Ne nous voilons pas la face : un très grand nombre d’internautes ont déjà mis la main sur une copie pirate d’un film, d’une chanson ou d’un logiciel par le biais des réseaux de peer to peer.
Mais quelle est l’origine de ces copies ? D’abord, il y a le ‘ pirate ordinaire ‘ : un particulier achète un CD ou un DVD, le convertit en MP3 ou en DivX qu’il met à disposition sur
les réseaux de peer to peer. L’acte est illégal, mais ce n’est pas tant ce pirate isolé que redoutent les majors et les éditeurs.Leur vrai ennemi, c’est le ‘ warez ‘. Ce terme, dérivé du suffixe anglais ware que l’on retrouve, par exemple, dans software ou hardware, désigne des groupes de pirates
professionnels, hiérarchisés de manière quasi militaire. A la tête, le patron, entouré de lieutenants ayant chacun une mission précise. Les uns s’occupent de la réalisation de copies de DVD ; d’autres de la récupération de films
ou la mise en place de serveurs de téléchargement ; d’autres, enfin, récupèrent l’argent. Car la priorité des pirates, c’est de céder les copies à des vendeurs de DVD gravés qui agissent surtout sur les braderies et marchés
d’Asie ou d’Afrique du nord, ainsi que dans le quartier chinois de Manhattan.
Tout se copie, rien ne se perd
‘ Après avoir contrefait le film, le pirate va d’abord le proposer à la vente via des serveurs, explique BBW, ancien membre du réseau pirate. Une fois les ventes effectuées, il laisse
entre 24 et 72 heures aux revendeurs pour écouler la copie. Ensuite seulement, il la diffuse en masse sur Internet. ‘Pourquoi diffuser ainsi des copies qu’ils pourraient se contenter de vendre ? D’abord, parce que trois jours, c’est plus qu’il n’en faut au revendeur pour rentabiliser son investissement.
C’est aussi le délai après lequel la nouveauté, qui n’en est plus une, est moins attrayante. Reste donc à la diffuser en masse, histoire de faire la publicité du groupe. Ce marché parallèle est très juteux. D’après plusieurs
sources concordantes, dont la police de New York, des groupes comme CuriousJotos ou encore Ignition peuvent commercialiser la première copie jusqu’à 100 dollars pièce.En vrais commerçants, ils ont modifié plusieurs fois le son et l’image afin de proposer des versions différentes à plusieurs revendeurs. Des groupes warez annoncent ainsi commercialiser, selon les périodes et les sorties, près de
800 copies par mois. Fin septembre, la police new-yorkaise mettait la main sur un de ces réseaux. Bilan : 280 graveurs et 23 serveurs saisis ! De quoi produire jusqu’à 6 000 copies à
l’heure !Chez les pros de la contrefaçon, rien n’est épargné. Cinéma, musique mais aussi jeux vidéo, livres, presse, jaquettes de DVD… Toutes ces copies se retrouvent sur des serveurs dédiés, des espaces de stockage loués pour
l’occasion et dont les plus importants ne proposent pas moins de 15 To de données, soit plus de 15 000 Go ! Seulement, ne télécharge pas qui veut. Pour profiter de cette manne, il faut ouvrir le porte-monnaie, ou avoir de
quoi échanger. C’est donnant-donnant : pour télécharger un film, il faut en proposer un, deux ou trois autres, selon les serveurs. Et les pirates sont exigeants, réclamant la nouveauté et l’inédit indispensables à leur business.
Ceux qui n’ont rien d’intéressant à proposer peuvent toujours accéder au serveur… en payant. Pour 20 à 60 dollars par mois, l’acheteur, coopté par un membre du groupe, pourra récupérer toutes les copies du moment.‘ Mon job était de trouver les bons clients, confie BBW. Je pouvais gagner entre 2 000 et 3 000 dollars par mois ! ‘ Pourquoi avoir arrêté ?
‘ Le peer to peer a cassé le business. Maintenant, les groupes warez se font une guerre sans merci. Ils diffusent les copies des concurrents, les ventes sont plus difficiles. ‘
Difficile pour les
associations antipirates d’arrêter la contrefaçon sur Internet. D’abord, parce que les groupes sont très structurés et sécurisés. Les fichiers sont cachés sur des serveurs installés un peu partout sur le globe, utilisant des connexions
cryptées ultrarapides. Ensuite, parce que de nombreuses fuites proviennent du secteur du cinéma lui-même. En décembre 2005, une vingtaine de DVD envoyés aux jurés des César 2006 se sont retrouvés dans les mains du warez… Quelques mois plus
tard, c’est le DVD des Bronzés 3, Amis pour la vie qui est vendu sous le manteau, avant même sa sortie dans le commerce. Mi-juillet, le DVD de Mon nom est Tsotsi, Oscar du meilleur film étranger
2006, est sur le Net alors que le film venait à peine de sortir en salles !
Le jeu du chat et de la souris
L’exemple le plus parlant reste celui du film Brice de Nice : quelques jours après sa sortie en salle, une version très particulière était diffusée par le warez : elle ne comprenait ni la musique ni
les effets spéciaux. Une copie forcément volée au banc de montage de la production… Dans d’autres cas, attachés de presse, journalistes, salariés de sociétés chargées de graver les DVD ou de produire les sous-titres sont montrés du doigt.
Le ver est dans le fruit, mais nul n’ose vraiment en parler. Les maisons de production tentent d’agir : les studios Warner Bros ont mis en place un département dédié aux opérations antipiraterie : recherche de solutions
technologiques de protection, recours à la justice… Des résultats pour les chasseurs de pirates ? Quelques interventions très médiatisées, comme l’opération Utopi62 : mi-juin 2006, 25 Français, dont 13 mineurs, étaient
interpellés. Leur serveur hébergeait environ 40 000 chansons, films et logiciels illicites. ‘ Mais tout cela ne fait pas peur aux membres du warez, conclut BBW, tant qu’il y aura des
personnes qui payeront pour obtenir des copies, le piratage continuera. ‘
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.