De quoi j'me mail, le podcast [15/4]
Changement d’ère
Les robots et leurs créateurs
21 avril 2011 à 00:00
Une ribambelle de robots ont été exposés au salon InnoRobo qui s’est tenu du 23 au 25 mars à Lyon. L’occasion de les découvrir et de rencontrer leurs concepteurs.
Bruno Maisonnier (Aldebaran Robotics) : “ Nao part à la conquête de nouveaux espaces ” Haut de 58 cm et pesant 5 kg, Nao peut parler, reconnaître le visage de son interlocuteur, lire des mails ou se connecter en Wi-Fi à Internet. Capable de marcher, il peut aussi danser, et même se relever en cas de chute. Il est entièrement programmable, ce qui fait que ses utilisateurs peuvent développer des applications. Que ce soit pour lui apprendre à jouer au foot ou aider les enfants autistes. A ce jour, le robot est surtout utilisé par des universités et des laboratoires de recherche.
MH : Comment avez-vous eu l’idée de ce robot ?
B. M. : Il y a trente ans, après avoir suivi des formations en électronique puis en informatique, j’ai développé mon premier ordi et des petits robots. Quand j’ai vu des centaines de milliers de personnes qui achetaient des ordinateurs, je me suis dit qu’il se passerait la même chose avec les robots, et que le jour où ce sera le moment, je serai là. En 2005, je travaillais dans le secteur bancaire (directeur de la filiale polonaise du Crédit agricole), et j’ai quitté mon job pour créer mon entreprise. Je lui ai donné le nom d’une étoile, Aldébaran, une manière de signifier qu’il s’agit d’un nouvel espace à conquérir.
MH : Quelles sont les limites techniques que vous aimeriez dépasser ?
B. M. : Il y en a trois. La première est la taille : Nao est petit, mais il ne suffit pas de tout multiplier par deux pour pouvoir l’agrandir. Ensuite, la reconnaissance vocale, que nous ne développons pas mais que nous achetons, n’est pas encore assez sophistiquée. Enfin, il y a encore beaucoup d’évolutions à apporter en intelligence artificielle pour que le robot se comporte de manière judicieuse par rapport aux situations. Par exemple, comment prévoit-il ce qu’il va faire, ou comment décide-t-il de prévenir quand il y a un problème.
David Lemaître (EOS Innovation) : “ e-One, simple mais efficace ” Conçu pour être le majordome de la maison, e-One se destine surtout à la télésurveillance et à la sécurité des locaux. Equipé de capteurs et de caméra, il mesure 60 cm pour près de 10 kg. Il est capable d’effectuer des rondes de manière autonome et, en cas de problème, il peut donner l’alerte en évitant les obstacles. A terme, il pourrait assister les personnes âgées et handicapées.
MH : Quels sont les problèmes que vous avez rencontrés ?
D. L. : Le gros souci de la robotique à l’heure actuelle est l’autonomie énergétique. Les batteries sont encombrantes pour une autonomie de quelques heures. Cela nous oblige à bien gérer la consommation électrique de nos robots. Un autre problème technique que nous rencontrons est la reconnaissance visuelle et vocale, un domaine où il y a encore beaucoup à faire.
MH : Comment envisagez-vous le robot de demain ?
D. L. : A mon avis, nous irons dans un premier temps vers des robots spécialisés dans certaines tâches et qui pourront communiquer entre eux afin d’optimiser leur travail. Comme un robot-aspirateur pour le nettoyage, un robot-tondeuse, un robot-majordome pour centraliser les demandes des utilisateurs et communiquer les ordres aux autres robots, etc. Mais une machine qui remplacera l’homme dans toutes ses tâches, ce n’est pas pour tout de suite. Je pense qu’il faut faire des robots simples qui seront efficaces dans le travail qu’on leur demande.
Jean-Christophe Baillie (Gostai) : “ Jazz est plus proche d’Avatar que des classiques de la SF ” Connu pour avoir développé le système d’exploitation Urbi destiné à la robotique, Gostai a voulu créer son propre robot. Ainsi est né Jazz. Grâce à l’écran qui fait office de tête, il peut transmettre ce qu’il voit via une connexion Wi-Fi, tout en se déplaçant dans des bureaux, par exemple à New York. De son côté, l’usager resté à Paris peut le contrôler depuis un navigateur Web. Créé pour les entreprises, il coûte 7 900 euros.
MH : Quels sont les écueils auxquels vous vous êtes heurté ?
J.-C. B. : Pour l’instant, les limites sont liées à l’intelligence artificielle. Il est encore très difficile de faire un robot vraiment intelligent, qui soit capable d’interagir avec un humain en faisant preuve de bon sens. Comprendre un contexte, une situation, saisir un objet de forme quelconque, mémoriser l’histoire de vos interactions : tout ceci est encore un sujet pour les laboratoires de recherche, mais on fait des progrès rapides ! Donc, on se concentre, pour l’instant, sur l’usage à distance : le robot est piloté par une personne pour lui permettre de se déplacer. Elle peut voir dans un lieu distant comme si elle y était. On est plus proche des films Avatar ou Clones que des mythes classiques de la science-fiction. Pour l’instant !
Rob Knight (The Robot Studio) : “ Eccerobot simule un corps humain ” Ce robot anthropomimétique adopte la forme d’un corps humain et en reproduit les structures internes et les mécanismes. Doté de tendons en corde à cerf-volant, il simule les muscles à l’aide de moteurs électriques et de tendeurs. Eccerobot vous serre la main, saisit des objets et reconnaît un visage grâce à une caméra logée dans son crâne.
MH : Comment aller plus loin dans le réalisme ?
R. K. : Il est difficile de copier le mode de fonctionnement du corps humain. Eccerobot rencontre les mêmes difficultés qu’un enfant qui apprend à marcher. C’est très compliqué de développer les articulations des mains et des bras, et encore plus complexe de faire fonctionner les bras avec les jambes dans un même mouvement. En outre, cela nécessite d’utiliser des ordinateurs qui sont encore très chers.
Colin Angle (i-Robot) : “ Roomba fait ce que les gens n’aiment pas faire ” Conçu par i-Robot, qui fabrique aussi des robots militaires, ce robot-aspirateur est équipé de dizaines de capteurs lui permettant de contrôler son environnement. Il est également en mesure de retourner automatiquement sur sa base pour se brancher et recharger sa batterie entre les cycles de nettoyage.
MH : Pourquoi avoir créé un robot-aspirateur ?
C. A. : Depuis la première diffusion de la série The Jetsons à la télévision, tout le monde rêvait d’avoir son robot, Rosie, qui peut s’occuper des tâches ménagères. Les gens l’adoptent parce qu’il fait ce qu’ils n’aiment pas faire. Du coup, au lieu de passer l’aspirateur une fois par semaine, ils le passent tous les jours. Ce qui nous a obligés à améliorer la durée de vie de notre modèle lancé en 2002. Nous avons aussi développé un robot-laveur Scooba en 2005. Je ne crois pas que ce soit nécessaire de concevoir un robot humanoïde. C’est divertissant mais c’est très cher et très fragile. En revanche, nous travaillons à développer un assistant domotique Ava, qui pourrait commander tous les terminaux en réseau de la maison. Avant de partir le matin, vous pourriez expliquer à Ava quelles sont les tâches à accomplir (laver le sol de la salle de bains, passer l’aspirateur, nourrir le chien…) et Ava donnerait les ordres aux autres robots. A votre retour, la maison serait propre, tous les robots auraient regagné leur place, et Ava pourrait vous servir un verre. On peut aussi imaginer que l’iPad ou les tablettes sous Android serviraient à contrôler à distance les robots.
Pierre-Yves Oudeyer et Olivier Ly (Inria) : “ Acroban apporte une réponse à certains problèmes techniques de la robotique ” L’équipe de chercheurs de l’Inria a conçu un robot qui s’inspire du mode de fonctionnement du corps humain, à partir de pièces de métal, d’élastiques, de ressorts et d’une trentaine de micro-contrôleurs. Il commence à savoir se déplacer et, si on le prend par la main, il nous suit. Mais son interaction avec les humains s’arrête là. Il ne sait pas encore comment manipuler les objets, ni taper dans un ballon et n’a pas accès à la parole. C’est ce qui sera développé dans le futur.
MH : Qu’est-ce qui distingue Acroban de ses congénères ?
P-Y. O. : En fait, notre robot apporte une réponse à certains problèmes techniques de la robotique. Jusqu’à présent, pour faire marcher un robot, on avait recours aux mathématiques et à la physique : ce sont ces équations qui permettent de générer des mouvements sans tomber. Les humanoïdes japonais utilisent des hautes technologies, qui obligent non seulement à des calculs mathématiques compliqués mais aussi à utiliser des matériaux coûteux. Mais si on conçoit un robot selon les lois de la physique, c’est la physique qui va faire le travail des logiciels de calculs mathématiques. Dès lors, il n’est plus besoin de modéliser mathématiquement le robot.
Christophe Tiraby (Robotswim) : “ Jessico permet de tester la collaboration entre robots ” Long de 20 cm, le robot-poisson a été conçu pour nager en banc avec ses homologues. Les ondes radio utilisées pour le Wi-Fi ne passant pas dans l’eau, il ne peut se connecter que sur des communications optiques, c’est-à-dire via des diodes lumineuses (Led). Grâce à sa tête chercheuse, il peut détecter les balises codées et les autres robots, et, à partir de deux microprocesseurs, réagir à son environnement ou bien encore tenir compte d’un message d’un autre robot. Il est destiné à l’événementiel ou à la surveillance de piscines.
MH : A quoi ressemblera le Jessico de demain ?
C. T. : On pourrait réduire la taille des modèles afin que des particuliers puissent les mettre dans des petits aquariums. Nos recherches portent aussi sur la manière dont le robot-poisson interagit avec l’environnement. Cela reste difficile de faire en sorte qu’il puisse se déplacer librement dans un espace très restreint. Jessico sera aussi utile aux laboratoires de recherche qui ont besoin de plates-formes d’expérimentation. Il pourra ainsi servir à tester la collaboration entre robots dans un environnement à trois dimensions. Sur ce principe, on peut imaginer que, lors d’un tremblement de terre, ce ne serait pas un robot, mais une centaine de robots qui communiqueraient entre eux à la recherche de survivants.
Renaud Didier (Robopolis) : “ Sparx est une plate-forme de jeu de nouvelle génération ” Ce véhicule robotisé, entièrement programmable, est équipé d’une caméra VGA à 30 images par seconde et est connecté en Wi-Fi. Ainsi, Sparx peut filmer son environnement et y superposer des éléments virtuels. Il s’accompagne d’un tutoriel vidéo d’apprentissage de la programmation qui se veut ludique. Il sera en vente à partir d’octobre 2011 au prix de 690 euros.
MH : Quelle a été la genèse de Sparx ?
R. D. : Sparx est l’aboutissement d’un an de travail, c’est une plate-forme de jeu de nouvelle génération. On y a ajouté une nouvelle dimension à travers la réalité augmentée. C’est un robot qui est entièrement programmable et accompagné d’un tutoriel, un mode d’emploi sous forme d’un jeu vidéo. Il enseignera les concepts de la programmation robotique. L’utilisateur disposera de cartes de réalité augmentée, qu’il pourra disposer dans sa chambre par exemple. Le système est également compatible avec le système Meccano de construction. L’utilisateur peut, par exemple, ajouter un bras Meccano sur l’une des vis du robot.
Frédéric Lenti (Induct) : “ Cybergo, un véhicule qui sait prendre des mesures intelligentes ” Cette navette de transport 100 % électrique roule sans conducteur, ce qui est interdit par le code de la route. En attendant une évolution de la législation, il est réservé aux derniers kilomètres à partir d’une gare, aux centres-villes piétonniers, aux campus universitaires, etc. Il se déplace en toute autonomie grâce à des capteurs, dont des télémètres laser et des caméras sur les phares.
MH : Comment avez-vous eu l’idée de ce robot ?
F. L. : On peut remonter en 2004, à l’origine de la création de la société Induct, dont l’essence même est d’apporter des solutions à la mobilité urbaine. En 2005, nous étions la seule équipe européenne à participer au challenge du Darpa (organisme de recherche et de développement du département d’Etat de la Défense), une course de véhicules autonomes dans le désert de Mojave aux Etats-Unis. En 2007, autre challenge : rouler en autonome mais en ville ! Les technologies se devaient d’être plus développées. La distance parcourue était de 96 km et devait être effectuée en six heures, tout en respectant les règles de circulation californiennes. Les véhicules ont donc dû prendre des mesures “ intelligentes ” d’eux-mêmes. Peu de temps après, le Cybergo était né.
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp .