Transformer aéroports, centres de congrès, hôtels ou gares en réseaux de transmission de données : c’est l’ambition des promoteurs des “hotspots” (réseaux radio publics), qui mobilisent l’attention depuis l’été. L’exemple de l’utilisateur type est celui de l’homme d’affaires en attente d’embarquement ou en transit dans un aéroport. Grâce à la carte radio insérée dans son PC portable, il est détecté par un point d’accès du réseau sans fil. Après authentification pour la facturation (comme pour un accès classique à l’internet avec un fournisseur de services), une connexion est établie. L’homme d’affaires peut alors naviguer sur le web ou se connecter à l’intranet de son entreprise, comme s’il était à son bureau ou chez lui (à la réserve près de la confidentialité des échanges).
Une place laissée vacante par le retard de l’UMTS
Pour proposer ce service, une technologie s’est imposée : Wi-Fi (802.11b). Aujourd’hui mature du côté de la transmission radio, de moins en moins chère ?” les cartes pour PC coûtent une centaine d’euros, et les points d’accès deux à trois fois plus ?”, elle offre un débit partagé théorique de 11 Mbit/s (6 ou 7 Mbit/s pratiques) sur une portée de trente à cinquante mètres environ en lieu clos. Mais elle reste encore largement perfectible en matière de sécurité. C’est actuellement la grande lacune du système. Insuffisance qui devrait toutefois être comblée avec la famille de normes d’authentification et de cryptage ?” regroupées sous le sigle 802.11i ?” attendue pour l’année prochaine.Un point qui concerne en fait assez peu les “hotspots”, puisque ceux-ci, pour être le plus ouverts possible, seront, la plupart du temps, dépourvus de mécanismes de sécurité. Certains spécialistes estiment d’ailleurs cette crainte obsessionnelle d’être “piraté” exagérée. Un expert résume la situation par une boutade : “Vous craignez qu’on intercepte vos données. Mais vous assurez-vous toujours, dans une foule, que quelqu’un n’écoute pas vos conversations téléphoniques passées avec un portable ?” Paranoïa ou non, pour assurer la confidentialité des données d’entreprise, il est toujours possible d’utiliser des tunnels cryptés. Exactement comme lorsque, dans sa chambre d’hôtel, on est connecté par modem à la ligne téléphonique.Dans ces réseaux radio publics, Wi-Fi entre en concurrence directe avec l’UMTS (téléphonie mobile de troisième génération). C’est en effet cette dernière, qui, voilà deux ou trois ans, était censée apporter la solution universelle aux besoins de transmission de données des mobiles. La déroute financière des opérateurs et les tergiversations des équipementiers, qui n’en finissaient pas de mettre au point une technologie survendue, ont laissé un vide dans lequel s’est engouffré Wi-Fi. Cependant, pour certains experts, il s’agit là d’une fausse querelle. “Le GPRS comme l’UMTS n’offrent pas assez de bande passante ; ils sont adaptés à la téléphonie, pas aux données”, note Christophe Rémy, directeur général d’APC-Fingerman, société française spécialiste des hotspots. “L’UMTS n’occupera pas tout le domaine de la donnée parce qu’il ne peut pas répondre à tout”, souligne Ronald Najar, PDG de TLC Mobile, opérateur français de réseaux radio publics. De fait, si l’UMTS offre toutes les garanties côté sécurité, il pèche en termes de performances : on annonçait 384 Kbit/s par utilisateur au départ (et plus probablement 128 ou 144 Kbit/s) et un hypothétique 2 Mbit/s plus tard. Même si les 11 Mbit/s sont partagés entre dix à douze utilisateurs, la cause est entendue pour Wi-Fi. Les deux systèmes coexisteront donc : au 802.11b les zones à fort trafic (“hotspots”) et aux GPRS/UMTS les autres ?” ce qui n’empêchera pas d’ailleurs ces derniers d’être également disponibles dans les hotspots.
Les Wisp, une nouvelle génération d’opérateurs
Prisonniers de leur stratégie UMTS, les opérateurs de téléphonie n’ont pas vu arriver la vague Wi-Fi. Ou, s’ils l’ont vue, ils l’ont mésestimée. Comme souvent, le monde des télécoms néglige à tort les technologies réseaux. IP, protocole de l’internet, réseau quasiment ignoré des opérateurs il y a seulement dix ans, a aujourd’hui pratiquement enterré ATM, technologie télécoms par excellence. Ethernet, également technologie de réseau local, vient empiéter, dans les réseaux métropolitains, sur les plates-bandes du monument qu’est SDH. Wi-Fi, modeste technologie radio de réseau local, n’enterrera probablement pas l’UMTS, mais il l’écartera du marché des hotspots. Aujourd’hui, on commence seulement à prendre acte de cette évolution. Japan Telecom estime que ce marché n’est pas encore prêt. Mais il a lancé des expérimentations, notamment avec les chemins de fer. Le Suédois Telia a ouvert quelques plaques, et BT Group a annoncé cet été l’ouverture de quatre cents sites. Le plus actif est Deutsche Telekom, qui a signé un accord aux Etats-Unis avec mille deux cents établissements de la chaîne Sarbuck Cafes ?” deux mille sont prévus pour 2003, avec une extension à l’Europe ?” via sa filiale T-Mobile (ex-Voicestream). Et il vient d’ajouter quatre cents sites dans la chaîne américaine Border Books and Music. En France, nos trois champions restent étrangement silencieux. “Nous répondons à des appels d’offres ; nous préparons notre offre”, se contente de répondre Jean-Yves Gouiffes, le grand patron des réseaux chez France Télécom.Pour combler cette absence, une nouvelle génération d’opérateurs a vu le jour : les Wisp (Wireless Internet Service Provider), comme Wayport aux Etats-Unis ou Megabeam en Grande-Bretagne. En France, c’est le créneau qu’a choisi TLC Mobiles, qui envisage d’équiper six cents sites. Ainsi, c’est lui qui opère le hotspot du café Colombus à Neuilly, ouvert récemment à titre expérimental. En fait, nombre d’observateurs pensent que les opérateurs de téléphonie mobile attendent leur heure. Comme ils l’ont fait il y a quelques années avec les petits fournisseurs d’accès à internet, ils rachèteront le moment venu les Wisp. Reste à savoir s’ils en auront encore les moyens financiers…Les équipementiers, eux, ont réagi plus vite. Alcatel, absent de ce secteur, a signé un accord OEM avec le Canadien Colubris. L’incontournable Cisco annonce avoir équipé dix-neuf aéroports européens. Symbol a, lui aussi, sa stratégie. Il équipe, pour l’instant, le hotspot du Palais des Congrès. Nokia mise clairement sur la synergie avec ses clients traditionnels : les opérateurs de téléphonie mobile. Ainsi, sa carte D211 offre une connexion GPRS/Wi-Fi et une authentification via la carte SIM (Subscriber Identification Module) du GSM. Sans pour autant négliger le système classique de l’identifiant (ID) et du mot de passe (PW). Siemens va intégrer dans son offre la solution d’une société française, Netinary, qui fournit le serveur-passerelle entre le réseau radio et le monde filaire : Bluevider et son boîtier Multibox. Netinary a, d’ailleurs, conclu un accord semblable avec Damovo, ex-division services d’Ericsson. Damovo a lui-même noué un partenariat avec Megabeam, le Wisp britannique. Ericsson se lance à son tour dans l’arène et annonce une solution combinant le GPRS, l’UMTS, Wi-Fi et Bluetooth, avec identification par une carte SIM spécifique. Les annonces se multiplient, et le petit monde des réseaux radio publics est en pleine ébullition.
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