En juillet, les députés ont approuvé la proposition de loi qui vise à lutter contre la cyberhaine portée par la députée Laetitia Avia (LREM). Dans la nuit du lundi 17 au mardi 18 décembre, ce sont les sénateurs qui ont, à leur tour, voté le texte voulu par la majorité présidentielle.
Les articles 1 et 2 supprimés
Mais la proposition de loi adoptée par la Chambre haute a été largement détricotée par les sénateurs. Notamment sur ces aspects les plus polémiques: le retrait en 24 heures de contenus haineux et l’obligation pour les plates-formes d’empêcher la réapparition de ceux-ci après suppression. Ces deux articles présentent des risques de «sur-censure », selon les opposants à la proposition de loi.
✅Mar. 17 déc. 2019, le #Sénat a adopté, avec modifications, la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.
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— Sénat (@Senat) December 18, 2019
Plus de pouvoir pour le CSA
Dans le texte voté, les sénateurs ont supprimé l’article 1er concernant le délai de 24 heures et l’article 2 contraignant les hébergeurs à empêcher la réapparition de contenus déjà censurés (alinéa 11). D’autre part, la Chambre haute a voté un amendement pour « renforcer les moyens d’action du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) en lui donnant accès aux principes et méthodes de conception des algorithmes des plates-formes en ligne ainsi qu’aux données sur lesquels ils se basent » (article 4, alinéa 17).
Mais, comme le rapporte La Quadrature du Net (LQDN) dans une note acerbe publiée mercredi 18 décembre, il s’agirait d’une fausse victoire. Le délai de 24 heures est, en réalité, réapparu sous une autre forme dans l’article 2 via l’amendement 61 adopté dans la version finale.
« Contrairement au texte initial, l’obligation de retrait en 24 heures ne vise plus uniquement les grandes plates-formes (qui ont plus de 5 millions d’utilisateurs par mois), mais n’importe quel hébergeur que le CSA considérera comme ayant “en France un rôle significatif […] en raison de l’importance de son activité et de la nature technique du service proposé” », peut-on lire dans la missive.
Moins de voix pour les magistrats
Pour le collectif de défense des libertés numériques, la version votée par le Sénat du texte est une « trahison ». Le pouvoir plus important en termes de filtrage des contenus octroyé au CSA est jugé « arbitraire ».
À cette voix s’ajoute celle du pouvoir judiciaire. Il y a quelques jours, le syndicat de la magistrature publiait ses critiques acerbes sur le texte. Les juges fustigent une proposition de loi qui relègue au second plan le « juge judiciaire en matière de liberté d’expression » et qui exacerbe « le risque de retraits préventifs abusifs de contenus en ligne par le biais des plateformes privées ».
« Recevoir des leçons de la République Tchèque »
Fustigée de toutes parts, la proposition de loi peine également à convaincre en dehors des frontières françaises. L’Europe a rendu un avis peu encourageant à l’encontre du texte français. Tout comme la République Tchèque qui a frontalement attaqué la proposition française. Des critiques sur lequel certains sénateurs, opposés à la proposition de loi, ont basé leur argumentaire.
« Votre aveuglement vous conduit à la situation cocasse de recevoir des leçon de la part de la République Tchèque en matière de liberté d’expression », a dénoncé le sénateur communiste Pierre Ouzoulias à la tribune.
Dernière étape : trouver un compromis
Désormais, le texte a été transmis à l’Assemblée nationale pour une deuxième lecture. Dans le cadre de la procédure accélérée lancée par le gouvernement, les parlementaires vont se réunir prochainement au sein d’une commission mixte paritaire, en vue de trouver un compromis entre le texte voté par les députés et celui des sénateurs. Le débat devrait être houleux.
Si députés et sénateurs n’arrivent pas à se mettre d’accord sur un texte commun, c’est l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot. Malgré les critiques, le gouvernement pourra compter sur sa majorité au sein de l’Hémicycle.
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