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Les promesses du porte-monnaie électronique

Avec Moneo, la France se dote de son premier porte-monnaie électronique. Distillé en régions depuis 1999, il débarquera à Paris en novembre, alors que, parallèlement, d’autres systèmes de paiement dédiés internet voient le jour.

La France serait-elle en marche pour réaliser l’utopie d’une société sans espèces sonnantes et trébuchantes ? L’objectif ne semble plus hors de portée. L’avènement du porte-monnaie électronique (PME) pourrait bien contribuer à la banalisation des micropaiements immatériels. Mais attention, le vocabulaire peut être trompeur : le jour où les banques fourniront des outils de paiement susceptibles de séduire les consommateurs encore réticents à payer sur internet n’est pas encore venu. Basé sur une carte à puce bien matérielle, le PME concerne tout d’abord les commerces de proximité.

Une réserve de 100 euros

D’ici à la fin 2003, 20 millions de cartes bancaires mises sur le marché porteront la fonctionnalité Moneo, du nom du PME qui s’est finalement imposé en France. La puce de la carte, qui est rechargeable dans les agences bancaires ou chez les commerçants, contient une réserve d’argent limitée à 100 euros. Elle permettra de payer une baguette, le journal, une place de parking ou un soda dans un distributeur, le montant de chaque achat étant limité à 30 euros. Moneo est également distribué sous forme de cartes indépendantes, rattachées ou non à un compte en banque. Le projet, qui nécessite de remplacer toutes les cartes bancaires et l’intégralité du parc des terminaux de paiement des commerçants, coûte environ 25 millions d’euros par an aux banques via BMS, le consortium interbancaire chargé du déploiement du PME en France.“Moneo est né de la pression que subissaient les commerçants pour accepter des paiements par carte bancaire de plus en plus petits”, assure Fabrice Constantin, le directeur commercial de BMS. Il est vrai que le traitement d’un paiement par carte coûte un forfait de 0,15 euro minimum au commerçant, plus la communication du terminal au serveur central, ce qui le rend peu adapté pour des faibles montants. Sans forfait minimum, et fonctionnant en mode offline (lire aussi ci-dessous), le PME ne nécessitera pas de connexion du terminal, ce qui aura l’autre avantage de rendre le paiement instantané. Avec Moneo, c’est toute la chaîne des espèces qui gagne en rentabilité.Les banques, en tout premier lieu, réduisent leurs coûts de distribution de monnaie : plus de traitement des petits chèques, moins de distributeurs automatiques, moins de guichets, les transactions et les rechargements étant délégués au commerçant, et moins de transport de fonds. Les commerçants, quant à eux, réduisent les risques de caisse, les vols tout en éliminant les décalages de trésorerie liés aux chèques. De même, les sociétés d’automates distributeurs et d’horodateurs économiseront sur leurs coûts de ramassage et pourront limiter les pertes liées au vandalisme.Moneo a fait ses premiers pas à Tours en octobre 1999. Un an plus tard, c’est le Finistère puis l’ensemble de la Bretagne qui sont dotés du PME, puis suivent en 2001 Lyon, Bordeaux, Montpellier, Poitiers, et plus récemment Dijon, Limoges, la région Nord/ Pas-de-Calais et Amiens, les deux dernières inaugurations ayant eu lieu en septembre à Nice et à Marseille. L’ouverture de Paris est prévue pour le 6 novembre prochain. Selon Fabrice Constantin “il faut un an pour développer réellement une grande agglomération “.

L’affaire des banques

Le rôle de BMS se limitant au lobbying auprès des syndicats professionnels et des chambres de commerce, c’est aux banques qu’il revient de mettre en ?”uvre les quatre étapes du déploiement dans chaque région. La première mission consiste à faire signer aux commerçants un contrat définissant le coût du terminal et la commission qu’ils acceptent de reverser à leur banque sur les montants collectés. Cette commission oscille, selon les banques, entre 0,5 et 1 % du chiffre d’affaires, soit l’équivalent de la commission ponctionnée pour les paiements par carte bancaire, mais les négociations continuent. Aujourd’hui, 65 000 commerçants ont déjà signé ce contrat, et 40 000 ont été équipés du matériel ad hoc. L’installation, deuxième mission de la banque, prend quatre mois.Troisième étape critique et coûteuse, la diffusion de toutes les cartes bancaires “Moneo-compatibles “. Les PME commencent à être utilisés en moyenne six mois après avoir été distribués, sous réserve que la quatrième étape ait été correctement menée : l’éducation des commerçants et des consommateurs. À ce stade BMS devrait donner un petit coup de pouce aux banques en menant une campagne de communication nationale fin novembre pour promouvoir Moneo. Sur les 7 millions de cartes bancaires disposant d’un porte-monnaie Moneo qui existent aujourd’hui en France, 600 000 seulement ont déjà été chargées et 400 000 sont utilisées régulièrement.Atos Origin, le prestataire technique de BMS, qui travaille sur de nouvelles applications ?” notamment dans le domaine des tickets de transport ?” est par ailleurs un acteur incontournable des solutions de paiement sécurisé sur internet. Alors on se prend à rêver d’un porte-monnaie électronique universel, utilisable pour payer un ticket de métro comme des services en ligne. Daniel Bution, responsable des nouveaux produits pour le Groupement des Cartes Bancaires, explique avec réticence que “cela fait partie des champs d’étude” ! Après l’échec du terminal Cybercom, il semble que le Groupement, qui va tout de même publier une liste de prestataires de paiements sécurisés “recommandables” d’ici à six mois, refuse d’être moteur dans ce domaine. La carte bancaire est encore loin d’être le couteau suisse de l’identification et du paiement dématérialisé.

Des concurrents à Moneo

Face à cet immobilisme, d’autres PME voient le jour. La société Sep Tech viendrait de signer un accord avec le réseau des buralistes pour distribuer des cartes prépayées à utiliser sur un portail de quarante sites marchands. Pourtant seules les banques sont autorisées à gérer des outils multi-paiement. Kertel, l’opérateur de cartes téléphoniques français, qui a développé un produit du même type nommé Kercash, l’intègre comme une fonctionnalité de ses cartes téléphoniques pour éviter de se retrouver à la limite de l’illégalité. Ses premières affiliations de sites devraient être annoncées fin octobre. Le fournisseur d’accès Club-Internet propose, grâce à la technologie iPIN, des comptes prépayés pour ses clients mais à consommer exclusivement sur son portail. Quant à Promonetic, qui a développé sa propre technologie de gestion des pré-paiements, il a choisi de s’intégrer aux principaux systèmes de paiement en ligne pour pouvoir proposer une solution de porte-monnaie “propriétaire” à chacun des sites qui leur sont affiliés.Ainsi parallèlement à Moneo, une multitude de porte-monnaie électroniques et mono-usage se préparent à investir le marché, et il devient urgent que les banques s’intéressent à ce secteur.

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Emmanuel Noutary