et l’industrie emboîte doucement le pas. Oui, mais voilà. Dans le monde du logiciel libre, point d’éditeur vers lequel se tourner pour assurer l’installation, la maintenance ou même la formation. Alors la demande qui se crée sur ce nouveau marché se tourne logiquement vers des prestataires. Les grandes SSII hésitent encore, même si, très logiquement, IBM Global Services ou encore Cap Gemini Ernst & Young se sont déjà lancés dans l’aventure. La réponse se situe en fait principalement du côté de petits spécialistes qui se sont créés dans les deux dernières années, avec les frémissements du marché, même si certains ont du mal à perdurer.

Un monde obscur aux sociétés utilisatrices

Idealx, Linagora, Opencare, Atrid, Alcôve : autant de petites structures souvent montées par des spécialistes du logiciel libre pour proposer des services de formation, de développement ou d’assistance de premier niveau. “Dans le monde des logiciels non libres, l’éditeur construit le logiciel, puis il le distribue et y associe des services de maintenance, de formation, etc., explique Lucien Petit, PDG d’Alcôve. Dans le monde du libre, la communauté joue en quelque sorte le premier des deux rôles de l’éditeur, mais pas le second. Le métier de nos clients n’est pas d’aller sur des newsgroups. Dans cet univers du libre, il faut les bonnes clés pour ouvrir les bonnes portes.” La communauté, ce sont ces développeurs répartis dans le monde entier et qui assurent l’évolution de tous les projets de développement du logiciel libre. Un monde qui apparaît souvent obscur aux entreprises utilisatrices et qui les a longtemps freinés dans leur démarche vers Linux et les logiciels libres. La plupart des SSLL (sociétés de services du logiciel libre), comme elles se nomment elles-mêmes, jouent donc les intermédiaires entre le client et la communauté. C’est en premier lieu la capacité des prestataires à les aider à faire un choix dans la jungle des projets libres qui intéresse les futurs utilisateurs. Lorsqu’elle a choisi d’aller vers des environnements libres, encore plus que si elle se tourne vers une informatique classique, une entreprise ne vient pas voir son prestataire avec une demande de logiciel particulier. Par contre, elle exige de lui qu’il lui propose la meilleure combinaison d’outils répondant à son besoin.

Une prestation complète de l’audit au support

Les compétences dont disposeent les SSLL sont celles d’ingénieurs suffisamment pointus techniquement mais également au fait du fonctionnement de la communauté. Ils savent trouver les produits, les comparer, les modifier ou les paramétrer. Linagora, par exemple, qui offre des prestations complètes depuis l’audit jusqu’au déploiement, possède son propre laboratoire de tests et de comparatifs. “Nous nous trouvons souvent face à de grandes SSII, raconte Alexandre Zapolsky, PDG de Linagora. Mais notre différence se situe dans l’étendue de la connaissance des technologies libres qui donne la capacité d’indiquer vers quel environnement aller plutôt que tel autre, vers ceci plutôt que vers cela. Pour ce faire, nous avons notre laboratoire, mais aussi l’accès à ceux de nos partenaires constructeurs ou éditeurs.” Par définition, les codes sources des logiciels libres sont disponibles et manipulables. Les SSLL doivent donc aussi savoir les exploiter et c’est pourquoi elles ont en leur sein des développeurs capables de modifier le noyau d’un système d’exploitation ou d’écrire un pilote spécifique de périphérique.Mais, “inutile de réinventer la roue”, comme le précise François Jeanmougin, gérant de Logidée, puisque “la communauté” travaille en permanence à combler les lacunes du monde libre. Il poursuit : “Il faut utiliser ce qui existe et cela demande des compétences particulières”. Paul Guillet, PDG d’IdealX explique : “Nous intégrons les composants que nous développons à travers notre R&D, mais aussi les quelques 400 outils qui existent dans le monde libre et sont intégrables sur les quelques 20 000 projets en cours dans la communauté. Nous réalisons de l’assemblage de pièces et du développement à façon.” Et pour ce faire, toutes les SSLL contribuent aux travaux de la communauté. “Nous sommes dans un mode de travail collaboratif “, insiste Bernard Liscia, directeur du business développement pour Atos Origin Intégration, une SSII classique qui s’intéresse concrètement au monde libre depuis un an. “Impossible de dire : “Je prends, mais je ne donne rien.”” Les SSLL ont souvent leurs propres forums de projets libres comme www.idealx.org, le site de la firme éponyme ou encore www.toolinux.com chez Linagora, même si celui-ci se veut aussi un outil d’information pour tous ceux qui ne sont pas familiers du monde libre. Pour preuve du caractère indispensable pour un prestataire d’une bonne connaissance du monde libre, l’agence de communication DDB a dû revenir sur son choix d’une société de services Unix pour installer des clusters Linux de bureautique et de messagerie. La solution mise en ?”uvre se révélant trop complexe, l’agence s’est finalement retournée vers le spécialiste Alcôve avec qui elle continue l’aventure aujourd’hui. “Il faut aller plus loin que dans Unix, confirme Bernard Rannou, responsable des ventes Linux pour Medasys. Il faut davantage de personnalisation, de développement. Et nous sommes les seuls garants du bon fonctionnement de l’ensemble.”

Un projet open source n’est jamais à 100 % open source

Au-delà de toutes ces spécificités, “un projet en logiciels libres doit être traité exactement comme un projet classique”, insiste Marc Joly, directeur Linux IBM France. Audit, conseil, déploiement, formation, support et maintenance se succèdent donc comme dans tout projet informatique. C’est pourquoi beaucoup de prestataires qui s’appuient sur des environnements libres fonctionnent en mode projet. Ils comptent dans leurs équipes des experts en système, en sécurité, en infrastructure, etc., et des chefs de projet. A chaque besoin, son équipe. D’autant que, comme le constate Alexandre Zapolsky, PDG de Linagora, “il n’existe pas de projet open source qui soit à 100 % de l’open source.” Plusieurs attitudes face à cet état de faits. Peu de SSLL fonctionnent uniquement avec des outils du monde libre, mais la plupart circonscrivent néanmoins leurs actions dans le monde Linux. “Nous vendons des solutions “propriétaires” qui tournent sous Linux, continue Alexandre Zapolsky. Une base Oracle peut s’interfacer. Même SAP existe sous Linux.” Les prestataires qui ne viennent pas d’un monde purement libre, comme Medasys, historiquement distributeur HP, vont même plus loin. “Nous n’avons pas de religion, confirme Bernard Rannou. Nous installons aussi de l’Unix et du Windows. Il est possible de mettre en place de l’administration Windows avec des logiciels libres, par exemple. Nous sommes un spécialiste du monde libre, mais nous avons une crédibilité et s’il n’y a pas de solution libre adaptée, nous pouvons travailler sur une solution non libre.”

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Emmanuelle Delsol